Page 63 LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 36 - 8 SEPTEMBRE 2023 - © LEXISNEXIS SA JURISPRUDENCE COMMENTÉE FISCAL 1161 REMARQUE ➜ Comme souvent, les règles fiscales présentent un degré supplémentaire de complexité. Au titre d’un même impôt, une même activité peut être ou non considérée comme commerciale, suivant le type d’exemption revendiquée par le contribuable (V. spéc. s’agissant respectivement des régimes d’exclusion ou d’exonération d’IFI au titre des biens professionnels : CGI, art. 965, 966 et 975. – F. Fruleux et J.-F. Desbuquois, IFI et immobilier sociétaire : quel régime d’exclusion ou d’exonération ? : Dr. fisc. 2018, 338). S’agissant de l’exonération Dutreil, on pouvait déceler parmi les nombreux changements de doctrine contestables opérés par l’administration fiscale à l’occasion de l’actualisation de ses commentaires opérée en 2021, un changement de méthode concernant précisément la définition des activités commerciales éligibles à l’exonération Dutreil qui induisait un reflux significatif du champ d’application du régime de faveur (F. Fruleux, Exonération Dutreil : mise à jour du BOFIP ou dénaturation du régime (1re partie) : JCP N 2021, n° 21, 1200 ; 2e partie : JCP N 2021, n° 22, 1205). Cet infléchissement était d’autant plus étonnant et contestable que comme de nombreux autres, il concernait une question n’ayant nullement été affectée par la réforme réalisée par la loi de finances pour 2019 que l’Administration prétendait intégrer dans ses nouveaux commentaires (V. pour une excellente synthèse de l’évolution de la doctrine administrative consacrée à cette question, J.-F. Desbuquois, Champ d’application du pacte Dutreil : la Cour de cassation contredit les commentaires administratifs : RFP 2023, comm. 8). La nouvelle délimitation du champ d’application de l’exonération résultant de cette doctrine complexe s’avérait inopportune. Elle engendrait un hiatus problématique (V. en ce sens, F. Fruleux, art. préc. : JCP N 2021, n° 21, 1200, n° 29). À suivre l’administration fiscale, déterminer les activités commerciales éligibles à l’exonération partielle nécessite de suivre un cheminement byzantin fondé sur un double renvoi partiel (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10, 21 déc. 2021, § 15) dont on peine à percevoir le fondement juridique. Selon l’Administration, pour apprécier la nature de l’activité, « il est admis de se reporter aux indications données dans la documentation afférente à la détermination de l’assiette de l’impôt sur la fortune immobilière (BOIPAT-IFI-20-20-20-30) ». Ces commentaires administratifs afférents à l’IFI auxquels l’administration fiscale renvoie se réfèrent eux-mêmes aux règles concernant l’impôt sur le revenu régissant les bénéfices industriels et commerciaux. Ce nouveau renvoi conduit donc à retenir la définition large des activités industrielles et commerciales fournie par les articles 34 et 35 pour déterminer les revenus imposables dans la cédule des bénéfices industriels et commerciaux. Le BOFIP confirme explicitement ce point lorsqu’il précise que : « pour l’application de l’article 787 B du CGI, sont considérées comme activités commerciales les activités mentionnées à l’article 34 du CGI et à l’article 35 du CGI. » Pour autant, il en limite immédiatement la portée en précisant qu’il joue « à l’exclusion des activités de gestion par une société de son propre patrimoine immobilier ». Cette dernière exclusion conduit notamment selon l’Administration à exclure du bénéfice de l’exonération partielle « les activités de loueurs d’établissements commerciaux ou industriels munis du mobilier ou du matériel nécessaire à leur exploitation », ainsi que celle de location en meublé. Les versions antérieures du BOFIP-Impôts n’énonçaient pas une telle restriction. Outre qu’on n’en perçoit pas le fondement juridique, ce prétendu report « aux indications données dans la documentation afférente à la détermination de l’assiette de l’impôt sur la fortune immobilière » est spécieux au point de s’avérer inexact. D’autres commentaires administratifs concernant cet impôt et afférents à l’exonération instaurée par l’article 975 du CGI incluent les activités de loueurs d’établissements commerciaux ou industriels munis d’équipements nécessaires à leur exploitation et celle de location en meublé à usage d’habitation (remplissant les conditions de la LMP professionnelle) dans le périmètre des activités commerciales pouvant bénéficier d’une exonération totale au titre des biens professionnels. L’administration fiscale l’admet explicitement dans plusieurs sections distinctes du BOFIPImpôts (BOI-PAT-IFI-20-20-30-20, 30 mars 2022, § 90. – BOI-PAT-IFI-30-10-10, 2 mai 2019, § 70) : « est également qualifiée d’activité commerciale la location d’établissements commerciaux ou industriels munis du mobilier ou du matériel nécessaire à leur exploitation. » Autrement dit, alors que les textes régissant l’exonération Dutreil n’ont pas été modifiés sur ce point, dans ses nouveaux commentaires actualisés en 2021, l’administration fiscale ne se réfère plus (contrairement à sa doctrine antérieure qui revoyait aux dispositions régissant feu l’ISF) aux activités permettant de bénéficier d’une exonération au titre des biens « professionnels » (CGI, art. 975), mais à celles, plus restreintes, ouvrant droit à l’exemption prévue par l’article 965 du CGI (V. sur la distinction de ces deux dispositifs, F. Fruleux et J.-F. Desbuquois, IFI et immobilier sociétaire : quel régime d’exclusion ou d’exonération ? : Dr. fisc. 2018, 338). Dans son arrêt du 1er juin 2023, la Cour de cassation ne suit pas l’administration fiscale sur ce terrain. Elle invalide à un double titre cette doctrine administrative. 2. Une double invalidation Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt sous examen, en 2008 puis en 2010, des parents avaient transmis par donation-partage à leurs quatre enfants la pleine propriété de parts de trois SARL distinctes sous le bénéfice de l’exonération Dutreil. L’administration fiscale avait remis en cause le bénéfice de l’exonération partielle au motif que les sociétés n’exerçaient pas l’activité éligible de marchand de biens dont les parties s’étaient prévalues lors de la transmission. Dans un arrêt rendu au double visa de l’article 35 I 5° et 787 B du CGI, la Cour de cassation censure la décision confirmative rendue par la cour d’appel de Paris (CA Paris, 21 févr. 2022, n° 20/08155). La Haute Juridiction énonce que selon l’article 787 B du CGI les parts ou actions d’une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale peuvent bénéficier d’une exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit lorsque certaines conditions sont réunies. Elle précise qu’il résulte de l’article 35 I 5° du CGI que constitue une activité commerciale l’activité de loueurs d’établissements commerciaux ou industriels munis d’équipements nécessaires à leur exploitation, que la location comprenne ou non, tout ou partie des éléments incorporels du fonds de commerce ou d’industrie. Pour valider la proposition de rectification, la cour d’appel avait constaté qu’elle écartait la qualification d’activité de marchand de biens des sociétés. L’arrêt ajoutait que les donataires ne
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