Actes pratiques et strategie patrimoniale

2 ATAD 3 : proposition de directive du 22 décembre 2021 contre l’utilisation abusive d’entités écrans à des fins fiscales Pierre D’AZEMAR de FABREGUES, avocat associé au barreau de Paris – Urbino Associés, chargé de cours de Fiscalité du patrimoine en Master II à l’université de Paris Dauphine Nicolas NEZONDET, avocat au barreau de Paris – Urbino Associés, diplômé du Master 2 de Droit fiscal, université de Paris I – Panthéon-Sorbonne Introduction Enjeu. – En matière de fiscalité internationale, la notion de « substance économique » est utilisée pour lutter contre des schémas fiscaux abusifs, dont le seul objectif serait de détourner les règles fiscales applicables entre un État de sourceet unÉtat de résidence. Ainsi, l’utilisation d’une société sans substance économique peut permettre de bénéficier d’une fiscalité avantageuse en transférant des bénéfices hors de l’État depuis lequel elle est contrôlée par ses actionnaires. L’Administration peut alors considérer que la société étrangère n’est pas réellement résidente dans son État de création et peut alors faire échec à l’application de la convention fiscale conclue entre la France et cet autre État. Proposition de directive. – La notion de substance n’a pas, en droit positif, de définition applicable aux « sociétés fictives » ou aux « sociétés écrans ». À la demande du Parlement européen, la Commission européenne a présenté le 22 décembre 2021 une proposition de directive 2021/0434 « établissant des règles pour empêcher l’utilisation abusive d’entités écrans à des fins fiscales et modifiant la directive 2011/16/UE »1 (ATAD 3). La Commission reconnaît que, dans certains cas, il y a des motifs valables pour utiliser de telles entités, sauf lorsque leur principal objet est lié à des motifs fiscaux. Cette proposition concerne les sociétés écrans établies dans l’Union européenne. Une autre proposition de directive visant les sociétés écrans établies hors de l’Union est annoncée pour 2022. LES OBJECTIFS DE LA PROPOSITION DE DIRECTIVE A. - Une proposition s’inscrivant dans la politique de l’UE à l’encontre des pratiques fiscales abusives Cadre général. – Le 18 mai 2021, la Commission européenne a adopté une communication relative à la « Fiscalité des entreprises pour le XXIe siècle » afin de promouvoir un système fiscal « solide, efficace et équitable » dans l’Union. Des pistes de réformes, à court terme et à long terme, ont été définies pour soutenir la reprise en Europe après la crise sanitaire et préserver les finances publiques des États membres. Il s’agit d’une proposition de remise en cause fondamentale de la fiscalité des entreprises et non d’une simple adaptation à la numérisation de l’économie2. L’enjeu réside dans la refondation du système fiscal international reposant sur des notions rendues obsolètes par la numérisation de l’économie ; la proposition de directive sur les entités fictives est l’une de ces initiatives à court terme visant à mettre l’accent sur la garantie d’un système fiscal plus juste et plus efficace. Travaux de l’OCDE et de l’UE. – Dans le cadre des travaux de l’OCDE de lutte contre la planification fiscale agressive, un certain nombre de règles ont été adoptées dans l’Union européenne. Des progrès importants ont déjà été réalisés ces dernières années avec l’adoption des directives ATAD 1 et ATAD 2 visant à lutter contre les pratiques d’évasion fiscale sur le marché intérieur de l’Union3, ainsi que l’adoption des directives DAC 1 à DAC 6 visant à élargir le champ d’application de la coopération administrative entre États membres 4. Néanmoins, de récents scandales 5 ont démontré que des personnes morales sans substance, ni activité économique réelle, peuvent être utilisées à des fins fiscales abusives, telles que l’évasion ou la fraude fiscales. Ainsi, des contribuables se soustraient à leurs obligations fiscales ou détournent la loi fiscale en abusant d’entreprises qui n’exercent aucune activité économique effective (parfois appelées « sociétés boîtes aux lettres »). Contexte de la proposition de directive. –À ce jour, aucune mesure fiscale de l’Union européenne ne comporte de disposition visant spécifiquement les entités fictives utilisées aux fins d’évasion et de fraude fiscales. Compte tenu de l’enjeu 1. Il s’agit du titre de la proposition de directive en langue française. La version anglaise emploie le terme de « shell entities » pour désigner les « entités écrans ». Alternativement, pourront aussi être ici employés les termes de sociétés fictives ou sociétés écrans. 2. À long terme, la Commission européenne souhaite proposer une unification des règles d’imposition des sociétés dans l’UE via une répartition et une base d’imposition communes (BEFIT : « Business in Europe : Framework for Income Taxation »). Cette nouvelle proposition entend remplacer l’ancienne proposition de directive ACCIS. 3. La directive (UE) 2016/1164 (ATAD 1) du 12 juillet 2016 fixe un niveau minimal de mesures visant à lutter contre les montages transfrontières d’optimisation fiscale au niveau européen. Dans le prolongement de la précédente, la directive (UE) 2017/952 (ATAD 2) du 29 mai 2017 vise à neutraliser les avantages fiscaux relatifs aux instruments hybrides. 4. La directive 2011/16/UE (DAC 1) du 15 février 2011 prévoit l’échange automatique d’informations concernant cinq catégories de revenus. La directive 2014/ 107/UE (DAC 2) du 9 décembre 2014 étend l’échange automatique aux comptes financiers. La directive (UE) 2015/2376 (DAC 3) du 8 décembre 2015 étend l’échange automatique aux rescrits. La directive (UE) 2016/881 (DAC 4) du 25 mai 2016 étend l’échange automatique aux déclarations par pays. La directive (UE) 2016/2258 (DAC 5) du 6 décembre 2016 permet l’échange d’informations en matière de lutte anti?blanchiment. Enfin, la directive (UE) 2018/822 (DAC 6) du 25 mai 2018 étend l’échange automatique à des montages déclarés comme fiscalement agressifs. 5. Par exemple : « OpenLux »ou« Pandora Papers ». ACTESPRATIQUES&STRATÉGIE PATRIMONIALE - N° 2 - AVRIL-MAI-JUIN 2022 - ©LEXISNEXISSA 43 Le point sur

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