La revue fiscale du patrimoine

pondant aux éléments du patrimoine social nécessaires à l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale de la société est considérée comme un bien professionnel ». On remarquera toutefois que la condition de nécessité résulte ici du texte légal. L’article 885 N du CGI est de la même veine : « Les biens nécessaires à l’exercice, à titre principal, tant par leur propriétaire que par le conjoint de celui-ci, d’une profession industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale sont considérés comme des biens professionnels ». Il faut reconnaître que les faits n’étaient pas en faveur des héritiers. – l’entreprise agricole ne disposait pas de compte bancaire professionnel ; le compte personnel du défunt comprenait donc des opérations privées et professionnelles ; – on l’a dit, une part importante des liquidités provenait de la succession de l’épouse du défunt, prédécédée ; – aucun élément ne démontrait que le défunt, âgé de 86 ans, avait prévu de son vivant des investissements importants dans son entreprise. 3. Quel niveau de trésorerie acceptable au regard de l’article 787 C du CGI ? C’est l’intérêt majeur de l’arrêt. Comment apprécier le niveau de trésorerie affecté à l’exploitation de l’entreprise ? Les juges d’appel ont considéré que les sommes figurant à l’actif circulant évalués par référence à la moyenne des charges d’exploitation durant les trois derniers exercices ayant précédé le décès ne constituaient pas des biens nécessaires l’exploitation (V. CA Pau, 19 nov. 2019, n° 19/04508). La encore, la référence à la doctrine ISF est frappante. Il faut rappeler que les liquidités et les placements financiers faisaient l’objet d’un régime particulier sous l’empire de l’impôt sur la fortune. Les liquidités sont prises en compte au titre des biens professionnels, lorsqu’ils sont inscrits au bilan de l’entreprise, dans lamesure où leur montant ne dépasse pas les besoins normaux de trésorerie de celle-ci et où ils sont nécessaires à l’activité de l’entreprise(Cass. com., 15 juin 1993, n° 91-12.745). L’administration fiscale indiquait expressément dans sa doctrine que le service devait « donc s’attacher à détecter les excédents anormaux de liquidités et leur caractère non nécessaire à l’activité de l’entreprise » (BOI-PAT-ISF-30-30-10-40, 11 oct. 2018, n° 130). À cette fin, elle avait dicté la règle suivante : « Les liquidités et placements financiers assimilés sont présumés constituer des biens professionnels pour leur totalité si le total des valeurs réalisables à court terme ou disponibles est inférieur au passif exigible à court terme ou, dans le cas contraire, pour leur fraction égale au passif exigible à court terme de l’entreprise diminué des créances d’exploitation » (V. BOI, préc.). Au-delà de la présomption, le problème est posé. La trésorerie est-elle nécessaire ? La méthode proposée est pour le moins arbitraire et conçue négativement. Il est évident qu’une trésorerie inférieure aux dettes à court terme est nécessaire. Un tel critère ne résout pas la question posée. À bien y réfléchir, et c’est le bon sens, toute trésorerie excédentaire n’a rien d’anormal et peut se justifier de diverses manières (financer le cycle d’exploitation, accumuler des réserves pour des investissements ultérieurs, etc.). À cet égard, tout gestionnaire est bien entendu libre de sa gestion et il paraît difficile de critiquer une attitude prévoyante qui consisterait à améliorer ses fonds propres. La jurisprudence ISF semble en ce sens ; plusieurs arrêts de la chambre commerciale de la Cour de cassation ont développé le principe d’une présomption du caractère professionnel des liquidités d’une entreprise individuelle, sans limitation de montant, en raison de leur affectation aux besoins de l’exploitation(V. Cass. com., 10 juill. 1989, n° 1035, P : RJF 11/89, n° 1291. – Cass. com., 3 juin 1998, n° 1038 : RJF 8-9/98, n° 1038). 4. La trésorerie excédentaire dans les sociétés Pour les sociétés éligibles au dispositif Dutreil, on notera que le long article 787 B du CGI ne comporte pas de disposition particulière quant à l’affectation des éléments figurant au bilan. Cependant, le problème de la trésorerie excédentaire dans les sociétés se pose également. En matière d’ISF, la jurisprudence est bien fixée. Les liquidités et titres de placement inscrits au bilan d’une société sont présumés constituer des actifs nécessaires à l’activité professionnelle de celle-ci dès lors que leur acquisition découle de l’activité sociale ou résulte d’apports effectués sur des comptes courants d’associés, sauf preuve contraire apportée par l’Administration(V. Cass. com., 15 juin 1993, n° 91-12.745, P : RJF 8-9/93, n° 1244. – Cass. com., 26 mars 2008, n° 07-10.496 : JCP E 2008, 1766. – Cass. com., 16 déc. 2020, n° 1824.871, F-D). Dans le régime Dutreil, avec la nouvelle définition de l’activité mixte (chiffre d’affaires procuré par l’activité commerciale représentant au moins 50 % du montant du chiffre d’affaires total et valeur vénale de l’actif brut immobilisé et circulant affecté à cette activité représentant au moins 50 % de la valeur vénale de l’actif brut total), l’activité commerciale sera le plus souvent prépondérante dans la mesure où la trésorerie sera réputée être affectée à l’exploitation. Là encore, la trésorerie excédentaire reste un sujet de discussion. Dans le régime des sociétés interposées, une trésorerie excédentaire dans la société holding, devrait mécaniquement échapper à l’exonération partielle. En effet, la valeur des titres d’une société interposée signataire d’un engagement de conservation qui sont transmis à titre gratuit bénéficie de l’exonération partielle à proportion de la valeur vénale de l’actif brut de cette société représentative de la valeur de la participation soumise à l’engagement collectif de conservation (à suivre strictement la doctrine administrative). C’est certainement une faille du régime des sociétés interposées. Dans certaines configurations, il serait peut-être plus judicieux de conserver la trésorerie excédentaire dans la société cible, la démonstration d’une trésorerie excédentaire affectée à l’exploitation sera certainement plus aisée dans une société opérationnelle. 44 LA REVUE FISCALE DU PATRIMOINE N° 4, AVRIL 2022

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