Page 65 LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 36 - 8 SEPTEMBRE 2023 - © LEXISNEXIS SA JURISPRUDENCE COMMENTÉE FISCAL 1161 vise directement les articles 35 et 787 B du CGI. D’autre part, parce que les commentaires administratifs alors en vigueur, issus de l’instruction du 18 juillet 2001 (BOI 7 G-06-01, 18 juill. 2001) n’énonçaient pas une telle assimilation. La solution dégagée par la Haute Juridiction est bâtie sur le syllogisme suivant : Selon l’article 787 B du CGI, les parts ou actions d’une société ayant une activité commerciale peuvent bénéficier de l’exonération si les conditions requises par ce texte sont réunies. Selon l’article 35 I 5° du CGI, l’activité de loueur d’établissements commerciaux ou industriels munis d’équipements nécessaires à leur exploitation constitue une activité commerciale. Donc les transmissions de parts ou actions de sociétés exerçant une telle activité sont susceptibles de bénéficier du régime de faveur. – En deuxième lieu, parce qu’elle appréhende cette délimitation comme une faveur consentie au contribuable, la doctrine administrative se croit apte à restreindre le périmètre des activités commerciales par détermination de la loi susceptibles de bénéficier de l’exonération en excluant celles de gestion par une société de son propre patrimoine immobilier. Cette exclusion concerne notamment l’activité de loueur d’établissements commerciaux ou industriels munis du mobilier ou matériel nécessaires à leur exploitation (BOIENR-DMTG-10-20-40-10, 21 déc. 2021, § 15). Dans son arrêt du 1er juin 2023, la Cour de cassation réfute clairement cette exclusion. – En troisième et dernier lieu, la Cour de cassation définit le champ d’application de l’exonération Dutreil directement par référence aux règles régissant l’impôt sur le revenu, sans faire aucunement référence à celles afférentes à l’IFI. À cet égard également, la contrariété avec le BOFIP-Impôts est patente. Ce dernier se réfère, comme nous l’avons rappelé (V. supra 1.), à cet impôt, aux termes d’un renvoi qui, en réalité, n’est que partiel et orienté. Cette discordance n’est pas neutre. Spécialement au titre des activités immobilières, les règles régissant les BIC peuvent conduire à une définition des activités commerciales plus vaste que celles afférentes à l’IFI (l’activité de location en meublé est considérée comme commerciale au titre de l’exonération d’IFI relative aux biens professionnels uniquement lorsqu’elle remplit les critères de la location meublée professionnelle [CGI, art. 975 V]. Pour l’impôt sur le revenu, l’article 35 5° bis range cette activité parmi celles relevant des BIC [professionnels ou non professionnels]). REMARQUE ➜ En l’état, l’écart existant entre les activités éligibles définies par la doctrine administrative et par la jurisprudence paraît significatif. Il concerne principalement les activités de gestion par une société de son patrimoine immobilier et notamment l’activité de location en meublé. Le périmètre des entreprises concernées par cette discordance est également étendu. Par identité de motifs, l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 1er juin 2023 est transposable au dispositif d’exonération régissant les entreprises individuelles (CGI, art. 787 C). À cet égard, la rédaction retenue est identique tout comme la doctrine administrative qui renvoie à ses commentaires afférents aux transmissions de parts sociales ou d’actions (BOI-ENRDMTG-10-20-40-40, 6 avr. 2021, § 15). L’invalidation de la doctrine administrative est patente et justifiée. Le critère retenu par la Cour de cassation pour définir les activités commerciales susceptibles de rendre la transmission éligible au régime de faveur mérite d’être examiné à son tour. Il ne semble pas à l’abri de tout reproche. Toutefois, à bien y regarder, la Cour de cassation semble avoir retenu une approche contrastée dans sa mise en œuvre qui est de nature à répondre aux griefs pouvant légitimement lui être adressés. 3. Une approche contrastée Que faut-il penser fondamentalement du mode de détermination des activités commerciales susceptibles de bénéficier de l’exonération Dutreil retenu par la Cour de cassation ? La doctrine administrative régissant cette question était inutilement complexe et dépourvue de tout fondement légal. La méthode consacrée par la Haute Juridiction paraît, à cet égard, plus pertinente et convaincante. Elle n’est pas pour autant à l’abri de toutes critiques. Juridiquement, la délimitation des activités commerciales éligibles à l’exonération Dutreil par référence à l’article 35 du CGI retenue par la Cour de cassation ne s’impose pas d’évidence. Ce texte définit les activités relevant de la cédule des bénéfices industriels et commerciaux. Il précise lui-même que les activités réputées industrielles et commerciales le sont « pour l’application de l’impôt sur le revenu » (CGI, art. 35 I in limine). La Cour de cassation confère ici à ce texte une portée bien plus étendue. Ce faisant, elle comble une nouvelle fois les carences du législateur qui s’est abstenu de préciser les modalités d’appréciation des activités commerciales éligibles. Elle le fait en retenant une nouvelle fois le champ d’application vaste du régime de faveur, à l’instar de sa jurisprudence admettant l’application de l’exonération partielle aux sociétés exerçant à titre principal une activité éligible aux holdings animatrices de leurs groupes de sociétés. Si la démarche se comprend et s’inscrit dans l’office assigné à la Haute Juridiction, la pertinence du critère retenu n’est pas acquise ; il n’est pas certain que la greffe prenne. Du moins le principe consacré nécessite-t-il d’être nuancé et sa portée précisément circonscrite. À bien y regarder, la Cour de cassation semble bien avoir, d’ores et déjà, posé des jalons dans ce sens. Au fond, les deux textes que la Cour de cassation combine sont irrigués par deux logiques assez profondément dissemblables, ce qui pourrait justifier de délimiter différemment leur champ d’application. L’article 35 du CGI a pour fonction de fixer les règles permettant de déterminer le résultat imposable à l’impôt sur le revenu provenant d’une activité exercée par le contribuable ; de le rattacher à l’une des huit cédules existantes. Ce texte est par essence fondé sur une logique d’assimilation justifiant une approche extensive. Il s’agit d’éviter que des activités qui peuvent être au plan juridique de nature distinctes, mais qui sont « comparables » (P. Serlooten et O. Debat, Droit fiscal des affaires 2022-2023, D. n° 128) soient soumises à un régime fiscal hétérogène. Il a été fort bien démontré que l’assimilation qu’opère ce texte et la notion large des activités commerciales qu’il consacre s’expliquent parfois par des raisons purement historiques (V. s’agissant du rattachement de la location meublée aux BIC, M. Cozian, F. Deboissy et M. Chadefaux, Précis de fiscalité des entreprises, 20202021, n° 143) qui ne préjugent en rien que les revenus imposés dans cette catégorie procèdent véritablement de l’exploitation d’une entreprise stricto sensu. Le rattachement à cette catégorie n’est d’ailleurs pas nécessairement bénéfique. Dans la logique propre au droit fiscal, il peut également faire figure de sanction (V. s’agissant de la soumission de plein droit à l’impôt sur les sociétés des sociétés civiles exerçant une activité relevant au plan fiscal des BIC, CGI, art. 206-2. – M. Cozian, F. Deboissy et M. Chadefaux, préc., n° 913). Plusieurs justifications expliquent la commercialité extensive
RkJQdWJsaXNoZXIy MTQxNjY=