La revue fiscale du patrimoine

L’innovation profonde de ce pacte réside dans ses effets : il emporte, pour les héritiers présomptifs signataires, renonciation au rapport successoral et à la réduction des libéralités visées dans le pacte. 50 - Les pactes ponctuels, eux, visent une opération patrimoniale précise. Notamment, il peut être établi un pacte organisant la renonciation anticipée à l’action en réduction d’un héritier présomptif (C. civ. belge, art. 918). Par ailleurs, la réforme a ouvert la possibilité d’aménager, au moment de la donation, ou postérieurement à cette dernière, les règles du rapport successoral. Il est par exemple possible de stipuler que le rapport se fera selon la valeur du bien le jour de la donation, indexé jusqu’au jour du décès (C. civ. belge, art. 858, § 5, al. 2). 51 - Les similitudes entre le pacte successoral global et la donation-partage française tendent à consacrer la recevabilité des effets de cette dernière en droit belge. En effet, ces institutions peuvent être rapprochées sur de nombreux points : ‰ces actes impliquent l’intervention des disposants et de l’ensemble de leurs héritiers présomptifs (pour ce dernier point, uniquement le pacte global) ; ‰la possibilité de procéder à un retraitement des donations antérieures pour assurer un meilleur équilibre, ce qui rappelle la réincorporation française ; ‰les effets en matière de rapport successoral : ces pactes peuvent prévoir une dispense de rapport successoral ; ‰les effets en matière de réduction : ces actes ont pour effet une meilleure sécurisation de la transmission vis-à-vis de la réserve héréditaire, tout comme la donation-partage française, même si le pacte belge est plus radical (renonciation à la réduction). 52 - Au soutien de cette thèse, le droit européen encourage la recevabilité des institutions étrangères lorsque ces dernières peuvent être rapprochées d’un mécanisme interne. 53 - La donation-partage française à l’épreuve de l’ordre public interne belge – Nous estimons que la prudence doit guider le conseil en la matière. Si le législateur belge a ouvert des exceptions au principe de prohibition des pactes sur succession future, celles-ci impliquent le respect d’un formalisme particulièrement lourd : l’acte notarié est sans surprise requis ; en amont de la signature, un projet d’acte doit être envoyé en préparation d’une réunion qui devra se tenir avant un délai de 15 jours à compter de la réception du projet ; ensuite le pacte successoral ne pourra être signé au plus tôt qu’un mois après cette réunion. La donation-partage de droit français n’est pas soumise à un tel formalisme, même si respecter ce dernier aux fins de faciliter l’admissibilité des effets de la transmission en droit belge serait naturellement une sage précaution. 54 - En outre, quand bien même la donation-partage suivrait ce formalisme, rien ne garantit la reconnaissance de ses pleins effets. En-dehors des quelques exceptions formulées par le législateur belge, il faut souligner que la nouvelle loi a réaffirmé le principe d’interdiction de ces pactes sur succession future : même si la démarche du législateur se veut moderne, elle n’en reste pas moins timorée23 traduisant une forme de méfiance persistante vis-à-vis de ces actes. Au surplus, en réaffirmant ce principe, elle n’a pas manqué de le renforcer : il est notamment mis un coup d’arrêt aux opinions doctrinale et jurisprudentielle, intervenues à la suite d’un arrêt de la Cour de cassation du 31 octobre 200824, qui tendaient à considérer que cette prohibition ne relevait plus d’une règle d’ordre public interne25. Dans cet esprit, il faut admettre que les pactes autorisés sont envisagés de manière strictement limitative et que la donation-partage ne figure pas parmi les mécanismes expressément validés. 55 - Enfin, la nouvelle réforme laisse planer une incertitude : le législateur persiste à ne pas définir les pactes sur succession future. Se pose alors la question de savoir si la définition donnée par la Cour de cassation belge en 1960 est toujours d’actualité... Solution alternative : les instruments de transmission belges. – Pour le cas où la loi applicable est la loi belge, le recours aux outils de transmission belges sera opportunément privilégié pour s’assurer de l’efficacité du schéma choisi. Ils permettront de parvenir au résultat qui pourrait être obtenu au moyen d’une donation-partage française. 56 - En droit belge, le rapport successoral suit les règles suivantes26 : ‰les donations, mobilières et immobilières, lorsque le donataire a le droit de disposer de la pleine propriété du bien, c’est-à-dire lorsqu’elles sont réalisées sans réserve d’usufruit et sans interdiction d’aliéner, sont rapportables pour la valeur des biens donnés au jour de la donation, indexée en fonction de l’indice des prix à la consommation en prenant pour base la valeur de cet indice au jour de la donation (C. civ. belge, art. 858, § 3) ; ‰les autres donations (essentiellement celles avec réserve d’usufruit ou avec clause d’inaliénabilité) sont rapportables pour la valeur des biens donnés au jour de l’ouverture de la succession. 57 - Du côté de la réserve héréditaire, le mécanisme d’imputation est identique à celui du droit français. Toutefois, s’agissant de la valeur de la réunion fictive, les libéralités sont évaluées pour la réduction comme elles le sont pour le rapport : selon leur état à l’époque de la donation, mais pour leur valeur intrinsèque au jour de la donation, indexée jusqu’au jour du décès (C. civ. belge, art. 922). 58 - Dès lors, pour se rapprocher du résultat qui pourrait être obtenu au moyen d’une donation-partage, le choix pour23. F. Laliere, Le visage 2018 des pactes sur succession future : évolution ou révolution ?, Le notaire et son client : de conseiller à confident, de 7 à 77 ans : Bruxelles, Larcier, 2017 24. Ch., 2016-2017, n° 2282/001. 25. En 2003, le législateur a créé le pacte Valkeniers. En suite de cette réforme, la Cour de cassation a pu se prononcer sur un pacte conclu avant 2003. Elle a considéré qu’avant cette date le principe était d’ordre public. Par un raisonnement a contrario, les auteurs en ont déduit que la prohibition n’était plus une règle d’ordre public après 2003. 26. Pour approfondir, V. not. P. Moreau, Le rapport des libéralités après les lois du 31 juillet 2017 et du 22 juillet 2018 : RFDL, p. 7. 2019/1. ÉTUDES LA REVUE FISCALE DU PATRIMOINE N° 4, AVRIL 2022 27

RkJQdWJsaXNoZXIy MTQxNjY=