Actes pratiques et strategie patrimoniale

certain libéralisme. Le praticien a toute liberté pour conclure une convention de fiducie adaptée, sur-mesure, aux besoins de ses clients. Les contrats ne seront pas rédigés de la même manière selon qu’ils ont pour objet de gérer des biens ou de constituer une garantie. Un certain nombre de clauses ne devront pas être négligées, telles les conditions et modalités d’aliénation des actifs fiduciaires, les pouvoirs de chaque partie sur l’actif fiduciaire, les déclarations par le constituant 18, la responsabilité du fiduciaire19, la résiliation du contrat. 9 - Exécution du contrat. – S’agissant du fiduciaire, il devient propriétaire des actifs placés en fiducie et assume les risques liés à la chose en cas de disparition fortuite du bien. Le cas échéant, il aura l’obligation de le remplacer en valeur. Toutefois, par l’effet de la liberté contractuelle, les parties auront tout le loisir de prévoir une clause laissant notamment les risques au constituant ou les imputant au bénéficiaire. Si la disparition est due à une faute, la responsabilité du commettant sera alors engagée (fiduciaire ou tiers). Les pouvoirs du fiduciaire pourront soit être aménagés par le contrat de fiducie, soit être transférés en totalité. En tout état de cause, ils devront être exercés conformément à la mission convenue contractuellement. En présence de titres sociaux, il conviendra de ne pas négliger l’éventuelle procédure de communication des instructions de vote par le constituant ou par toute autre personne, outre l’existence d’un droit de veto au profit du bénéficiaire, voire du fiduciaire en cas de contradiction entre les instructions données par le constituant avec la mission assignée au contrat. Les parties devront accorder un soin tout particulier aux obligations de paiement du fiduciaire par le patrimoine fiduciaire. On pense immédiatement à la rémunération du professionnel. Néanmoins, cette clause doit être plus large afin de préciser ses obligations de gestion à son égard. En pratique, des problèmes se sont posés s’agissant notamment du paiement des taxes foncières. Cette répartition des prérogatives n’est pas toujours des plus évidentes. En principe, le contrat est conclu intuitu personae. Sans accord du constituant, il ne pourrait, en théorie, y avoir de « sous-fiduciaire »par la conclusion d’un nouveau contrat établi par le fiduciaire et un tiers afin de déléguer une partie de ses missions. Tout dépendra de la clause prévue dans le contrat de fiducie initiale, mais également de l’étendue de la délégation. Nul doute que cette question devra être déterminée dans le contrat de fiducie afin de lever toutes les incertitudes liées à l’accord du constituant et aux éventuelles questions de conflits d’intérêts. En cas de difficulté, les parties seront amenées à interpréter le contrat. En la matière, existe un devoir de loyauté du fiduciaire et des règles implicites de bonne conduite. Dans le cadre de l’exécution de sa mission, le fiduciaire se doit de respecter non seulement les obligations déontologiques de loyauté et de diligence (fiduciary duties), mais également celles de lutte contre le blanchiment et la fraude fiscale. Il agira différemment selon la mission convenue entre les parties. Tantôt, il sera un fiduciaire au pouvoir plus restreint. Tantôt, il sera un fiduciaire aux pouvoirs plus étendus. Quels que soient ses pouvoirs, il devra rendre compte de sa gestion. Cette obligation devra être définie précisément dans le contrat quant à ses modalités (obligations d’information, reddition des comptes annuels ou encore éventuelles autorisations du constituant). Selon l’article 2026 du Code civil, le fiduciaire est responsable sur son patrimoine propre des fautes commises dans ses missions. Non seulement il est responsable de ses fautes de gestion, mais également il pourra être tenu responsable des biens placés sous sa garde, cette responsabilité ne nécessitant pas de preuve d’une faute en pratique. Seront utiles, pour le protéger, les clauses limitatives de sa responsabilité contractuelle. Leur efficacité sera toutefois subordonnée à l’absence de privation de la substance même de l’engagement de fiduciaire. S’agissant du constituant, plusieurs clauses devront également être négociées. La première tient assurément à l’insertion d’une convention de mise à disposition des biens placés dans le patrimoine d’affectation. En application de l’article 2017 du Code civil, le constituant a également le pouvoir de désigner un tiers de confiance chargé de protéger ses intérêts. Une clause contractuelle peut supprimer cette faculté au constituant sauf s’il s’agit d’une personne physique. Il pourra solliciter en justice la révocation et le remplacement du fiduciaire. Aucun texte du Code civil ne prévoit de disposition particulière s’agissant des fruits et des produits réalisés en cours de contrat. En principe, ils reviennent de droit au fiduciaire sauf clauses contractuelles spécifiques mettant en œuvre des versements au bénéficiaire. Par le contrat de fiducie, le constituant a des droits mais également des obligations, particulièrement celle de rémunérer le fiduciaire. En théorie, les prestations accomplies par le fiduciaire peuvent être gratuites ou onéreuses. Il est préférable que les parties précisent leur intention dès la conclusion du contrat de fiducie même si l’obligation de mentionner la rémunération du fiduciaire n’est pas exigée ad validitatem. En pratique, cette rémunération peut prendre la forme soit d’une somme forfaitaire, soit d’une somme fixe et variable en fonction de la valeur du patrimoine géré ou des résultats de la gestion. Cette rémunération pourrait alors être versée lors de la signature du contrat ou périodiquement. En revanche, le fiduciaire ne pourra prélever de son propre chef les revenus tirés de l’exploitation de la fiducie sauf stipulation contraire du contrat. S’agissant tout particulièrement de l’avocat fiduciaire, sa rémunération devra être distinguée de celle des autres intervenants(RIN, art. 6.5.5.). En l’absence de disposition expresse, le contrat ne pourra être présumé réalisé à titre gratuit. Après exécution de sa mission, le fiduciaire pourra saisir le juge afin qu’il fixe sa rémunération. 10 - Extinction du contrat. –Certaines causes d’extinction de la fiducie sont prévues expressément par la loi (C. civ., art. 2029). Il en va ainsi évidemment lors de l’arrivée du terme convenu entre les parties 20 ou encore de la réalisation du but poursuivi, de la liquidation judiciaire, de la dissolution, ou de la cession-absorption du fiduciaire. Cela peut encore être le cas lorsque le fiduciaire est contraint à une interdiction temporaire d’exercice, de radiation ou d’omission s’il s’agit d’un avocat. L’article 2029 du Code civil ajoute le décès du constituant personne physique et l’hypothèse d’une renonciation du contrat de fiducie par l’intégralité des bénéficiaires. L’article 2028 du Code civil a également ajouté des cas de résiliation anticipée par le constituant tant que la fiducie n’a pas été acceptée. Ainsi, le contrat de fiducie reste irrévocable tant que la fiducie n’a pas été acceptée par le bénéficiaire. La souplesse laissée par le législateur au contrat permet de prévoir certaines possibilités de résiliation avec ou sans indemnité, et de préavis. Par exemple, pourrait ainsi être insérée dans 18. Cette clause apporte en pratique des informations non négligeables sur le déroulement de la fiducie. 19. Cette clause met en exergue l’existence d’un patrimoine d’affectation et ses conséquences à l’égard du professionnel de la fiducie. En cas de faute, il sera tenu responsable des fautes accomplies dans le cadre de sa mission. Plus la clause sera précise, plus il sera protégé. Cela permettra également au professionnel de se rendre compte de l’ampleur de la tâche de fiduciaire qui l’attend, notamment quant à l’exécution du contrat de fiducie. 20. Celui-ci ne peut excéder 99 années et il doit être déterminé au contrat. 8 ©LEXISNEXISSA - ACTESPRATIQUES&STRATÉGIE PATRIMONIALE - N° 2 - AVRIL-MAI-JUIN 2022 Dossier

RkJQdWJsaXNoZXIy MTQxNjY=