La revue fiscale du patrimoine

80 - En droit belge, une donation ne peut en principe être consentie que par acte authentique, sans que le texte ne précise la nécessité de passer devant un notaire belge ou étranger. Or, comme le Code précité prévoit que tout acte passé par devant un notaire belge doit être enregistré en Belgique (et donc soumis à taxation), les donateurs domiciliés en Belgique avaient pour habitude de procéder à des donations enregistrées par devant notaire étranger, le plus souvent aux Pays-Bas (d’où le terme de Kaasroute ou « route du fromage ») ou en Suisse, malgré un risque accru nécessitant la survie du donateur pendant une certaine période à compter de la donation. En effet, en cas de décès du donateur résident belge après un certain délai à compter de la donation36, des droits de succession sont dus à raison de cette donation. Pour éviter ce risque, une présentation volontaire à l’enregistrement en Belgique demeurait toutefois possible, mais était peu opérée en pratique. L’objectif affiché des donateurs domiciliés en Belgique était de contourner, en toute légalité, l’obligation d’enregistrement en Belgique et la taxation qui y est liée, même si des taux réduits existent depuis de nombreuses années37. 81 - Pourmettre fin à cette échappatoire légale, la Belgique a décidé par le biais d’une proposition de loi initiale du 17 juin 2020, de donner le plein effet aux dispositions prises il y a plusieurs années dans le code précité en rendant obligatoire, à compter du 15 décembre 2020 et ce sans effet rétroactif, l’enregistrement des donations mobilières faites par un donateur résident belge par devant notaire étranger38dans les 4 mois de la donation, sous peine d’amende. 82 - Toutefois, il demeure une absence d’obligation d’enregistrement en Belgique pour : ‰les acte notariés étrangers portant sur des immeubles situés à l’étranger ; ‰les actes notariés étrangers portant sur des biens meubles, si le donateur n’est pas résident belge et quand bien même le donataire serait résident du royaume ; ‰les actes sous seing privé qui portent sur un don manuel ou une donation indirecte de biens meubles (virement bancaire, constituant un acte neutre qualifié souvent de donationa posteriori par le biais d’un pacte adjoint). À noter toutefois que toutes les transmissions ne peuvent s’opérer de la sorte et que ces donations souffrent des mêmes maux que les donations anciennement non enregistrées. 83 - La fin de cemécanisme a été très largement commentée en Belgique sans que toutes les conséquences de cette suppression n’aient toujours été bien comprises à l’étranger. Depuis l’entrée en vigueur de cette nouvelle disposition, la circulaire n° 2021/C/27 relative à la loi ordinaire du 3 décembre 2020 et à la loi spéciale du 13 décembre 2020 en matière d’enregistrement a été publiée39 et apporte des précisions pratiques. 84 - À la suite de cette modification de la loi belge, nous identifions deux difficultés majeures. 85 - Tout d’abord, nous pouvons craindre une recrudescence des situations de double imposition dans le cadre de transmissions mobilières franco-belges. La Belgique, n’ayant pas introduit à ce jour en son droit interne de mécanisme d’élimination des doubles impositions enmatière de mutation à titre gratuit qui pourrait être le pendant de l’article 784 A du CGI en France, devrait systématiquement refuser l’imputation des droits étrangers dus à raison d’une donation mobilière enregistrée en Belgique et également taxée à l’étranger (en France par exemple, en cas de titres français). 86 - Ensuite, le Service des décisions anticipées (SDA) pourrait estimer que toute mention, quant à une donation antérieure reprise dans un acte présenté à l’enregistrement en Belgique, donnerait lieu à l’imposition aux droits de donation sur base du principe des « mentions incidentes » de l’ancienne donation relatée. Toutefois, de nombreux praticiens considèrent cette position infondée, au moins dans certaines hypothèses, en application de la règle selon laquelle« l’exigibilité du droit proportionnel nécessite la présentation à l’enregistrement d’un acte qui forme titre de la convention tarifée »40. En effet, la mention incidente d’une donation antérieure reçue par un notaire étranger, par exemple français, ne confère pas un titre, puisqu’un tel titre, au sens du droit interne belge, existe déjà. De la sorte, les conditions exigées aux fins de taxation en Belgique d’une telle donation antérieure ne seraient pas remplies. 87 - Face à ce risque potentiel qui ne peut être totalement ignoré, les praticiens étrangers pourraient être amenés à adapter la rédaction de leurs actes sur différents points, par exemple en optant pour un acte scindé. Pour les notaires français, ce type de précaution rédactionnelle poserait un problème évident étant donné l’obligation faite à ceux-ci de rappeler les donations antérieures de moins de 15 ans. 88 - Alternativement, la pratique belge envisage la possibilité de ne présenter à l’enregistrement en Belgique qu’un simple extrait de l’acte contenant les seules donations mobilières devant faire l’objet d’un enregistrement. C. - Points d’attention relatifs à des cas de double imposition identifiés 1° L’élimination des doubles impositions prévues par l’article 784 A du CGI est-elle pleinement efficace ? 89 - En absence de dispositif conventionnel spécifique d’élimination des doubles impositions, il convient de se référer au droit interne de chaque État pour identifier l’existence d’une dispositionad hocet son champ d’application. 36. Trois ans, sauf enWallonie où le délai vient d’être porté à 5 ans à compter du 1er janvier 2022 sans effet rétroactif. 37. À titre indicatif, enmatière de donations mobilières en ligne directe : 3 % en Flandres et région Bruxelles-Capitale, contre 3,3 % en Wallonie 38. Article 19, alinéa 1er, 6° du Code des droits d’enregistrement tel qu’adapté par la loi spéciale du 13 décembre 2020 modifiant le Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe en vue de rendre obligatoire l’enregistrement d’actes notariés étrangers, entrée en vigueur le 15 décembre 2020. 39. Commentaires de la circulaire par le cabinet d’avocats belge Thiberghien, le 29 mars 2021 : www.tiberghien.com/fr/2977/publication-d-une-circulairerelative-a-l-obligation-d-enregistrement-des-actes-de-donation-notaries. 40. F. Werdefroy, Droits d’enregistrement 2012-2013, n° 499. 30 LA REVUE FISCALE DU PATRIMOINE N° 4, AVRIL 2022

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