Page 64 © LEXISNEXIS SA - LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 36 - 8 SEPTEMBRE 2023 1161 se prévalaient ni d’une activité commerciale indépendamment de celle de marchand de biens ni d’une autre activité mixte susceptible d’autoriser l’exonération partielle. Cette démarche est désavouée par la Haute Juridiction. Elle est en l’espèce insuffisante pour conférer à l’arrêt une base légale. Dès lors qu’elle y était invitée, la cour d’appel aurait dû rechercher si à la date de la donation-partage l’une des sociétés (CFI) n’exerçait pas l’activité commerciale de loueur d’établissements commerciaux ou industriels munis d’équipements nécessaires à leur exploitation, susceptible de rendre la transmission des parts de cette société éligible au régime de faveur. Un premier enseignement, acquis, peut être retiré de cet arrêt, afférent à la détermination du champ d’application de l’exonération Dutreil au regard de l’activité exercée par la société. Il concerne les conditions de remise en cause de l’exonération ayant été appliquée lors de la transmission et les vérifications que doit opérer à ce titre le juge de l’impôt et, conséquemment en amont, l’administration fiscale. REMARQUE ➜ Le rejet de l’activité putative exercée par la société n’induit pas nécessairement une impossibilité pour les bénéficiaires de la transmission de profiter du régime de faveur. Si les parties développent cet argumentaire, le juge de l’impôt doit s’assurer que l’éligibilité de la transmission ne résulte pas de l’exercice d’une autre activité rentrant dans le périmètre de l’exonération. Selon nous, cette dernière activité peut être exclusive ou principale. Il pourrait même s’agir d’une activité secondaire rendant prépondérant l’ensemble des activités éligibles exercées par l’entreprise (l’administration fiscale l’admet dans sa doctrine : « si une société exerce plusieurs activités ayant le caractère d’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, il est tenu compte de l’ensemble de ces activités pour l’appréciation de leur caractère prépondérant » : BOI-ENRDMTG-10-20-40-10, 21 déc. 2021, § 20). De ce point de vue l’arrêt ne peut qu’être approuvé. L’éligibilité de l’exonération est conditionnée à l’exercice par la société à titre principal d’une activité éligible qui peut être plurale et est susceptible de varier durant la période requise. La nature précise de cette activité est indifférente, pourvu qu’elle reste dans le périmètre approprié. Bien qu’énoncé à l’égard du régime d’exonération applicable aux sociétés, ce principe nous paraît transposable mutatis mutandis à celui régissant les transmissions d’entreprises individuelles (CGI, art. 787 C). REMARQUE ➜ En pratique, il devrait conduire l’administration fiscale à procéder systématiquement à cette vérification subsidiaire, lors de son contrôle sur pièces ou de l’analyse des observations formulées par le contribuable à la suite de la notification de la proposition de rectification, afin d’éviter de vains contentieux. Au cas présent, l’analyse de l’arrêt d’appel révèle que les indications résultant des actes de donation-partage afférentes à l’identification des activités exercées par les sociétés étaient assez vagues et confuses. Il apparaît que les actes contenaient à titre liminaire les indications suivantes : « les donateurs et donataires déclarent vouloir bénéficier du régime de faveur institué par l’article 787 B du Code général des impôts autorisant une exonération de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de la valeur transmise, en matière de transmission de parts sociales de sociétés ayant une activité commerciale. » Ils mentionnaient également que les sociétés exerçaient « une activité commerciale de marchand de biens et de gestion locative ». C’est en l’espèce à cette dernière indication que se rattachait l’argumentation développée par les donataires, inhérente à l’exercice d’une activité de location des biens équipés. Plus fondamentalement, d’autres enseignements opérationnels et méthodologiques nous semblent pouvoir être retirés de cet arrêt, impliquant un double désaveu de la doctrine administrative. • D’une part, la Cour de cassation reconnaît nettement que l’activité commerciale offrant à la transmission la possibilité de bénéficier de l’exonération partielle peut consister en la location d’établissements commerciaux ou industriels munis d’équipements nécessaires à leur exploitation. Une telle activité visée à l’article 35 I 5° du CGI figure parmi celles susceptibles de permettre aux donataires ou héritiers de bénéficier du régime de faveur, peu important que la location comprenne ou non tout ou partie des éléments incorporels d’un fonds de commerce ou d’industrie. Elle est, selon la Haute Juridiction, « susceptible de rendre la transmission des parts de cette société éligible au régime de faveur de l’article 787 B du Code général des impôts ». À cet égard, l’arrêt rendu par la Cour de cassation contredit directement l’actuelle doctrine administrative. Cette dernière énonce que : « sont en revanche exclues : (…) les activités de loueur d’établissements commerciaux ou industriels munis du mobilier ou du matériel nécessaires à leur exploitation » (BOI-ENRDMTG-10-20-40-10, 21 déc. 2021, § 15). Selon l’administration fiscale, cette activité comme toutes celles de gestion par la société de son propre patrimoine immobilier n’est pas éligible. • D’autre part, pour déclarer l’activité de loueur d’établissements commerciaux ou industriels loués équipés comme étant une activité commerciale susceptible de rendre la transmission éligible à l’exonération Dutreil, la Cour régulatrice se réfère à l’article 35 du CGI. Ce texte fixe, en matière d’impôt sur le revenu, les contours des activités relevant des bénéfices industriels et commerciaux. À cet égard également, la démarche retenue par la Cour de cassation diffère profondément de celle suivie par l’administration fiscale dans sa doctrine. Cette divergence fait figure de récidive. Elle est similaire à celle déjà constatée au titre de ce même régime de faveur en ce qui concerne les holdings animatrices et les sociétés exerçant une activité mixte. Elle s’exprime a minima à trois niveaux. – En premier lieu, l’administration fiscale voit dans l’application de l’exonération Dutreil à une société exerçant une activité qui n’est pas juridiquement commerciale, mais qui est appréhendée comme telle au plan fiscal par détermination de la loi une mesure de tempérament qu’elle octroie : « il est admis de (…) » (BOI-ENRDMTG-10-20-40-10, 21 déc. 2021, § 15). De son côté, la Cour de cassation ne se réfère aucunement à la doctrine administrative pour consacrer cette éligibilité. Pour elle, cette délimitation résulte directement des dispositions légales applicables. Elle se fonde sur la combinaison des articles 35 et 787 B du CGI. Il est incontestable qu’en l’espèce l’éligibilité de l’activité de location d’établissements industriels ou commerciaux équipés énoncée par la Cour de cassation ne peut s’appuyer sur un quelconque tempérament résultant de la doctrine administrative. D’une part, parce que l’arrêt ne se réfère nullement à cette doctrine. Elle
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