Actes pratiques et strategie patrimoniale

‰un droit à la rémunération. De façon similaire, le tiers-protecteur doit à notre sens pouvoir bénéficier : ‰de la délivrance d’une information sur ses obligations : c’est à l’évidence le contrat portant désignation du tiers-protecteur (ou l’acte de sa désignation unilatérale) qui devra mentionner avec précision quelles sont ses obligations. Aucune disposition légale ne prévoit l’intervention du juge des tutelles (JCP) sur ce point et, compte tenu du principe de la liberté contractuelle, c’est manifestement le contrat qui devra les définir ; ‰d’un droit à la formation : il sera régi par le contrat, lequel pourra opportunément prévoir que le tiers-protecteur est le principal acteur de sa propre formation continue, suivi qu’il pourrait lui être légitimement demandé de justifier auprès du constituant de façon régulière, pourquoi pas chaque année, à défaut de quoi le tiers-protecteur pourrait être révoqué ; ‰d’un droit à la rémunération propre à garantir son indépendance vis-à-vis du fiduciaire. Point n’est besoin d’insister de ce chef. Il est d’évidence pour tous. b) Un métier de « protecteur » aujourd’hui caractérisé par un encadrement déficient et par une insuffisante professionnalisation 41 - Ainsi que l’avait relevé la Cour des comptes dans son rapport 72 de septembre 2016 sur la protection juridique des majeurs, la qualité de la protection et son contrôle demeurent très insuffisants, cette insuffisance résultant d’une part d’une gestion des mesures de protection préoccupante et, d’autre part, d’un contrôle des mesures très insuffisant 73. Ce constat se faisait globalement critique pour tout le secteur des acteurs de la protection quelle que soit la nature de la mesure ordonnée sans distinction, la Cour des comptes soulignant la nécessité de la« professionnalisation des mandataires, la réforme de 2007 rend[ant] nécessaire à la fois un cadre commun à tous les tuteurs professionnels, quel que soit leur statut, et un cadre spécifique au mode d’exercice libéral du métier de tuteur »74. Des tentatives isolées de codification des missions et des conditions éthiques et déontologiques de l’action du protecteur du majeur protégé, qui méritent d’être soulignées, visaient à cadrer et recadrer l’exercice des missions de protection des majeurs ; la fonction très spécifique de gérant de tutelle hospitalier peut fournir quelques indications éthiques et déontologiques : avec la Charte du gérant de tutelle hospitalier de l’AP-HP75, les gérants de tutelle de l’AP-HP s’engagent ainsi à respecter certains principes dont la plupart, cependant, même relatifs à la gestion des biens, paraissent difficilement transposables au tiers-protecteur 76. Les dysfonctionnements évoqués dans le rapport de la Cour des comptes, suivi par la création en 2018 d’une mission interministérielle sur l’évolution de la protection juridique des personnes, présidée par Anne Caron-Déglise, avocate générale à la Cour de cassation77, demeurent aujourd’hui d’actualité, de sorte que, en l’état, ce n’est que de façon très lacunaire qu’une transposition des normes applicables, notamment déontologiques, peut être envisagée pour la définition des missions du tiers-protecteur. Au moins cela permet-il la plus grande liberté possible dans la définition des modalités et des conditions de son action. c) Un récent arrêté du 7 décembre 2021 très prometteur et inspirant pour le tiers-protecteur 42 - L’une des suites et des avancées majeures du rapport et du groupe de travail interministériel susmentionnés réside cependant aujourd’hui dans l’arrêté du 7 décembre 2021 modifiant l’arrêté du 2 janvier 2009 relatif à la formation complémentaire préparant aux certificats nationaux de compétence de mandataire judiciaire à la protection des majeurs et de délégué aux prestations familiales, et spécialement dans son annexe V publiant un référentiel d’activités du mandataire judiciaire à la protection des majeurs, véritables charte et guide de l’action du MJPM. Ce référentiel distingue parmi les fonctions du MJPM divers groupes-fonctions : des groupes-fonctions Fonction « protection de la personne »78, « intervention socio-budgétaire »79, ne pouvant manifestement qu’échapper aux missions du tiersprotecteur, ces missions étant sans objet s’agissant du tiersprotecteur vis-à-vis du constituant, lequel est nécessairement pleinement conscient et lucide quant à la portée de son engagement fiduciaire. Mais, en revanche, certains autres groupes-fonctions sont susceptibles, en tout ou en partie, d’être transposés au tiersprotecteur, les missions qui y sont définies pouvant être reprises à l’identique ou amendées afin de définir ou d’inspirer certaines des missions du tiers-protecteur : ‰un groupe-fonctions Fonction « protection des biens » : - prendre des mesures conservatoires ; - réaliser l’inventaire du patrimoine à l’ouverture de la mesure ; - assurer la protection des biens patrimoniaux ; - assurer la gestion administrative ; - établir le compte de gestion ; ‰un groupe-fonctions Fonction « veille juridique / expertise / formation et travail en réseau » : - assurer la veille documentaire ; - recueillir/classer/synthétiser/analyser des données ; 72. V. note n° 76. – Rapp. de la Cour des comptes, La Protection juridique des majeurs. Une réforme ambitieuse, une mise enœuvre défaillante, sept. 2016, p. 53. 73. Rapp. de la Cour des comptes, La Protection juridique des majeurs. Une réforme ambitieuse, une mise en œuvre défaillante, sept. 2016, p. 61 et 73. 74. Rapp. de la Cour des comptes, La Protection juridique des majeurs. Une réforme ambitieuse, une mise en œuvre défaillante, sept. 2016, p. 88 et s. 75. Assistance publique hôpitaux de Paris ; charte publiée le 4 septembre 2003. 76. Article 1 : À gérer le patrimoine au mieux des intérêts du majeur protégé et à en appliquer les revenus à son entretien. Article 2 : À trouver des solutions pour répondre aumieux à l’urgence en cas de revenus insuffisants. Article 3 : À faire valoir les droits du majeur protégé auprès des différents organismes concernés. Article 4 : À informer de façon appropriée et adaptée à son état et aux circonstances, le majeur protégé de tout ce qui est fait en son nom, dans l’intérêt de sa personne. Article 5 : À être un lien entre le majeur protégé et son entourage. Article 6 : À respecter le majeur protégé, à tenir compte de ses volontés et de ses croyances. Article 7 : À avoir une collaboration active avec l’équipe de soins pour participer à tout ce qui touche au bienêtre du majeur protégé. 77. Aujourd’hui démissionnaire. 78. L’accueilÉvaluation/information/adaptation : notamment « entrer en relation avec la personne protégée » et l’informer du « mandat et de ses conséquences » ; la protection de la personne : notamment, le MJPM assure « l’épanouissement du majeur notamment en favorisant son autonomie : découvre le projet de vie de la personne et assiste ou supplée celle-ci dans l’accomplissement des actes relatifs à ce projet, favorise l’intégration familiale, sociale, professionnelle »et assure« le respect des droits fondamentaux de la personne : respect du corps humain, de la vie privée, au logement, au travail, liberté d’aller et venir. En matière de santé, l’action du délégué vise à permettre l’accès aux soins, veiller au suivi médical ». 79. Apporte une aide à la personne en favorisant ses propres ressources et celles de son environnement (famille, milieu de travail, etc.) ; forme, conseille la personne sur la gestion budgétaire et lui permet progressivement de veiller seule à la conservation de ses intérêts ; construit avec la personne un budget prévisionnel tenant compte de l’ensemble de ses ressources, de ses projets et des contraintes budgétaires ; coconstruit un plan d’action avec la personne en coordonnant les différentes démarches, en tenant compte de ses ressources, de son environnement et du mandat judiciaire ; négocie un contrat d’action avec la personne et en organise le suivi ; recherche et mobilise les moyens, coordonne, articule le travail d’accompagnement en lien avec différents acteurs ; évalue avec la personne l’impact des actions et les ajuste en conséquence. 32 ©LEXISNEXISSA - ACTESPRATIQUES&STRATÉGIE PATRIMONIALE - N° 2 - AVRIL-MAI-JUIN 2022 Dossier

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