Actes pratiques et strategie patrimoniale

caractère majeur. Dans nos schémas de« libéralité-fiducie », le constituant/donataire étant personne physique, le tiersprotecteur est devenu depuis d’ordre public, d’où nos prochains développements. B. - Le tiers-protecteur, par nature extérieur au contrat de fiducie 10 - Tiers. – Ainsi qu’il résulte de la lettre même de l’article 2017 du Code civil précité, le tiers-protecteur n’est pas partie au contrat. Il constitue bien un« tiers ». Possèdent véritablement seuls la qualité departie au contrat au sens des dispositions de l’article 1101 du Code civil 17le constituant et le fiduciaire, ainsi que le bénéficiaire lorsque constituant et bénéficiaire ne font qu’un ou lorsque fiduciaire et bénéficiaire ne font qu’un. 11 - Et non une « partie ». – Ainsi, le tiers-protecteur, s’il est appelé au contrat, ne pourra pas y figurer en qualité de partie mais uniquement d’intervenant à l’acte. Dans le cas où le bénéficiaire n’est ni le constituant 18ni le fiduciaire, ce bénéficiaire est également tiers au contrat. Nous sommes alors bien en présence d’une stipulation pour autrui au sens de l’ancien article 1121(C. civ., art. 1121 ancien)du Code civil en vigueur à la date de la loi du 19 février 2007, aujourd’hui article 1205 dumême code19. La proposition de loi déposée par M. Philippe Marini le 8 février 2005 devant l’Assemblée nationale n’avait du reste pas manqué de relever que si « la fiducie créera un nouveau type de contrat spécial », les règles« relatives à la stipulation pour autrui aur[ont] vocation à jouer, sauf dispositions contraires, lors de fiducies pour le bénéfice de tiers »20. S’agissant du tiers (protecteur) visé à l’article 2017 du Code civil, sa désignation ne résulte pas d’un accord de volontés entre les parties. Il s’agit sans ambiguïté d’un pouvoir unilatéral de désignation par le constituant. 12 - Priorité originelle au consensualisme. –Les seules stipulations au contrat de fiducie mentionnées par le texte comme pouvant concerner le tiers-protecteur sont celles en vertu desquelles les parties (hormis, bien sûr, le cas visé au second alinéa de l’article 2017 du Code civil 21) renonceraient, d’un commun accord, à la faculté de désigner un tel tiers-protecteur. L’article 2017 débute dans sa rédaction par un« Sauf stipulations contraires du contrat de fiducie »pour évoquer cette possibilité pour le constituant de« désigner »un tiers-protecteur, préalable très révélateur de la priorité donnée à la volonté commune des parties et, par suite, à la liberté contractuelle. 13 - Un acteur endogène à la fiducie« personnelle ». –L’on pourrait même en inférer que le contrat de fiducie a par nature vocation à ne pas prévoir la désignation du tiers-protecteur, cette désignation intervenant concomitamment à la formation du contrat de fiducie ou postérieurement à celle-ci, cette désignation pouvant intervenir « à tout moment » (C. civ., art. 2017, al. 1), y compris de très nombreuses années plus tard22. L’on imaginerait difficilement en effet qu’un avenant au contrat de fiducie doive être formalisé en cours d’exécution de ce contrat, alors que la nécessité de recourir à un tiers-protecteur serait apparue tardivement aux yeux du constituant, là où aucun n’avait été précédemment désigné, cette nécessité apparue progressivement ou subitement révélant précisément une mésentente entre constituant et fiduciaire, incompatible avec la désignation consensuelle d’un tiers-protecteur en cours d’exécution du contrat. Au demeurant, il est intéressant de relever que l’article 2018 du Code civil 23, qui énumère limitativement les stipulations devant être présentes au contrat à peine de nullité, nementionne pas, lorsqu’il est envisagé par les parties, le recours à un tiers-protecteur, sa désignation et, a fortiori, ses pouvoirs ou encore les modalités de son remplacement. 14 - Institué par la fiducie ou un acte autonome par souci de discrétion. –Ainsi, la désignation du tiers-protecteur pourraitelle être formalisée dans le cadre d’un acte unilatéral émis par le constituant, parallèlement ou postérieurement au contrat de fiducie, désignation notifiée24au tiers-protecteur lui-même, au fiduciaire et au bénéficiaire25. Certains clients demandent une rédaction détachable par souci de discrétion, le contrat de fiducie étant souvent communiqué à des tiers. 15 - Notification au fiduciaire. – Le troisième alinéa de l’article 2017 du Code civil issu de l’article 12 de l’ordonnance n° 2020-115 du 12 février 202026 est du reste venu préciser cette exigence vis-à-vis du fiduciaire, à l’égard duquel la désignation du tiers-protecteur a de fait pour objet et pour effet de créer un véritable contre-pouvoir : « Le constituant doit informer le fiduciaire de la désignation de ce tiers », obligation de notification de laquelle il résulte nécessairement que la désignation du tiers-protecteur s’effectue ainsi hors contrat. S’agissant d’une ordonnance ratifiée par le Parlement, seuls le rapport au président de la République relatif à l’ordonnance n° 2020-115 du 12 février 2020 renforçant le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme27, puis l’exposé des motifs du projet de loi n° 3408 portant ratification de cette ordonnance n° 2020-115 du 12 février 2020 nous permettent d’accéder à l’esprit du texte28. substantif « tiers »ne résulte pas de la loi et qu’il ne peut dès lors être regardé comme plus pertinemment normatif que le qualificatif « protecteur ». 17. C. civ., art. 1101 : « Le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations. » 18. Ce qui ne sera pas le cas dans une stratégie de donation à charge de mise en fiducie dans laquelle le constituant est bénéficiaire, sauf le cas d’une donation graduelle. 19. C. civ., art. 1205 : « On peut stipuler pour autrui. L’un des contractants, le stipulant, peut faire promettre à l’autre, le promettant, d’accomplir une prestation au profit d’un tiers, le bénéficiaire [...]. » 20. Sénat, prop. de loi n° 178, 8 févr. 2005, instituant la fiducie, présentée par M. Philippe Marini à la session ordinaire de 2004-2005, ann. au PV de séance. 21. En vertu desquelles, lorsque le constituant est une personne physique, il ne peut renoncer à la faculté de pouvoir désigner un tiers-protecteur s’il le souhaite. 22. Le 2° de l’article 2018 du Code civil fixe la durée maximale du contrat de fiducie à 99 ans à compter de la signature du contrat. 23. C. civ., art. 2018 : « Le contrat de fiducie détermine, à peine de nullité : 1°) Les biens, droits ou sûretés transférés [...] 2°) La durée du transfert qui ne peut excéder quatre-vingt-dix-neuf ans à compter de la signature du contrat ; 3°) L’identité du ou des constituants ; 4°) L’identité du ou des fiduciaires ; 5°) L’identité du ou des bénéficiaires, ou, à défaut les règles permettant leur désignation ; 6°) La mission du ou des fiduciaires et l’étendue de leurs pouvoirs d’administration et de disposition ». 24. Une telle notification étant manifestement impérative pour rendre la désignation du tiers-protecteur opposable au fiduciaire, pour déterminer à l’égard du tiers-protecteur la date à laquelle celui-ci commence officiellement à exercer ses fonctions et à en assumer la responsabilité professionnelle et, enfin, pour informer le bénéficiaire de son existence, notification de nature à le rassurer également sur la préservation de ses intérêts futurs. 25. V. développements dans la note 59 ci-après. 26. Renforçant le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. 27. Ord. n° 2020-115, 12 févr. 2020, renforçant le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme : JO 13 févr. 2020, texte n° 12 ; JCP N 2020, n° 9, act. 234, obs. M.-E. Boursier. 28. AN, projet de loi n° 3408, 14 oct. 2020, ratifiant l’ordonnance n° 2020-115 du 12 février 2020 renforçant le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, Exposé des motifs : « L’ordonnance n° 2020-115 du 12 février 2020 constitue, avec les deux décrets n° 2020-118 et n° 2020-119, le principal texte de transposition en droit français de la cinquième directive européenne « anti-blanchiment ». [...] Parmi les mesures introduites, pourront être notés : [...] – le renforcement du rôle des registres des bénéficiaires effectifs des personnes morales ainsi que des trusts et fiducies comme outils de transparence des transactions financières (ouverture au public de la majeure partie des données relatives aux 25 ACTESPRATIQUES&STRATÉGIE PATRIMONIALE - N° 2 - AVRIL-MAI-JUIN 2022 - ©LEXISNEXISSA Dossier

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