La revue fiscale du patrimoine

90 - Le législateur français a prévu une telle situation, via l’article 784 A du CGI. Ce dernier prévoit en principe que les droits acquittés à l’étranger à raison de biens meubles et immeubles situés hors de France sont imputables sur l’impôt dû en France sur le fondement des alinéas 1° et 3° de l’article 750 ter du CGI. A contrario, aucun impôt ne sera donc imputable sur l’impôt dû en France sur le fondement du seul alinéa 2 de l’article 750 ter du CGI (transmission de biens français). 91 - Une difficulté majeure émerge dans la situation où des donateurs et/ou donataires domiciliés en France, y sont également taxables à l’occasion de la transmission d’un actif étranger ayant aussi rendu exigible des droits dans le pays étranger considéré. En principe, et en application de l’article 784 A précité, les droits étrangers devraient être imputables sur les droits payés en France. Nous nous sommes toutefois fait l’écho d’un cas de refus de l’administration fiscale française d’opérer l’imputation, et donc la restitution, complète des droits payés à l’étranger conformément audit article, lorsque la base imposable étrangère est supérieure à celle française, notamment dans certaines situations de transmission à titre gratuit portant sur des biens donnés en nue-propriété. Pour motiver ce refus, l’administration fiscale se « fonde » (aucun texte n’étant cité, pour la raison évidente qu’aucun texte ne formule d’exigence explicite de cette nature) sur la circonstance que l’assiette imposable en France diffère de celle calculée par la juridiction étrangère. Tel est en effet le cas en Belgique où, à la différence de la France, la transmission en pleine propriété ou en nuepropriété est sans incidence sur l’assiette taxable : cette dernière correspond systématiquement à la valeur de la pleine propriété du bien transmis considéré. Dans ce cas de figure, l’administration fiscale française accepterait la restitution des droits payés à l’étranger (en Belgique dans le cas d’espèce) au seul prorata de l’assiette taxable en France. 92 - L’administration fiscale française est-elle fondée à procéder de la sorte ? Nous analysons l’article 784 A du CGI comme une disposition purement liquidative, qui ne fait aucun renvoi à une quelconque règle d’assiette. Les travaux parlementaires à la genèse du texte ne nous semblent pas aller dans ce sens non plus. Par conséquent, la position de l’administration fiscale paraît reposer sur une pure doctrine interne, dénuée de tout fondement légal express. 93 - Alors, puisque rien n’empêcherait que dans certaines situations une double imposition« partielle »puisse perdurer, une approche de conseil prudente est requise. Nos réflexions nous ont conduits à distinguer deux situations : ‰en premier lieu, celle d’une différence de base imposable occasionnée uniquement en raison d’une exonération partielle de la base imposable en droit français introduite en raison d’un dispositif dérogatoire (transmission de titres sous régime Dutreil, etc.). Dans ce cas, l’imposition porte dans les deux juridictions sur la même nature de droits donnés. Alors, l’imputation de l’intégralité de l’imposition étrangère sur l’impôt français semble être justifiable, le régime de faveur français ne devant pas avoir une incidence négative sur l’imputabilité des droits étrangers ; ‰en second lieu, celle d’une différence de base imposable engendrée par des traitements législatifs et fiscaux différents dans les juridictions concernées, par exemple lorsque la France retient comme base imposable la seule nue-propriété transmise alors que d’autres juridictions (Belgique, Suisse en principe, etc.) opèrent une taxation sur la pleine propriété dans la même hypothèse. Dans ce cas, l’argumentation de l’administration fiscale française paraît in abstractoplus recevable, bien que le fondement légal demeure inexistant. À ce titre, on notera que la doctrine de l’administration fiscale précise : « Si l’impôt étranger ayant frappé les biens meubles et immeubles situés hors de France compris dans l’assiette de l’impôt français a été acquitté avant le paiement des droits dus en France, le montant reconnu imputable de cet impôt est directement déduit du montant de l’impôt français à percevoir à raison de la succession ou de la donation concernée »41. 94 - Bien que surprenante, cette situation n’est pas un cas isolé ; des situations d’élimination de double imposition imparfaites existent par ailleurs. C’est le cas par exemple lorsqu’une plus-value mobilière imposable à l’étranger dans une juridiction sans step upfiscal à l’arrivée (c’est-à-dire sans revalorisation du prix d’acquisition des actifs au jour du changement de domicile, par exemple la France, a contrario le Canada) rend également exigible l’exit taxfrançaise.Dans cette hypothèse, la base taxable étrangère de la plus-value est par hypothèse supérieure à celle française, or la France ne prévoit alors qu’une imputation partielle des droits payés à l’étranger à proportion uniquement de la plus-value taxable en France après abattement. 2° Donation-partage : points d’attention fiscaux 95 - Outre les complexités civiles sus-évoquées attachées à l’établissement d’une donation-partage dans un contexte international 42, ce mécanisme peut aussi occasionner des difficultés fiscales de plusieurs ordres. 96 - Prenons ici le cas d’une donation-partage transgénérationnelle incorporant une donation-partage antérieure43, solution d’ingénierie patrimoniale franco-française régulièrement utilisée par les praticiens. Sans revenir sur les conditions et principes d’un tel dispositif, rappelons qu’au plan fiscal il requiert de distinguer la fiscalité applicable selon l’antériorité de la donation antérieure réincorporée. 97 - Dans l’hypothèse où la donation initiale a été faite plus de 15 ans avant la donation-partage, l’opération sera soumise au seul droit de partage de 2,5 % sur la valeur des biens incorporés à la date de l’incorporation conformément à l’article 776 A du CGI. Toutefois, si cette opération est faite par un donateur domicilié en Belgique, la donation devra également, et ce depuis la fin de la « Kaasroute », être enregistrée en Belgique donnant dès lors lieu à la perception des droits de 41. BOI-ENR-DMTG-10-50-60, 12 sept. 2012, § 70. 42. La donation-partage transfrontalière : La Lettre Chevreux, 17 déc. 2019. 43. Donation-partage transgénérationnelle contenant incorporation d’une donation-partage antérieure :RFP 2015. ÉTUDES LA REVUE FISCALE DU PATRIMOINE N° 4, AVRIL 2022 31

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