Legs et Donations 2023

CONSEIL PRATIQUE  À cet égard, une attention particulière devra être portée à l’instrumentum30. Par suite, l’époux donateur se trouvera débiteur d’une récompense envers la communauté pour avoir tiré un profit personnel des biens de cette dernière (C. civ., art. 1437). 3° La question de l’allotissement de l’enfant non commun en biens indivis 23 - Si la loi prévoit seulement la possibilité de donner des biens propres et des biens communs, qu’en est-il des biens indivis ? La question est discutée en doctrine31. Certes, tous les indivisaires – ici les deux époux – doivent consentir aux actes de disposition à titre gratuit sur leur bien indivis (C. civ., art. 815-3, al. 3). Mais, à l’instar des biens communs, serait-il possible qu’un tel allotissement ait lieu sans que le conjoint coindivisaire ne prenne la qualité de codonateur ? Si certains défendent cette analyse audacieuse, tel n’est pas notre avis32. En effet, l’absence de droits individualisés de chaque époux sur le bien commun permet à un époux d’en faire donation seul, à charge de récompenser la communauté. Il en va autrement d’un bien indivis sur lequel chaque époux a des droits définis33. Un indivisaire ne pourrait donc en disposer sans que l’autre en soit codonateur. Dès lors, la disposition d’un bien indivis implique un transfert de propriété de la part de chaque époux au profit du gratifié, au prorata de ses parts dans le bien indivis. Or, c’est précisément ce qui est prohibé par l’article 1076-1 du Code civil. CONSEIL PRATIQUE  Aussi, l’auteur de l’enfant non commun ne devra-t-il limiter sa donation-partage qu’à ses biens propres ou aux biens communs ? Cela peut compliquer sa réalisation pour un couple marié sous le régime de la séparation de biens, qui est précisément souvent adopté en secondes noces. Outre les difficultés susceptibles de se poser lors de la formation de l’acte répartiteur, d’autres problématiques se font jour lors de sa mise en œuvre. B. - Difficultés lors de la mise en œuvre 1° L’évaluation des biens 24 - Si l’acte répartiteur a été réalisé conformément à l’article 1078 du Code civil34, les biens seront évalués au jour de la donation-partage pour le calcul de la réserve et l’imputation des libéralités. À défaut, les biens ainsi transmis devront être évalués au décès du premier parent et non lors du décès du second parent comme pour les enfants com30 G. Champenois et M. Klaa, donations-partages conjonctives et cumulatives : Defrénois, 2014, n° 115t9, p. 374. 31 M. Grimaldi (dir), Droit patrimonial de la famille : éd. Dalloz, coll. Dalloz action, 2021-2022, spéc. n° 411.153. 32 Dans ce sens, V. également, G. Champenois et M. Klaa, Les donations-partages conjonctives et cumulatives : Defrénois, 2014, 377. 33 JCl Civil Code, Art. 815 à 815-18, Fasc. 10, par J.-B. Donnier, spéc. n°84. 34 Tous les héritiers réservataires vivants ou représentés allotis et absence de réserve d’usufruit portant sur une somme d’argent. 35 V. Zalewski, note ss Cass. 1re civ., 16 juin 2011, n° 10-17.499 : JurisData n° 2011-011613 ; JCP N 2011, n° 27, 1237. 36 Droit des successions et des libéralités : éd. Francis Lefebvre, coll. mémento, éd. 2022, spéc. n° 11885. 37 BOI-ENR-DMTG-20-20-10-20120912, n° 140 et 150. muns (C. civ., art. 1077-2, al. 2). L’absence de date unique d’évaluation sera alors source de complexification de la liquidation35, alors que la réalisation d’une donation-partage conjonctive visait au contraire la simplification. 2° L’exercice de l’action en réduction 25 - L’enfant non commun qui, soit a reçu un lot inférieur à sa part de réserve, soit n’a pas concouru à la donation-partage, peut exercer l’action en réduction dès le décès de son auteur, sans attendre celui du conjoint survivant (C. civ., art. 1077-2, al. 2). En effet, n’ayant aucun droit à faire valoir dans la succession de ce dernier, il ne pourrait y compléter sa réserve héréditaire36. Cette action est alors prescrite par 5 ans à compter de ce décès. 3° La fiscalité 26 - La donation-partage conjonctive est soumise « au tarif en ligne directe sur l’intégralité de la valeur du bien donné », en vertu de l’article 778 bis CGI. Pour l’enfant non commun, ses droits de mutation à titre gratuit seront donc calculés pour la valeur totale du bien donné–quelle que soit sa nature, propre ou commune– en vertu du seul tarif en ligne directe37. Ici, le droit fiscal suit l’analyse civile. Puisque seul son auteur est donateur à son égard, il est logique que les droits de mutation soient établis au regard de leur seul lien de parenté. Il ne bénéficie donc que d’un seul abattement. 27 - CONCLUSION - La donation-partage conjonctive présente l’avantage de simplifier la répartition des biens entre les enfants sans tenir compte de la qualification des premiers. En outre, la possibilité d’allotir également les enfants non communs aux époux, fût-ce uniquement par leur auteur, permet de favoriser la paix des familles y compris recomposées. En revanche, si les conditions de l’article 1078 du Code civil ne sont pas réunies, par exemple à la suite du refus d’un enfant de participer finalement à l’acte, le caractère conjonctif de l’acte répartiteur compliquera davantage les liquidations des successions des donateurs et sera sans nul doute source de conflits, à l’inverse de l’objectif initialement poursuivi. L’essentiel à retenir • La donation-partage conjonctive présente l’intérêt de constituer une masse unique de biens des donateurs afin d’allotir leurs enfants dans la proportion de leur contribution à la masse à partager, sans tenir compte du caractère propre ou commun des biens attribués. • Seul l’enfant non-commun ne pourra être alloti que par son auteur. • La réunion des conditions de l’article 1078 du Code civil permettant l’évaluation des biens au jour de la donation-partage, est gage de sécurité juridique pour les donataires. - 35 - LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS 2023 ÉTUDE FAMILLE

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