Legs et Donations 2023

Une controverse porte sur le point de savoir si tous les enfants doivent consentir à une donation-partage transgénérationnelle n’allotissant pas toutes les souches. Tandis que certains auteurs considèrent que le consentement des enfants d’une souche non allotie n’est pas nécessaire25, d’autres doutent de cette solution26. Mais puisque l’article 1078-5, alinéa 1er du Code civil autorise une donation-partage transgénérationnelle entre l’enfant unique et ses descendants ou entre les descendants de cet enfant seulement, lorsque le disposant a plusieurs enfants il devrait pouvoir consentir une donation-partage au profit des descendants d’un seul de ses enfants. Ajoutons que dans le cadre d’une donation-partage ordinaire, la Cour de cassation affirme que le partage se forme dès que l’un des donataires a accepté son lot27. 20 - L’interprétation purement littérale d’un autre texte pourrait interdire l’incorporation d’un seul lot d’une donation-partage antérieure. L’article 1078-1 du Code civil dispose que « le lot de certains gratifiés pourra être formé, en totalité ou en partie, des donations, soit rapportables, soit faites hors part, déjà reçues par eux du disposant… ». On remarque que ce texte vise l’incorporation d’une donation, et non d’un lot. Mais en cas de donation-partage transgénérationnelle, la loi semble valider un cas d’incorporation partielle. L’hypothèse est celle d’une donation-partage transgénérationnelle qui n’a pas alloti tous les enfants. En principe, les allotissements sont considérés comme des donations ordinaires consenties par l’enfant intercalé, rapportables et à réunir fictivement pour la valeur au décès. Mais selon l’article 1078-10 du Code civil, l’enfant ayant consenti à la donation-partage transgénérationnelle peut écarter le rapport fictif des biens reçus par les descendants du donateur à sa propre succession en réincorporant les biens donnés par l’aïeul dans une donation-partage qu’il consent lui-même à ses descendants28. Il s’agit donc d’une incorporation partielle prévue par la loi, puisque les lots reçus par les petits-enfants des autres ne sont pas concernés29. 2° L’argument de l’indivisibilité de la donation-partage partiellement incorporée 21 - Parfois, l’incorporation est partielle en raison du défaut de consentement de certains donataires de la précédente donation-partage. Cette absence de consentement global entraîne-t-elle la nullité de l’incorporation ? Pour répondre à cette question, il convient de rechercher si une donation-partage suppose le consentement indivisible de tous les enfants allotis. Si tel était le cas, on pourrait en déduire que l’incorporation, dès lors qu’elle remet en cause la première donation-partage, nécessiterait le consentement de toutes les parties qui y avaient concouru. Certes, sans doute en pratique chaque héritier présomptif accepte-t-il son lot, prévu par le donateur, en considération de ceux reçus pas les autres. Mais depuis la loi du 3 juillet 25 JCl. Ingénierie du patrimoine, fasc. 1170 : Donation-partage transgénérationnelle, par F. Fruleux, n° 19. – JCl. Notarial Formulaire, fasc. 80 : Donation-partage, par N. Levillain-Grimaldi et R. Gentilhomme, n° 30. 26 D. Epailly, I. Cap et C. Durassier : 70 questions de donation-partage : Brochures du Cridon Sud-Ouest, févr. 2017, n° 68 et s. 27 Cass. 1re civ., 13 févr. 2019, n° 18-11.642 : JurisData n° 2019-001941 ; RTD civ. 2019, p. 386, obs. M. Grimaldi ; DEF 3 mai 2019, n° 148, p. 7, obs. B. Vareille ; SNH 25/19, inf., 12, obs. V. ZalewskiSicard ; JCP G 2019, 479, note C. Brenner ; JCP N 2019, n° 41, 1291, note F. Sauvage ; Dr. famille 2019, comm. 108, obs. M. Nicod. 28 Cette donation-partage peut soit porter uniquement sur les biens reçus par les descendants du donateur avec l’accord de leur auteur direct, soit englober d’autres biens donnés par l’enfant, éventuellement par incorporation. 29 V. Zalewski-Sicard , obs. sous Cass. 1re civ., 13 févr. 2019, SNH 25/19, inf., 12.- D. Epailly, I. Cap et C. Durassier : 70 questions de donation-partage : Brochures du Cridon Sud-Ouest, févr. 2017, n° 470. 30 M. Grimaldi, L’évolution de la pratique de la libéralité-partage : Defrénois, 15 janv. 2017, n° 125g2, p. 69, n° 9. 31 Cass. 1re civ., 4 juill. 2006, n° 04-16.272 : JurisData n° 2006-034410 ; RTD civ. 2007, p. 614, obs. M. Grimaldi. 32 C. Brenner, obs. sous Cass. 1re civ., 13 févr. 2019, JCP G 2019, 479. 33 Cass. 1re civ., 13 févr. 2019, n° 18-11.642 : JurisData n° 2019-001941 ; RTD civ. 2019, p. 386, obs. M. Grimaldi ; DEF 3 mai 2019, n° 148, p. 7, obs. B. Vareille ; SNH 25/19, inf., 12, obs. V. ZalewskiSicard ; JCP G 2019, 479, note C. Brenner ; JCP N 2019, n° 41, 1291, note F. Sauvage ; Dr. famille 2019, comm. 108, obs. M. Nicod. 1971, l’omission d’un enfant n’entraîne plus la nullité de la donation-partage, l’enfant refusant d’y participer étant assimilé à un enfant omis. Le professeur Grimaldi considère qu’une donation-partage ne résulte pas d’un accord unanime entre un donateur et ses héritiers, mais de l’acceptation par chacun d’eux du lot que le donateur a composé30. La Cour de cassation affirme en effet que la révocation de la donation-partage pour inexécution des charges à l’encontre de l’un des donataires copartagés laisse subsister les lots des autres31, même si la solution peut résulter du caractère sanctionnateur de cette révocation, laquelle ne doit frapper que celui qui n’a pas exécuté la charge. Elle a même précisé, ce qui peut surprendre32, que la donation-partage est « un partage fait par l’ascendant de son vivant et selon sa seule volonté »33. REMARQUE  Ainsi, dès lors qu’une donation-partage résulte de l’acceptation par chaque donataire du lot que le donateur lui a composé, son incorporation dans une nouvelle donation-partage ne nécessite que le consentement du donateur et du donataire alloti. Une solution contraire ne pourrait être retenue qu’en présence d’une stipulation d’indivisibilité entre toutes les acceptations de lots. B. - L’efficacité de l’incorporation partielle d’un lot 22 - On peut donc considérer que l’incorporation partielle d’une donation-partage est valable. Mais des doutes existent sur son efficacité, contrariée par certaines règles liquidatives de la donation-partage. Deux écueils apparaissent en effet : l’anéantissement de seulement certains lots de la donation-partage incorporée ainsi que la multiplicité de dates d’évaluation. Bien sûr, lorsque tous les donataires de la donation-partage initiale procèdent à une incorporation de leurs lots dans une nouvelle donation-partage transgénérationnelle, il n’y a pas de difficultés : d’une part, la totalité de la donation-partage initiale est anéantie et, d’autre part, toutes les souches recevant un lot dans la donation-partage transgénérationnelle, les biens incorporés sont évalués pour la réunion fictive à la date de celle-ci. Mais lorsque l’incorporation d’une précédente donation-partage dans une nouvelle donation-partage transgénérationnelle n’est que partielle, on peut craindre une perte du bénéfice de l’évaluation au jour de l’acte, en raison soit de l’anéantissement d’un lot de la donation-partage incorporée (1°), soit de la multiplicité de dates d’évaluation (2°). - 18 - LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS 2023 ÉTUDE FAMILLE

RkJQdWJsaXNoZXIy MTQxNjY=