La revue fiscale du patrimoine

36 - Exception – Engagement de construire. – Envisageant le cas où le rénovateur, assujetti à la TVA, acquiert un immeuble bâti existant en vue de le rénover sans que cette rénovation ne débouche sur la remise à l’état neuf de cet immeuble, l’administration fiscale a précisé les conditions dans lesquelles cet acquéreur peut, néanmoins, bénéficier du régime de faveur (taxe fixe de 125 ³prévue à l’article 691 bis du CGI) subordonné à la souscription dans l’acte de l’engagement de construire prévu à l’article 1594 0GA du CGI. « Lorsque les travaux auxquels s’est engagé l’acquéreur ne donnent pas lieu à l’application du taux réduit de TVA prévu à l’article 279-0 bis, il demeure admis que dans la situation où tous les planchers de l’immeuble contribuent à la résistance ou à la solidité de l’ouvrage, on considère pour l’application du II de l’article 1594-0 G que l’ensemble des éléments de second œuvre ont été rendus à l’état neuf si chacun des cinq autres éléments mentionnés à l’article 245 A de l’annexe II au CGI a été rendu à l’état neuf dans une proportion au moins égale aux deux tiers »48. 37 - Cette solution, certes favorable au rénovateur, souligne à nos yeux les limites de l’assimilation de la rénovation immobilière à la reconstruction à neuf qui confine ici à l’absurde. L’Administration« libère » le rénovateur de l’obligation de remettre à l’état neuf un élément de second œuvre (les planchers), parce que tout simplement il fait défaut. Mais, comme cet élément de second œuvre n’existe pas, l’immeuble reste ancien. Néanmoins, l’ampleur des travaux permet d’accorder au rénovateur l’exonération prévue par la loi en faveur des constructeurs. Quoi qu’il en soit, le professionnel se prévaudra de cette doctrine, s’il y trouve intérêt, sachant qu’elle exige de lui qu’il renonce à l’application du taux réduit de la TVA aux dépenses de travaux entrepris sur l’immeuble, lorsque ces travaux y sont éligibles. 3° La revente de l’immeuble issu de la rénovation : le régime fiscal de la revente d’un immeuble ancien 38 - En transposant à l’article 261 du CGI, l’exonération de TVA applicable à la livraison d’un immeuble bâti « ancien »et, en prévoyant, comme l’y autorise la règle communautaire, une possibilité d’option, le législateur de 2010 a permis aux rénovateurs d’échapper à l’application systématique de la TVA sur marge antérieurement exigible lors de la revente de tout immeuble que les travaux n’ont pas rendu à l’état neuf au sens de l’article 257 du CGI. Il incombe ainsi au rénovateur d’apprécier au cas par cas, sachant que cette option est exercée opération par opération, l’intérêt de cette option. Lorsque l’immeuble est vendu par lots, chaque vente de lot suit son propre régime : exonération ou option à la TVA. Nous avons vu qu’en l’état du droit positif, la TVA qui aura grevé, le cas échéant, l’achat de l’immeuble et celle ayant grevé les dépenses de travaux, notamment, ne sera déductible qu’à la date où l’option est exercée. Mais, en réalité, le régime de la TVA applicable à la revente d’un immeuble demeuré ancien est loin d’être fixé à ce jour avec toute la précision souhaitable. 39 - Principe : exonérationde TVA et droits demutation à titre onéreux au taux plein. – Que la vente prenne la forme d’une VIR ou qu’elle intervienne après complet achèvement des travaux, elle est exonérée de TVA. En effet, à défaut de remplir les critères de l’immeuble neuf au sens de la TVA, la vente sera réputée porter sur un immeuble ancien et exonérée de TVA(CGI, art. 261, 5, 2°). Dans ce cas, la TVA ne pourra s’appliquer que sur option du vendeur (CGI, art. 260, 5° bis). L’acquéreur doit, en principe, les droits de mutation à titre onéreux au tarif ordinaire (àmoins qu’il puisse revendiquer un régime de faveur quelconque)49. 40 - Exception : option pour soumettre la vente de l’immeuble rénové à la TVA – un régime à parfaire. – Conformément aux dispositions de l’article 268 du CGI, l’application du régime de la marge est exclue lorsque l’acquisition a ouvert droit à déduction à l’acquéreur. Si le rénovateur opte pour soumettre la revente à la TVA, il pourra déduire la TVA qui aura grevé son achat et ses dépenses exposées sur l’immeuble, mais la TVA sera due sur le prix total de vente(CGI, art. 266 et 267). Cette configuration rencontrera l’intérêt d’un acquéreur, lui-même assujetti, destinant l’immeuble à être durablement affecté à une activité soumise à la TVA. Elle intéressera moins un simple particulier qui devra, de plus, s’acquitter des droits de mutation à titre onéreux au taux de droit commun de 5,09006 % ou 5,8066 % . 41 - Quid lorsque l’acquisition n’a pas été soumise à la TVA ? Une lecture de la décision de la CJUE Icade Promotion SAS50 militerait, en cas d’option, en faveur de l’application de la TVA sur marge, même lorsque l’acquisition de l’immeuble bâti en vue de la revente après rénovation, a été effectuée auprès d’un non assujetti, dans la mesure où le prix de vente d’un immeuble bâti incorpore une TVA supportée en amont par le cédant. 42 - La CJUE ayant infirmé une partie de sa doctrine jugée non conforme à l’article 392 de la directive TVA51, l’administration fiscale s’est engagée à publier des commentaires relatifs aux conditions d’application de la TVA sur marge, lorsque le juge national se sera prononcé sur cette affaire52. On sait que les litiges se sont concentrés sur l’application de la TVA sur marge aux reventes de terrains à bâtir. Mais, le juge communautaire s’étant prononcé également sur le cas de la commercialisation d’immeubles bâtis « anciens », l’occasion devrait être saisie, pour clarifier, une fois pour toutes, les conditions de détermination de l’assiette de la TVA exigible à raison de la livraison d’un immeuble ancien. 48. BOI-ENR-DMTOI-10-40, § 230. 49. Guide de la publicité foncière : LexisNexis, V° Immeuble ancien (TVA). 50. CJUE, 30 sept. 2021, aff. C-299/20, Icade Promotion SAS ; Constr.-Urb. 2021, comm. 135, N. Gonzalez Gharbi ; Dr. fisc. 2021, comm. 405, E. Kornprobst. 51. Cons. UE, dir. 2006/112/CE, 28 nov. 2006 relative au système commun de taxe à la valeur ajoutée. 52. Rép min. n° 42486 : JOAN 1er févr. 2022, p. 702, Grau ; Constr-urb., 2022, comm. 39 . N. Gonzalez Gharbi. 40 LA REVUE FISCALE DU PATRIMOINE N° 4, AVRIL 2022

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