Legs et Donations 2023

LES GUIDES DE LA SEMAINE JURIDIQUE - N°2 / 2022 - ISSN : 0242-5785 LEGS ET DONATIONS LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS ÉDITION 2023 NOUVEAU SITE ! lexisnexis-legsetdonations.fr 18eÉDITION

Transmettre l’espoir de vaincre le cancer LEGS - DONATIONS - ASSURANCES-VIE Transmettre tout ou une partie de ses biens à l’Institut Curie, premier centre français de recherche en cancérologie, est un formidable message d’espoir pour tous ceux qui luttent contre le cancer. En soutenant les efforts de l’Institut Curie, fondé par Marie Curie, vous effectuez un geste de générosité envers les générations futures, vous donnez aux chercheurs et médecins les moyens de prendre le cancer de vitesse et associez votre nom à ce combat pour la vie. Léguez à l’Institut Curie, 1er Centre français de recherche en cancérologie Pour tout renseignement contacter Catherine Ricatte - Institut Curie : 26, rue d’Ulm - 75248 Paris Cedex 05 - 01 56 24 55 34 - catherine.ricatte@curie.fr curie.fr

LEGS ET DONATIONS LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS Votre guide est désormais consultable en ligne dès l’édition à paraître en octobre 2022 sur lexisnexis-legsetdonations.fr. Ce nouveau site permet un accès dédié aux associations et fondations pour s'inscrire, mettre à jour leurs données rédactionnelles et réserver un emplacement publicitaire. Une visibilité remarquable vers nos fidèles lecteurs notaires, leurs clients et désormais vers un public élargi grâce à la consultation internet. Et toujours, une diffusion papier auprès de nos abonnés notaires. 18eÉDITION NOUVEAU SITE ! lexisnexis-legsetdonations.fr

Sommaire ÉTUDES Libéralités-partages . .................................................................................. p.7 • Avant-propos, par Vivien Zalewski-Sicard ......................................................................p. 8 • La forme des libéralités-partages, par Sarah Torricelli-Chrifi........................................... p.9 • L’incorporation partielle, par Christophe Lesbats. ......................................................... p.14 • Les soultes dans les libéralités-partages, par Elsa Berry. ............................................. p.21 • L’évaluation des lots de la donation-partage : focus sur l’allotissement avec réserve d’usufruit, par David Epailly.......................................................................................... p.26 • Les libéralités-partage conjonctives, par Sophie Lambert............................................. p.30 • La libéralité-partage substitutive, par Alex Tani............................................................. p.36 • Liquidation, donation-partage et biens existants par Vivien Zalewski-Sicard................. p.41 • Les libéralités-partages en droit international privé, par Hélène Péroz.......................... p.48 Les Associations et Fondations • Présentation des associations ayant répondu à notre questionnaire. ................................... p. 55 Index • Index par domaines d’action des associations et fondations...................................... p. 198-199 • Index par odre alphabétique................................................................................................ p. 200 LEGS ET DONATIONS Les Guides de la Semaine Juridique n°2/2022 Président-Directeur-Général et Directeur de la publication : Éric Bonnet-Maes Directrice éditoriale : Anne-Laurence Monéger anne-laurence.moneger@lexisnexis.fr Directrice de rédaction : Véronique Marie veronique.marie@lexisnexis.fr Responsable de rédaction : Anaïs Schouflikir-Gabriel anais.schouflikir-gabriel@lexisnexis.fr Rédactrice en chef : Catherine Larée catherine.laree@lexisnexis.fr Ont collaboré à ce numéro : Chloé Cosnefroy, Brian Kibimi-Deje Publicité : Responsable de Clientèle : Caroline Spire Tel : 01 45 58 94 69 Port. : 06 13 44 03 40 caroline.spire@lexisnexis.fr Correspondance : LexisNexis SA La Semaine Juridique (édition notariale et immobilière) 141, rue de Javel 75747 Paris Cedex 15 Relation clients : 01.71.72.47.70 relation.client@lexisnexis.fr LexisNexis SA Legs et donations - La Semaine Juridique (Édition Notariale et Immobilière) SA au capital de 1.584.800 euros 552 029 431 RCS Paris Principal associé : Reed Elsevier France SA Siège social : 141, rue de Javel 75747 Paris Cedex 15 Mise en page : Vif-Argent N° imprimeur : 5011 N° éditeur : 4777 Dépôt légal : à parution ISSN : 0242-5785 Origine du papier : Allemagne Taux de fibres recyclées : 6 % Certification : 100 % Impact sur l’eau : Ptot = 0,01Kg/tonne - 3 - LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS 2023

PRINCIPALES MISSIONS Créé en 1998, France générosités a pour vocation de défendre, développer et promouvoir les générosités en France. « La générosité privée est plus que jamais indispensable à la survie des associations et des fondations. Parallèlement, les motivations, les profils et les comportements des donateurs évoluent. Le syndicat France générosités se présente comme une réponse aux enjeux que rencontre le secteur à but non lucratif. Il encourage en effet l’échange et le partage d’expertises permettant de proposer des pistes de réflexion pour la collecte de demain. Son rôle est primordial pour défendre et promouvoir la générosité et les intérêts de ses membres notamment auprès des pouvoirs publics, dont il est devenu un interlocuteur privilégié. » PLAIDOYER ACCOMPAGNEMENT ETUDES & INFORMATIONS SENSIBILISATION Défendre les intérêts de ses membres auprès des pouvoirs publics et favoriser un contexte favorable à la générosité en France Ann AVRIL, Directrice générale de l’UNICEF Accompagner ses membres, individuellement ou collectivement, dans leurs problématiques juridiques, fiscales et marketing de la collecte de fonds Piloter des études, produire des analyses et décryptages permettant d’identifier les nouveaux potentiels de générosité Promouvoir la générosité sous toutes ses formes auprès du grand public, via une campagne annuelle de sensibilisation et le site d’information infodon.fr Le syndicat des associations et fondations qui font appel à la générosité du public Pour rejoindre le réseau des 130 organisations membres de France générosités VOTRE CONTACT Claire Bourdon Chargée d’animation du réseau cbourdon@francegenerosites.org www.francegenerosites.org www.infodon.fr REJOIGNEZ LE RÉSEAU ! PAROLES DE MEMBRE

LISTE DE NOS ANNONCEURS (par ordre alphabétique) • À CHACUN SON EVEREST ! • ACAT FRANCE • ACTION CONTRE LA FAIM • ACTION ENFANCE- FONDATION MOUVEMENT POUR LES VILLAGES D’ENFANTS • AFM – TÉLÉTHON • AMERICAN HOSPITAL OF PARIS • AMNESTY INTERNATIONAL FRANCE • APF FRANCE HANDICAP • APPRENTIS D’AUTEUIL (FONDATION) • ASSOCIATION FRANÇAISE DES POLYARTHRITIQUES ET DES RHUMATISMES • INFLAMMATOIRES CHRONIQUES – AFP RIC • ASSOCIATION FRANCE ALZHEIMER ET MALADIES APPARENTÉES • ASSOCIATION LES PETITS FRÈRES DES PAUVRES • ASSOCIATION RÊVES • ASSOCIATION SŒUR EMMANUELLE-ASMAE • AVIATION SANS FRONTIERES • AVOCATS SANS FRONTIERES • BUREAU INTERNATIONAL CATHOLIQUE DE L’ENFANCE – BICE • CCFD-TERRE SOLIDAIRE • CENTRE FRANÇOIS BACLESSE • CENTRE LÉON BÉRARD • CHAÎNE DE L’ESPOIR (LA) • CHIENS GUIDES D’AVEUGLES CENTRE PAUL CORTEVILLE • CHIENS GUIDES D’AVEUGLES D’ÎLE-DE-FRANCE • CHIENS GUIDES D’AVEUGLES DE L’OUEST (LES) • CHIENS GUIDES D’AVEUGLES DE LYON ET DU CENTRE-EST • CHIENS GUIDES D’AVEUGLES DE PROVENCE CÔTE D’AZUR CORSE (LES) • CHIENS GUIDES D’AVEUGLES DU CENTRE-OUEST • CHIENS GUIDES D’AVEUGLES ET MALVOYANTS DE PARIS • CHIENS GUIDES D’AVEUGLES GRAND SUD OUEST • CHIENS GUIDES D’AVEUGLES GRAND SUD OUEST ALIEONOR BORDEAUX • CHIENS GUIDES DE L’EST • CONFÉDÉRATION NATIONALE - DÉFENSE DE L’ANIMAL • CROIX ROUGE FRANCAISE • DON EN CONFIANCE • EMMAÜS INTERNATIONAL • EMMAÜS SOLIDARITÉ (ANCIENNEMENT ASSOCIATION EMMAÜS) • ENFANTS D’ASIE • ENFANTS DU MEKONG • FÉDÉRATION FRANÇAISE DES ASSOCIATIONS DE CHIENS GUIDES D’AVEUGLES • FÉDÉRATION HABITAT ET HUMANISME • FEDERATION POUR LA RECHERCHE SUR LE CERVEAU - FRC • FONDATION 30 MILLIONS D’AMIS • FONDATION ABBÉ PIERRE • FONDATION ARC POUR LA RECHERCHE SUR LE CANCER • FONDATION ASSISTANCE AUX ANIMAUX • FONDATION CASIP- COJASOR • FONDATION CLAUDE POMPIDOU • FONDATION DE FRANCE • FONDATION DE LA 2ÈME CHANCE • FONDATION DE RECHERCHE SUR L’HYPERTENSION ARTERIELLE • FONDATION DES AMIS DE L’ATELIER • FONDATION DES HÔPITAUX • FONDATION DES MONASTÈRES • FONDATION DES PETITS FRÈRES DES PAUVRES • FONDATION DU PATRIMOINE • FONDATION DU SOUFFLE • FONDATION FRANÇAISE DE L’ORDRE DE MALTE • FONDATION FRANÇAISE POUR LA RECHERCHE SUR L’ÉPILEPSIE – FFRE • FONDATION FREDERIC GAILLANNE • FONDATION JÉRÔME LEJEUNE • FONDATION KTO TELEVISION CATHOLIQUE • FONDATION LES AMIS DE L’ARCHE • FONDATION MÉMORIAL DE LA SHOAH • FONDATION POUR L’AUDITION • FONDATION POUR L’ECOLE • FONDATION POUR LA RECHERCHE MÉDICALE • FONDATION POUR LA RECHERCHE SUR LES AVC • FONDATION RAOUL FOLLEREAU • FONDATION RECHERCHE ALZHEIMER • FONDATION SOS VILLAGES D’ENFANTS • FONDATION TERRE DE LIENS • FONDATION TERRE SOLIDAIRE • FONDATION VISIO • FONDS DE DOTATION CFRT / LE JOUR DU SEIGNEUR • FONDS SOCIAL JUIF UNIFIE • FRANCE GÉNÉROSITÉS • FRANCE PARKINSON • GREENPEACE • GUSTAVE ROUSSY • HANDICHIENS • INSTITUT CURIE • INSTITUT DU CERVEAU ET DE LA MOELLE ÉPINIÈRE – ICM • INSTITUT PASTEUR • LA CIMADE • LA LIGUE CONTRE LE CANCER • LA SPA – LA SOCIETE PROTECTRICE DES ANIMAUX • LABEL IDEAS • LES RESTAURANTS DU CŒUR – LES RELAIS DU COEUR • LIGUE POUR LA PROTECTION DES OISEAUX - LPO • MÉDECINS DU MONDE • MÉDECINS SANS FRONTIÈRES • ŒUVRE D’ASSISTANCE AUX BÊTES D’ABATTOIRS - OABA • ŒUVRE DES PUPILLES ORPHELINS ET FONDS D’ENTRAIDE DES SAPEURS POMPIERS DE FRANCE – ODP • OPC • ORDRE DE MALTE FRANCE • ORPHEOPOLIS • PERCE NEIGE • SECOURS CATHOLIQUE – CARITAS FRANCE • SECOURS ISLAMIQUE FRANCE • SECOURS POPULAIRE FRANÇAIS • SIDACTION • SOCIÉTÉ DES AMIS DE VERSAILLES • SOCIETE FRANCAISE D’IMMUNOLOGIE • SOCIÉTÉ POUR LA DÉFENSE DES ANIMAUX DE BOURGOGNE ET DE FRANCHE-COMTÉ • SOCIETE SAINT VINCENT DE PAUL • SOLIDARITE LAIQUE • SOS VILLAGES D’ENFANTS • SPA DE SAVOIE • UNICEF (COMITÉ FRANÇAIS POUR L’) • VAINCRE LA MUCOVISCIDOSE • WWF - 5 - LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS 2023

ENTREZ DANS L’HISTOIRE MÉDECINS DU MONDE ET LÉGUEZ VOTRE HUMANITÉ. Transmettre son patrimoine à Médecins du Monde, c’est prendre part à l’Histoire d’une association qui a libéré des millions de personnes de la souffrance et du manque de soins. Depuis 1980, les militants de Médecins du Monde soignent les personnes exclues et vulnérables, dénoncent les injustices dont elles sont victimes et se battent pour un accès universel à la santé, en France et dans le monde. Ces missions reposent, pour beaucoup, sur le soutien de professionnels tels que vous, qui accompagnent nos bienfaiteurs. Merci de compter parmi nos partenaires. Marie-Anne RENAUDOT, Responsable du service Legs, Donations et Assurances-vie, se tient à votre disposition pour répondre à toutes vos questions. Contactez-la au 01 44 92 14 42 ou par mail : legs@medecinsdumonde.net Notre site dédié : legs.medecinsdumonde.org © Sinawi Medine LEGS • DONATIONS • ASSURANCES-VIE MDM23 AP © Médecins du Monde

LEGS ET DONATIONS LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS LIBÉRALITÉS-PARTAGES 18eÉDITION

- 8 - LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS 2023 AVANT-PROPOS Les libéralités-partages sous toutes les coutures Vivien Zalewski-Sicard enseignant-chercheur, université Toulouse Capitole, membre du GREDIAUC et de l’IRDP © Droits réservés DOSSIER FAMILLE LIBÉRALITÉS - PARTAGES Les libéralités-partages, réformées en dernier lieu par la loi du 23 juin 2006, ne manquent pas d’attraits. Elles permettent aux parents, principalement, de partager entre leurs enfants tout ou partie de leurs biens et d’éviter ainsi, en principe, lors de l’ouverture de leur succession, la naissance de conflits. Lesdites libéralités bénéficient également d’un régime de faveur. Ainsi, le principe de prohibition des pactes sur succession future subit plusieurs atteintes lorsque sont en cause des libéralités-partages. De même, la protection de la réserve fait l’objet de plusieurs assauts. Par exemple, il sera possible, dans le cadre d’une donation-partage transgénérationnelle, qu’un enfant renonce, avant même l’ouverture de la succession de son ascendant, à recevoir tout ou partie de sa réserve en permettant à ses descendants de participer à ladite donation. Si lesdites libéralités ne manquent pas d’attraits, elles ont encore, sur certains points, un caractère mystérieux. Aussi, différents thèmes ont été retenus dans le cadre du présent dossier afin de réfléchir sur des difficultés récurrentes. Ces dernières apparaissent tant lors de la constitution de ces libéralités que lors de leur prise en compte à l'ouverture de la succession. Il en va ainsi de la forme de ces libéralités-partages avec notamment la question de savoir si le pluralisme des formes de la donation ordinaire doit être admis pour la donation-partage. C’est également la possibilité d’une incorporation partielle d’une donation ordinaire ou d’une donation-partage dans une nouvelle donation-partage qui est étudiée. Viennent ensuite deux études consacrées l’une aux soultes, outils permettant d’instaurer un équilibre entre les lots d’une donation-partage, l’autre à l’évaluation des lots, en insistant principalement sur l’évaluation des lots d’une donation-partage réalisée en nue-propriété avec réserve d’usufruit sur la tête du donateur. Mais encore, la donation-partage conjonctive, permettant de confondre deux successions, ne pouvait être laissée de côté, cette dernière engendrant des difficultés spécifiques. A ses côtés, la libéralité-partage substitutive apparaît également comme une libéralité-partage particulière, permettant de conjuguer certains avantages de la libéralité-partage avec ceux de la libéralité substitutive pour laquelle il va s’avérer nécessaire d’articuler entre elles deux techniques juridiques distinctes, ce qui ne va pas sans difficultés. Quelle que soit la libéralité-partage en cause, va se poser la question, lors de la liquidation de la succession, du sort des biens existants, autrement dit des biens laissés par le défunt à son décès, lorsque les enfants de ce dernier n’ont pas reçu leur part de réserve. Enfin, il est apparu nécessaire de terminer ce dossier par le droit international privé des libéralités-partages. Dans le présent dossier, chaque contributeur a eu à cœur de résoudre les mystères de ces libéralités. ÉTUDE FAMILLE

DOSSIER FAMILLE LIBÉRALITÉS - PARTAGES Figure phare de l’anticipation successorale, véritable outil au service de la paix des familles, la libéralitépartage est un instrument maîtrisé par le notaire. A priori , le formalisme des libéralités-partages, en ce qu’il procède par renvoi aux règles du droit commun des libéralités, ne semble pas poser de difficulté. À l’analyse, la singularité de chaque libéralité-partage prend le pas sur cet apparent mimétisme. La maîtrise du notaire peut alors être perturbée par la jurisprudence, même si elle ne peut qu’être réaffirmée. La forme des libéralités-partages F Étude rédigée par Sarah Torricelli-Chrifi © Droits réservés Sarah Torricelli-Chrifi maître de conférences HDR, université Toulouse 1 Capitole, Institut de droit privé EA-1920 1 - Formalisme d’emprunt. – Au centre de l’analyse, un texte : l’article 1075 du Code civil. Relevant des « dispositions générales » applicables aux libéralités-partages, il énonce que l’acte portant libéralité-partage « peut se faire sous forme de donation-partage ou de testament-partage. Il est soumis aux formalités, conditions et règles prescrites pour les donations entre vifs dans le premier cas et pour les testaments dans le second ». La lettre du texte invite donc à se reporter au formalisme propre aux donations et aux testaments ordinaires. Pour autant, le constat ainsi établi n’évince pas les interrogations. Si le formalisme des donations entre vifs réside dans l’authenticité exigée par l’article 931 du Code civil, on connaît les exceptions qui l’affectent, à savoir la donation indirecte, la donation déguisée et le don manuel. Quant au testament-partage, on conçoit qu’il ne poursuit pas le même objectif que la donation-partage alors même que le formalisme testamentaire est strictement encadré par les textes. Ces libéralités bénéficiant chacune de régimes juridiques propres, elles doivent être envisagées séparément, même si des liens pourront être observés. 1. Donation-partage : authenticité pérenne 2 - Pluralisme. – A priori, la donation-partage ne semble pas se concevoir au-delà de l’authenticité prévue par l’article 931 du Code civil. L’acte est même - 9 - LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS 2023 ÉTUDE FAMILLE

- 10 - LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS 2023 solennel, tel que l’a affirmé la jurisprudence1. Mais si l’on raisonne à l’image de la donation entre vifs, il faudrait certainement différencier les donations ostensibles de celles qui ne le sont pas. Les premières2 doivent évidemment satisfaire aux exigences de l’authenticité3 alors que les secondes ouvriraient d’autres perspectives. On retrouverait alors le pluralisme des formes de la donation entre vifs dans la donation-partage. La donation-partage pourrait-elle être manuelle, déguisée ou indirecte ? Certains auteurs y sont favorables4, dès lors qu’une telle donation-partage, si elle ne remplit pas les conditions de l’authenticité, demeure taisante quant à sa nature et ne révèle pas l’intention libérale qui l’anime5. Chacun connaît le contentieux tenant à la requalification de certaines opérations en donation indirecte, déguisée ou en don manuel. L’intérêt est certain pour les héritiers qui souhaitent voir ces valeurs réintégrer la succession, puisqu’ainsi requalifiées, elles sont réputées appartenir à la catégorie prolifique des donations en avancement de part successorale. Cet intérêt semble s’évanouir dès 1 Cass. 1re civ., 13 oct. 1982 : JurisData n° 1982-702303 ; D. 1983, IR, p. 348, note D. Martin ; il doit être signé par le notaire même si le notaire qui instrumente n’est pas nécessairement celui qui a prodigué le conseil : Cass. 1re civ., 27 janv. 1987, n° 85-12.872 : JurisData n° 1987-000064 ; Bull. civ. I, n° 33 ; JCP G 1987, II, 20881, note M. Dagot. 2 Rappelons que si elle comprend des meubles, la donation-partage doit comporter en annexe un état estimatif (art. 948) : Cass. 1re civ., 10 juin 1970 : Bull. civ. I, n° 198 ; JCP G 1971, II, 16656 ; D. 1970, p. 772. 3 Jurisprudence constante : Cass. 1re civ., 19 janv. 1971 : Bull. civ. I, n° 23 ; D. 1971, Somm., p. 106 ; RTD civ. 1971, p. 683, obs. R. Savatier. – Cass. 1re civ., 6 déc. 1978 : JCP G 1980, II, 19263, M. Dagot ; RTD civ. 1980, p. 390, obs. R. Savatier. – Cass. 1re civ., 1er déc. 1999, n° 97-21.953 : JurisData n° 1999-004180 ; Bull. civ. I, n° 327 ; JCP G 2000, I, 278, R. Le Guidec ; JCP N 2000, 1844, M. Dagot ; Dr. famille 2000, comm. 44, B. Beignier ; RTD civ. 2000, p. 884, obs. J. Patarin. – Cass. 1re civ., 3 janv. 2006, n° 02-17.656 : JurisData n° 2006-031479 ; Bull. civ. I, n° 3 ; D. 2006, p. 2073, obs. M. Nicod ; Dr. famille 2006, comm. 38, note B. Beignier ; RTD civ. 2007, p. 610, note M. Grimaldi. 4 M. Nicod, Le formalisme en droit des libéralités, Thèse Paris XII : éd. La Mouette, 2000, n° 256. – N. Peterka, Les dons manuels, t. 355 : LGDJ, Bibl. dr. privé, 2001, n° 207 s. – H., L., et J. Mazeaud, Leçons de droit civil, t. IV, vol. 2, Successions et libéralités : Montchrestien, 5e éd., 1999, n° 1819, par L. et S. Leveneur. – J. Flour et H. Souleau, Droit civil, Les libéralités : A. Colin, 1re éd., 1982, n° 78 ; Les successions : A. Colin, 3e éd., 1991, n° 564, p. 383. 5 Cass. 1re civ., 11 mars 1986, n° 85-10.572 : JurisData n° 1986-000459 ; Bull. civ. I, n° 61. 6 JCl. Civil Code, Art. 931, fasc. 10, par G. Raoul-Cormeil, V° Donations et testaments – Donations entre vifs – Forme authentique ; citant en ce sens, J. Patarin : RTD civ. 2000, spéc. p. 887, note ss Cass. 1re civ., 1er déc. 1999, n° 97-21.953 : JurisData n° 1999-00004180. lors que l’opération – ou un ensemble d’opérations – est qualifiée de donation-partage, en raison des dispositions de l’article 1078 du Code civil. Pour autant, cette singularité du régime de la donation-partage peut illustrer l’enjeu de la qualification. L’absence de rapport à la succession et le gel des valeurs au jour de l’acte si celui-ci respecte les conditions de l’article 1078, sont autant d’avantages dont les héritiers prétendument allotis souhaiteraient profiter. On perçoit alors la dimension contentieuse dans laquelle graviterait de telles qualifications, la donation-partage indirecte ou déguisée étant plus rare dans un climat pacifié. Les divergences doctrinales apparaissent alors, certains affirmant que « l’on peut raisonnablement douter qu’un acte aussi complexe au regard des effets juridiques produits sur une succession non encore ouverte […] puisse être déguisé dans un acte à titre onéreux ou prendre pour support un acte neutre »6. © Andrii Yalanskyi / Getty Images ÉTUDE FAMILLE

- 11 - LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS 2023 ÉTUDE FAMILLE Le rejet de la qualification de donation-partage pour ces opérations non ostensibles, réside dans l’exigence d’indivisibilité des donations et du partage institué 3 - Désolennisation ? – Certains textes permettent toutefois d’appuyer la thèse de la désolennisation7 de la donation-partage. D’abord, l’article 1076, alinéa 2 du Code civil prévoit en effet que la donation et le partage peuvent être fait par acte séparé8 pourvu que le disposant intervienne aux deux actes9. La dissociation entre la donation et le partage permettrait ainsi d’admettre que l’acte de partage soit précédé de donations non notariées. Quant au partage, il est admis qu’il puisse être réalisé sous seing privé en l’absence d’immeuble10 – en vertu de l’article 835 du Code civil – même si l’on connaît le risque résidant dans le décès du de cujus avant le partage successif. Ensuite, comme évoqué en liminaire, le renvoi opéré par l’article 1075 aux règles prescrites pour les donations entre vifs peut s’étendre à la jurisprudence relative aux donations non ostensibles, selon l’interprétation retenue. Mais concrètement alors, comment requalifier ? Des opérations qui se succèdent dans le temps seraient réunies in fine comme étant issue d’une même volonté répartitrice ? 4 - Volonté répartitrice. – On perçoit qu’admettre de telles requalifications ouvrirait la voie à un certain libéralisme dans l’interprétation de l’anticipation successorale du donateur. Il est admis que rechercher la volonté d’un défunt n’est pas chose aisée. Cette volonté est pourtant dominante dans l’interprétation de telles opérations soumises à l’appréciation du juge, au point que c’est en elle que réside souvent la clé de la (re)qualification. Or, s’agissant d’une donation-partage, il ne s’agirait pas seulement de relever l’existence de l’intention libérale du donateur, déjà d’appréciation délicate, mais de relever aussi l’existence d’une intention de partager, de distribuer et répartir ses biens entre ses héritiers. La recherche de la volonté doit ainsi être double, ce qui rend difficile une analyse se fondant uniquement sur les largesses offertes par la requalification instituée par la jurisprudence relativement aux simples donations entre vifs. De surcroît, une telle requalification ne peut apparaître qu’a posteriori, une fois ces donations non ostensibles réalisées11. Il s’agit alors de considérer ces différentes opérations comme un ensemble duquel on déduirait 7 V. Zalewski-Sicard, La désolennisation des donations portant sur les titres financiers : RFP 2015, dossier 11. 8 S’agissant de l’acceptation des donataires copartagés, il est établi qu’elle doit être expresse, mais qu’elle doit figurer dans un acte postérieur, lequel doit revêtir la forme authentique (C. civ., art. 932, al. 2). – Cass. 1re civ., 8 juin 1966 : D. 1966, p. 674, note P. Voirin ; JCP 1966, II, 14728, note J.-A. 9 En l’absence d’intervention du donateur, l’acte constitue un pacte sur succession future prohibé : Cass. 1re civ., 10 oct. 2012, n° 11-18.494 ; sur ce risque, plaidant pour la solennité des donations-partages : M. Dagot, Des donations non solennelles : JCP N 2000, n° 39, p. 1392, n° 60. 10 De même en présence d’incapable, la dissociation opérant également à cet égard : JCl. Civil Code, Art. 931, fasc. 10, par G. Raoul-Cormeil, V° Donations et testaments – Donations entre vifs – Forme authentique, n° 44. 11 Il peut s’agir également d’une seule opération, prenant par exemple la forme d’une donation déguisée : Cass. 1re civ., 9 nov. 1976, n° 75-11.863 : Bull. civ. I, n° 341 ; et de façon plus ancienne, req. 21 juin 1931 : S. 1932, 1, p. 85. – req. 5 nov. 1877 : S. 1878, 1, p. 214. 12 Cass. 1re civ., 17 avr. 1985, n° 84-11.908 : JurisData n° 1985-001309 ; Bull. civ. I, n° 118 ; D. 1986, p. 243, note J.-C. Groslière ; Defrénois 1987, art. 34030, note G. Champenois. 13 Deux donations consenties par deux parents le même jour, l’une à un enfant à charge pour lui de remplir ses sœurs de leur réserve et l’autre aux deux sœurs pour les allotir de leur réserve. Le second acte faisait expressément référence au premier. 14 M. Mathieu, Donations-partages et pluralité d’actes de donation (à propos de l’arrêt Labourdette) : JCP N 1987, I, p. 77. 15 Cass. 1re civ., 6 févr. 2007, n° 04-20.029 : JurisData n° 2007-037226 ; Bull. civ. I, n° 51 ; JCP G 2008, I, 108, R. Le Guidec ; D. 2007, p. 2135, obs. M. Nicod ; AJ fam. 2007, p. 142, obs. F. Bicheron ; Defrénois 2007, 1294, B. Gelot ; RTD civ. 2007, p. 611, obs. M. Grimaldi ; les prémices d’une telle solution étaient présentes : Cass. 1re civ., 3 janv. 2006, n° 02-17.656 : Bull. civ. I, n° 3 ; RTD civ. 2007, p. 613, obs. M. Grimaldi. 16 Ph. Malaurie et Cl. Brenner, Droit des successions et des libéralités : LGDJ, 2020, n° 834. 17 JCl. Notarial Formulaire, V° Donation-partage, fasc. 20, n°87, par M. Mathieu et J.-F. Pillebout. 18 G. Champenois, note ss Cass. 1re civ., 17 avr. 1985, n° 84-11.908 : Defrénois 1987, art. 34030. une volonté de faire donation-partage, alors même que chaque opération, ainsi qualifiée de donation, est distincte des autres. C’est le célèbre arrêt Labourdette qui avait ainsi ouvert la voie en 1985 en estimant qu’« il peut y avoir donation-partage lorsque les actes de donation quoique distincts, apparaissent indissociables et donc indivisibles dans la mesure où ils reflètent la volonté clairement exprimée du donateur de distribuer en totalité ou en partie ses biens entre ses enfants ou descendants »12. Le contexte de cette solution est néanmoins spécifique13. Dès lors que ces donations distinctes sont unies par un même projet répartiteur14, elles pourraient épouser ensemble la qualification de donation-partage. 5 - Revirement. – Il est aujourd’hui admis en doctrine que cette voie s’est refermée par un arrêt du 6 février 2007 qui en constitue le revirement15 : « la donation-partage qui réalise la volonté répartitrice de toutes les parties ne peut résulter, sous réserve de l’alinéa 2 de l’article 1076 du code civil, que d’un acte authentique prenant en compte la totalité des biens donnés ». Partant, le rejet de la qualification de donation-partage pour ces opérations non ostensibles, réside dans l’exigence d’indivisibilité des donations et du partage institué, au point « qu’il n’est plus possible aujourd’hui de prétendre la découvrir dans une pluralité de donations faites séparément aux différents bénéficiaires, alors même que ces donations auraient été faites en considération les unes des autres »16. Si la solution ne manque pas de clarté17, quelques interrogations subsistent. 6 - Tempérament ? – Certes, déduire une qualification de donation-partage de plusieurs donations non ostensibles, par la seule analyse d’une volonté reconstituée serait s’en remettre au subjectivisme, relevant presque d’un art divinatoire18. On ressent l’insécurité induite par une telle démarche qui ne pouvait donc raisonnablement persister. Mais s’il existe un pacte adjoint, la situation semble différer quelque peu. Le tempérament concerne ainsi les dons manuels. La donation-partage pourrait résulter de « la conjonction de dons manuels, réalisés les uns en contemplation des autres, en un mouvement unique, dans une distribution d’ensemble

acceptée par chacun des donataires dans toutes ses dispositions, ce qu’un pacte adjoint pourrait constater »19. Si la solution est concevable juridiquement, les risques qui lui sont inhérents ne la rendent pas opportune20. En effet, les subtilités tenant à la rédaction du pacte adjoint menacé par la nullité de l’article 931 du Code civil et les insuffisances de l’acte sous seing privé eu égard à l’importance du pacte de famille, conduisent à retenir une démarche prudente. De plus, au-delà même du formalisme, le doute demeure21 dès lors qu’une pluralité de donations ne peut faire naître une donation-partage sans un acte constatant leur incorporation. Rappelons que la donation-partage par acte séparé ne s’entend que de l’acte de partage successif et non d’une pluralité de donations réalisées successivement. En somme, il ne peut y avoir donation-partage sans acte répartiteur. L’arrêt de 2007 préconise désormais un acte unique et authentique22. En conséquence, s’il s’agit de consolider une démarche répartitrice d’un donateur qui n’a pas su user des formes requises, il est recommandé de procéder par acte notarié à une incorporation de ces donations dans une donation-partage ultérieure, conformément à l’article 1078-1 du Code civil, et ce, même en l’absence de nouveau bien à distribuer23. L’article 1078-3 énonce en effet que ces conventions « peuvent avoir lieu même en l’absence de nouvelles donations du disposant. Elles ne sont pas regardées comme des libéralités entre les héritiers présomptifs, mais comme un partage fait par le disposant. » CONSEIL PRATIQUE  La jurisprudence invite à retenir la seule validité des donationspartages en la forme authentique. Lorsque des donations non ostensibles ont déjà été réalisées et que le donateur est animé d’une volonté répartitrice, il est recommandé de formaliser sa démarche par un acte notarié portant donation-partage avec incorporation des donations antérieures. 2. Testament-partage : interprétation déterminante 7 - Qualification. – A priori, la situation semble plus simple lorsqu’il s’agit d’observer la forme du testament-partage. Il sera authentique, olographe, mystique ou international. Mais à y regarder de plus près, les difficultés sont nombreuses, au point que cet outil suscite quelques réticences. La singularité du testament-partage se vérifie en particulier concernant le contenu du testament. Les écueils se concentrent sur la qualification même de testament-partage. C’est alors la forme olographe qui préside à l’analyse. Les conséquences d’une telle qualification sont plus catégoriques : l’auto19 Ph. Malaurie et Cl. Brenner, Droit des successions et des libéralités : LGDJ, 2020, n° 834. – Cl. Brenner et M. Iwanesko, Le traitement civil du don manuel : les conséquences liquidatives : Actes prat. strat. patrimoniale 2012, n° 4, dossier 34, p. 30, n° 25. – JCl. Civil Code, fasc. 20, V° art. 1075 à 1080, n° 67, par M. Grimaldi. – M. Grimaldi, note ss Cass. 1re civ., 6 févr. 2007, n° 04-20.029 : RTD civ. 2007, p. 613. – V. Zalewski-Sicard, La désolennisation des donations portant sur les titres financiers : RFP 2015, dossier 11. 20 V. la nuance apportée par Ph. Malaurie et Cl. Brenner, Droit des successions et des libéralités : LGDJ, 2020, n° 834 : « encore que cela ne soit pas à recommander ». 21 Relevant l’incertitude : M. Mathieu et J.-F. Pillebout, in JCl. Notarial Formulaire, V° Donation-partage, fasc. 20, n° 90. 22 JCl. Notarial Formulaire, V° Donation-partage, fasc. 20, n°86, par M. Mathieu et J.-F. Pillebout. 23 JCl. Notarial Formulaire, V° Donation-partage, fasc. 20, n° 88, par M. Mathieu et J.-F. Pillebout. – Ph. Malaurie et Cl. Brenner, Droit des successions et des libéralités : LGDJ, 2020, n° 832 et 834. 24 JCl. Ingénierie du patrimoine, fasc. 1240, 2020, n° 5, V° Testament-Partage, par Cl. Bernard-Xemard. 25 JCl. Civil Code, fasc. 20, V° art. 1075 à 1080, n° 74, par M. Grimaldi. Ex. de testaments rédigés par le mari et son épouse le même jour et contenant des dispositions similaires : Cass. 1re civ., 17 avr. 1985, n° 84-11.064 : RTD civ. 1986, p. 166, obs. J. Patarin. 26 Cass. 1re civ., 30 mars 1955 : B. I, n° 152. – Cass. 1re civ., 4 janv. 1980 : JCP G 1980, IV, 105. – Cass. 1re civ., 17 avr. 1985, n° 84-11.064 : JurisData n° 1985-701308 ; RTD civ. 1986, p. 166, obs. J. Patarin. – Cass. 1re civ., 4 juin 2009, n° 08-13.801 : JurisData n° 2009-048587. 27 Cass. 1re civ., 6 mars 2019, n° 18-11.640 et 18-11.936 : Dr. famille 2019, n° 110, note Tani ; RTD civ. 2019, p. 388, obs. Grimaldi ; D. 2019, p. 1265, note Julienne ; AJ fam. 2019, p. 297, obs. FerréAndré. 28 JCl. Civil Code, fasc. 20, V° art. 1075 à 1080, n°74, par M. Grimaldi. 29 JCl. Ingénierie du patrimoine, fasc. 1240, 2020, n° 5, V° Testament-Partage, par Cl. Bernard-Xemard. rité du de cujus s’impose aux héritiers qui ne peuvent simplement renoncer au testament pour prétendre à la succession légale (C. civ., art. 1079). L’héritier mécontent n’a d’autre choix que d’accepter son sort ou renoncer à la succession. S’il doit être conseillé au testateur qui souhaite réaliser un tel partage testamentaire de l’énoncer expressément pour éviter les incertitudes, on sait que le testament olographe par sa rédaction libre, rend la tâche de l’interprète délicate, d’autant qu’il n’est soumis à aucune formule sacramentelle. En l’absence de contentieux, cette charge incombe au notaire. Sa mission est alors complexe, même s’il peut s’aider de quelques critères dégagés à l’observation de la jurisprudence. 8 - Éléments d’appréciation. – Il faut s’en remettre à l’appréciation souveraine des juges du fond qui doivent ainsi « deviner, sous le contrôle de la Cour de cassation, quelle a été la volonté du de cujus »24. C’est alors la nature singulière du testament-partage qui sera déterminante. En effet, comment distinguer un testament-partage de simples legs d’attribution ? L’essence est la même puisqu’il s’agit d’allotir les héritiers de leur réserve par une répartition des biens. Il faut alors observer une différence de degrés : le testament-partage relève d’une démarche autoritaire du testateur par laquelle il impose cette répartition, lorsqu’il ne fait que la proposer en cas de legs d’attribution. Il doit être tenu compte d’éléments intrinsèques à l’acte, témoignant du règlement successoral organisé par le testateur, complétés par des éléments extrinsèques25. On relèvera notamment la prise en compte de tous les biens de la succession, ou encore, l’égalité dans la distribution des biens26. Pour autant, il faut prendre garde à la confusion : le testament-partage peut porter sur tout ou partie des biens composant la succession du testateur27. De même, la volonté de maintenir l’égalité entre les héritiers ne recouvre pas exactement la volonté de partager. Rappelons qu’il s’agit là de procéder à une appréciation de la volonté répartitrice du de cujus qui nécessite de prendre en compte ces différents éléments. À cet effet, il est admis qu’une telle égalité demeure le modèle28, même si l’inégalité est aujourd’hui possible. Surtout, puisqu’il s’agit d’un acte d’autorité, il faut avoir une attention particulière aux termes du testament démontrant cette fermeté29. 9 - Vigilance. – Si l’on en revient à l’instrumentum, l’article 1075, alinéa 2 du Code civil commande dans le même sens de se conformer aux règles de forme gouvernant les différents testaments (C. civ., art. 969). - 12 - LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS 2023 ÉTUDE FAMILLE

- 13 - LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS 2023 Quelques points de vigilance doivent cependant être signalés : – le testament-partage conjonctif est évidemment prohibé, tel que l’est le testament conjonctif (C. civ., art. 968)30. Il en est de même du testament verbal ; – le testament-partage n’étant pas un acte dévolutif, mais un acte répartiteur31, il ne peut porter sur des biens communs ou des biens compris dans l’indivision post-communautaire32. Ce n’est donc pas l’outil approprié pour un couple souhaitant partager son patrimoine ; – cette « rigidité » du testament-partage se vérifie également dans l’impossibilité de procéder par acte séparé, (un testament et un partage subséquent), le testament-partage étant par essence un partage (C. civ., art. 1079)33. 10 - Lien avec la donation-partage. – En présence de plusieurs testaments, faut-il tenter de raisonner à l’image de la donation-partage et tenir compte du revirement de 2007 imposant un acte unique ?34 Qu’il s’agisse de donations ou de testaments, l’acte répartiteur est indispensable. Or, celui-ci est inhérent au testament-partage et constitue la clé de sa qualification. Au demeurant, le testament-partage ne doit pas nécessairement comprendre tous les biens du disposant35. Rien ne s’oppose alors à une pluralité de partages testamentaires36. REMARQUE  Si le testament-partage n’est pas prisé, il peut se révéler utile à la donation-partage non ostensible nécessitant une régularisation par un acte incorporant les donations antérieures. Le testament-partage peut-il incorporer des biens précédemment donnés ? En l’absence de disposition spécifique à l’incorporation en matière testamentaire 30 Cass. 1re civ., 4 juill. 2018, n° 17-22.934 : JurisData n° 2018-011767 ; Dr. famille 2018, comm. 244, note M. Nicod. 31 Ph. Malaurie et Cl. Brenner, Droit des successions et des libéralités : LGDJ, 2020, n° 854. – JCl. Ingénierie du patrimoine, fasc. 1240, 2020, n° 16, V° Testament-Partage, par Cl. Bernard-Xemard. 32 Cass. 1re civ., 5 déc. 2018, n° 17-17.493 : Dalloz actualité, 23 janv. 2019, note M. Jaoul ; AJ fam. 2019, p. 37, obs. N. Levillain ; RJPF 2019-2, n° 34, note G. Drouot ; LPA 8 mars 2019, n° 142t6, p. 8, note P.-L. Niel ; Defrénois 2019, n° 13, p. 27, note G. Champenois ; Defrénois 2019, n° 13, p. 18-20, note A. Chamoulaud-Trapiers. – Cass. 1re civ., 6 mars 2001, n° 99-11.308 : JurisData n° 2001-008569 ; D. 2001, p. 1076 ; RTD civ 2001, p. 648, obs. B. Vareille. 33 JCl. Civil Code, fasc. 20, V° art. 1075 à 1080, n° 71 et 55, par M. Grimaldi. 34 M. Grimaldi, évoquant néanmoins le doute suscité par le revirement concernant la donation-partage, JCl. Civil Code, fasc. 20, V° art. 1075 à 1080, n° 71. 35 CA Grenoble, 1re ch. civ., 30 oct. 2000 : JurisData n° 2000-133751 ; JCP G 2001, IV, n° 1719. 36 JCl. Liquidations – Partages, V° Partage testamentaire, fasc. 10, n° 37, par D. Montoux. 37 D. Montoux, n° 46. – M. Grimaldi, JCl. Civil Code, fasc. 20, V° art. 1075 à 1080, n° 52. – Comp. Ph. Malaurie et Cl. Brenner, Droit des successions et des libéralités : LGDJ, 2020, n° 855, 4° : précisant que « le testateur peut seulement faire figurer en valeur les donations rapportables dans le lot des gratifiés ». 38 M. Dagot, Des donations non solennelles : JCP N 2000, n° 39, p. 1392, n° 172 (59). (à l’image de l’article 1078-1 pour la donation-partage), rien ne semble s’opposer à l’incorporation en valeur des donations antérieures rapportables dans un testament-partage37 – à l’exclusion cependant des donations préciputaires. En définitive, on regrettera les incertitudes persistantes tenant à l’absence de formalisme spécifique à ces libéralités-partages, conduisant à adopter une démarche subjective propice à l’insécurité. Pourtant, il suffirait de s’en remettre au « savoir-faire des notaires »38 plutôt que de de rechercher quelques solutions en jurisprudence. Le partage d’ascendant requiert l’authenticité, conçue dans sa dimension cognitive, à savoir, le devoir de conseil. L’essentiel à retenir • La donation-partage ne se conçoit qu’en la forme authentique selon la jurisprudence actuelle. • L’incorporation des donations non ostensibles (indirectes, déguisées ou dons manuels) dans une donation-partage notariée répond utilement à la volonté répartitrice du disposant. • Le testament-partage requiert l’authenticité pour éviter les difficultés d’interprétation fréquentes en la forme olographe et pour permettre au testateur de mesurer la portée d’un tel partage testamentaire imposé aux héritiers. La donation-partage par acte séparé ne s’entend que de l’acte de partage successif et non d’une pluralité de donations réalisées successivement ÉTUDE FAMILLE

DOSSIER FAMILLE DONATION - PARTAGE La donation-partage n’a pas encore livré tous ses secrets. L’exemple de l’incorporation partielle est révélateur. Quel que soit le cas d’incorporation partielle envisagé, il subsiste des incertitudes, tant sur le plan civil que sur le plan fiscal. L’incorporation partielle D Étude rédigée par Christophe Lesbats © Droits réservés Christophe Lesbats, diplôme supérieur du notariat, docteur en droit, juriste au Cridon-Ouest, chargé d’enseignement à la faculté de droit de Nantes 1 - Dans le silence du législateur, l’incorporation à la donation-partage des donations antérieurement faites aux copartagés, largement pratiquée, était admise par la jurisprudence antérieure à la loi du 3 juillet 19711. C’est la loi n° 71-523 du 3 juillet 1971 qui a intégré dans le Code civil cette faculté d’incorporation à une donation-partage des donations antérieurement faites, par la création des articles 1078-1, 1078-2 et 1078-3 du Code civil. La loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 a repris ces trois articles, en se contentant de les toiletter. Mais cette loi du 23 juin 2006, en créant la donation-partage transgénérationnelle, a également permis d’y incorporer des donations antérieures. C’est le sens de l’article 1078-7 du Code civil : « Les donations-partages faites à des descendants de degrés différents peuvent comporter les conventions prévues par les articles 1078-1 à 1078-3 ». Le mot « incorporation », utilisé par certains de ces textes, correspond au mécanisme juridique suivant : une donation déjà consentie est incluse, dans le cadre d’une donation-partage, dans la masse des biens distribués par le donateur entre ses héritiers. Curieusement, pour le même mécanisme juridique, tandis que le Code civil utilise le terme « incorporation » (C. civ., art. 1078-1 et 1078-2), le CGI préfère celui de « réincorporation » (CGI, art. 776 A). 2 - Catala expliquait que ce « pacte de famille… permet à l’ascendant, au soir de sa vie, d’équilibrer avec les biens qui lui restent les avantages parfois inégaux qu’il avait consentis à ses enfants »2. L’incorporation, qui requiert le consentement du bénéficiaire de la donation initiale, présente en effet plusieurs intérêts. 1 Cass. req., 9 juill. 1840 : D. 1840, 1, p. 244. 2 P. Catala, La réforme des liquidations successorales : Defrénois, 3e éd., 1982, n° 124. - 14 - LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS 2023 ÉTUDE FAMILLE

Le donataire évite le rapport successoral d’une donation consentie en avance de part. En effet, un arrêt rendu par la Cour de cassation le 4 juillet 2018 a précisé fort logiquement que l’exclusion du rapport d’une donation-partage vaut également pour les donations faites en avancement de part successorale qui ont été incorporées à celle-ci3. En conséquence, les plus ou moins-values qui adviennent aux biens postérieurement à la donation-partage profitent ou nuisent à ceux-là seuls qui en ont été allotis. Un autre avantage résulte de la diminution du risque de réduction de la donation incorporée lorsque la donation-partage relève de l’article 1078. En effet, les biens incorporés sont évalués au jour de l’acte (C. civ., art. 1078-1, al. 2). Si la donation antérieure n’est pas incorporée, le bien sera imputé à sa date et pris en compte pour sa valeur au décès, ce qui augmente le risque d’une réduction de la donation-partage. L’incorporation permet un changement d’attributaire, pour distribuer différemment les biens antérieurement donnés. Un arrêt semble valider l’opération4. Cette règle trouve tout son intérêt dans la donation-partage transgénérationnelle. Des donations antérieurement faites aux enfants peuvent être incorporées dans une donation-partage transgénérationnelle (C. civ., art. 1078-7). Les biens qui avaient été donnés à un enfant peuvent ainsi être redistribués entre des petits-enfants. L’incorporation permet même de rendre transgénérationnelle une donation-partage ordinaire antérieure5. Plusieurs changements d’attributaire sont donc envisageables6 : le glissement vertical intrasouche, au sein d’une même souche (par exemple, le petit-fils est alloti de la donation faite au fils), le glissement horizontal intersouches (par exemple, le cousin est alloti de la donation faite à la cousine), le glissement oblique intersouches (par exemple le neveu est alloti de la donation faite à l’oncle). 3 - Sur le plan fiscal, la taxation aux droits de mutation à titre gratuit des biens donnés par donation-partage n’offre pas d’avantage particulier. Mais les biens réincorporés sont taxés au droit de partage. L’article 776 A du CGI rend particulièrement attractive la donation-partage transgénérationnelle avec incorporation de donations antérieures. Sous réserve que la donation réincorporée ait été enregistrée depuis plus de 15 ans et que les biens réincorporés soient attribués aux descendants du donataire initial, les droits de mutation à titre gratuit ne sont pas exigibles : seul le droit de partage au taux de 2,5 % est dû sur la valeur des biens réincorporés. 4 - Après avoir rappelé le régime de l’incorporation, il convient de s’interroger plus précisément sur le sujet : « l’incorporation partielle ». On aurait pu s’interroger sur l’incorporation partielle des donations, afin de rechercher s’il est préférable d’incorporer toutes les donations, ou seulement certaines d’entre elles. En effet, puisque l’article 1078-1, alinéa 1er du Code civil dispose que « le lot de certains enfants pourra être formé […] des donations […] déjà reçues par eux du disposant », les parties peuvent ne procéder à aucune incorporation, ou se contenter d’incorporer seulement certaines. En principe, pour limiter le risque d’une action en réduction intentée contre la donation-partage, il serait préférable d’incorporer toutes les donations anté3 Cass. 1re civ., 4 juill. 2018, n° 16-15.915 : JurisData n° 2018-011768 ; JCP N 2018, n° 29, act. 658. 4 Cass. 1re civ., 15 janv. 2014, n° 11-18.693 et 12-29.267 : JurisData n° 2014-002761 ; Dr. famille 2014, comm. 43, M. Nicod ; JCP N 2014, n° 24-25, 1230, note R. Le Guidec et J.-P. Garçon. 5 M. Grimaldi et R. Gentilhomme, Rendre transgénérationnelle une donation-partage antérieure : Defrénois 2011, art. 1344. 6 Rép. civ. Dalloz, V° Libéralités-partages, 2009, n° 85, F. Sauvage. 7 V., lorsque le donateur ne donne que sa quote-part d’un bien en indivision entre lui et à un tiers, D. Epailly, I. Cap et C. Durassier : 70 questions de donation-partage : Brochures du Cridon Sud-Ouest, févr. 2017, n° 299. rieures. Mais ce procédé entraîne un important coût fiscal en raison du droit de partage. Mais on doit limiter cette étude à l’incorporation partielle d’une donation. Plus précisément, il convient de distinguer selon que l’incorporation partielle porte sur une donation simple, ou sur une donation-partage. 1. L’incorporation partielle d’une donation simple 5 - Une donation simple peut bien sûr faire l’objet d’une incorporation partielle. Plus précisément, le donataire peut n’incorporer qu’une quote-part indivise, ou une partie démembrée. Ces cas d’incorporation partielle suscitent-ils des difficultés ? Pour répondre à cette question, il convient de confronter l’incorporation partielle avec le régime de l’indivision et avec celui du démembrement. A. - L’incorporation d’une quote-part indivise 6 - En matière d’indivision, il faut différencier plusieurs situations. 1° Hypothèse simple : donation originaire à un seul bénéficiaire 7 - Commençons par l’hypothèse la plus simple : suite à une donation à un seul enfant, celui-ci entend n’incorporer qu’une quote-part indivise du bien qu’il a reçu. On peut en effet imaginer que le donataire n’entend incorporer qu’une partie d’un bien de grande valeur (un château à la campagne, une grande maison en bord de mer…). Il convient alors de tenir compte des règles de l’indivision. Certes, même si celui qui incorpore une quote-part du bien n’est pas le seul propriétaire du bien, le droit de préemption des indivisaires prévu par l’article 815-14 du Code civil est inapplicable puisque l’incorporation n’est pas une cession à titre onéreux. Mais le bien en cas de changement d’attributaire sera ainsi en indivision entre le donataire d’origine copartagé et l’attributaire de cette quote-part dans le cadre de la donation-partage. Il en résulte que le lot de ce donataire copartagé ne sera consolidé, par l’effet déclaratif de partage, que si lors du partage le bien n’est pas attribué au donataire d’origine qui a procédé à l’incorporation. Une solution consiste à stipuler que la donation-partage porte sur la quotepart indivise ou sur sa contrevaleur dans le partage du bien indivis7. Il faut également prendre conscience que l’incorporation partielle d’une quote-part indivise entrainera, au décès du donateur, une certaine complexité liquidative. Sur le plan liquidatif, il convient de distinguer : – la quote-part indivise incorporée dans la donation-partage n’est pas rapportable et peut, dans le cadre de la réunion fictive, bénéficier de l’article 1078 du Code civil si ses conditions sont réunies ; - 15 - LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS 2023 ÉTUDE FAMILLE

RkJQdWJsaXNoZXIy MTQxNjY=