sjn2336

Page 66 © LEXISNEXIS SA - LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 36 - 8 SEPTEMBRE 2023 1161 des activités consacrée par ce texte. L’assimilation peut par exemple se fonder sur la fourniture de prestations accompagnant une activité immobilière (JCl. Fiscal Impôts directs Traité, fasc. 205, n° 15) civile par nature. Dans cette logique, l’activité peut être imposée au titre des bénéfices industriels et commerciaux tout en présentant une coloration patrimoniale marquée, sans préjuger que les revenus retirés de cette activité procèdent véritablement de l’exploitation d’une entreprise industrielle et commerciale. De son côté, l’exonération Dutreil a clairement pour fonction d’assurer la pérennité des entreprises stricto sensu (Cons. const., 28 déc. 2018, n° 2018-777 DC). Une délimitation trop large de ce régime d’exemption poserait un problème. Elle l’exposerait à une censure au titre d’une rupture d’égalité des citoyens devant les charges publiques, comme le rappelle un précédent fameux (Cons. const., 28 déc. 1995, n° 95369 DC). Ces considérations peuvent justifier que le domaine d’application du régime d’exonération partielle soit fixé par référence à des critères plus stricts que ceux fixant les contours des bénéfices industriels et commerciaux. L’activité en cause dans l’espèce soumise à la Cour de cassation fournit une illustration topique de cette problématique. En créant le régime de faveur « Dutreil » instaurant actuellement une exonération de 75 % non plafonnée cumulable à certaines conditions avec une réduction de droits de 50 %, en faveur des transmissions d’entreprises, le législateur at-il entendu que ces règles favorables facilitent la transmission d’actifs immobiliers certes loués équipés et exploités par une entreprise tierce (il peut s’agir par exemple des murs d’une clinique, d’un camping voire de courts de tennis loués aménagés et exploités par une entité tierce, BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-30, 12 sept. 2012, § 60. – CAA Lyon, 2e ch., 28 déc. 1990) ? La coloration patrimoniale que peut présenter cette activité, suivant ses modalités d’exercice fait douter qu’une réponse positive puisse lui être apportée sans réserve (V. également sur cette réserve et considérant qu’une telle extension des activités éligibles est contraire aux objectifs poursuivis par le régime d’exonération Dutreil, S. Bradburn, Location meublée et exonération Dutreil : Dr. fisc. 2023, n° 26, act. 215, n° 11). REMARQUE ➜ Il appartiendra le cas échéant au législateur s’il souhaite exclure ce type d’activité du régime de faveur de procéder à une nouvelle réforme ponctuelle, à l’instar de celle opérée par la première loi de finances pour 2022 concernant la durée d’exercice de l’activité éligible. L’arrêt du 1er juin 2023 présente la vertu de rappeler une nouvelle fois avec fermeté que l’administration fiscale ne saurait se substituer au législateur dans une telle démarche. Au fond et en l’état, une approche plus contrastée impliquant une appréciation in concreto nous semble devoir être retenue. Une lecture attentive de l’arrêt incline à penser que la Cour de cassation pourrait bien s’être inscrite dans cette démarche et avoir d’ores et déjà posé des jalons en ce sens. L’écart entre d’une part la rédaction du pourvoi et d’autre part la motivation retenue par la Haute Juridiction et la terminologie précise employée par cette dernière étayent une telle lecture. Le pourvoi reprochait à la cour d’appel de ne pas avoir recherché, « comme elle y était invitée si la société CFI n’exerçait pas une activité de location équipée, constituant une activité commerciale à part entière au sens de l’article 35, I, 5°, du code général des impôts, la rendant éligible au régime de faveur de l’article 787 B du code ». La Cour de cassation relève le grief, mais elle retient une motivation assez différente à deux égards en énonçant que la cour d’appel aurait dû rechercher « comme elle y était invitée, si, à la date des donations-partages, la société CFI n’exerçait pas l’activité commerciale de loueur d’établissement commerciaux ou industriels munis d’équipements nécessaires à leur exploitation, susceptible de rendre la transmission des parts de cette société éligible au régime de faveur de l’article 787 B du même code ». D’une part, la Haute Juridiction se garde bien de proclamer que l’activité de location équipée constitue une activité commerciale « à part entière ». D’autre part, elle n’énonce pas que l’exercice par la société de cette activité la rend éligible au régime de faveur de l’article 787 B du code. Elle admet seulement qu’elle « est susceptible de rendre la transmission des parts de cette société éligible au régime de faveur de l’article 787 B », ce qui est bien différent. On peut voir dans cet écart un simple rappel des conditions que doit par ailleurs remplir la transmission pour pouvoir effectivement bénéficier du régime de faveur (souscription des engagements de conservation, exercice d’une fonction de direction, etc.). On peut aussi y déceler une approche contrastée : la Cour de cassation inclut l’activité de location d’établissements industriels et commerciaux munis d’équipements nécessaires à leur exploitation dans le giron des activités susceptibles de rendre la transmission éligible à l’exonération Dutreil. Elle n’énonce pas comme l’y invitait le pourvoi qu’une société ayant une telle activité serait ipso facto éligible au régime de faveur. Cette réserve nous apparaît pleinement justifiée. Une société exerçant une telle activité dont la coloration patrimoniale peut être marquée ne constitue pas nécessairement une entreprise ayant vocation à bénéficier du régime de faveur. Si comme nous le pensons cette lecture devait être retenue, la décision du 1er juin 2023 retiendrait une délimitation pertinente des activités entrant dans le périmètre de l’exonération Dutreil. Juridiquement mieux fondée et plus simple que celle résultant de l’actuelle doctrine administrative, elle respecterait la finalité propre de ce régime de faveur en évitant l’écueil résultant de la divergence des objectifs poursuivis par les textes que par la Haute Juridiction combine pour dessiner les contours du régime de faveur. L’essentiel à retenir • La Cour de cassation désavoue une nouvelle fois la doctrine administrative fixant le périmètre du régime d’exonération Dutreil. • L’invalidation concerne à la fois le champ d’application effectif du régime de faveur et la méthode devant être suivie pour définir les activités « commerciales » susceptibles de rendre une transmission de titres sociaux éligible au régime de faveur. • Une lecture attentive de l’arrêt est indispensable pour fixer sa portée. Elle dévoile que la Haute Juridiction a certainement intégré dès à présent les critiques pouvant être adressées au critère audacieux qu’elle retient pour définir le champ d’application du régime de faveur. D

RkJQdWJsaXNoZXIy MTQxNjY=