JURISPRUDENCE COMMENTÉE FISCAL Page 62 © LEXISNEXIS SA - LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 36 - 8 SEPTEMBRE 2023 1161 EXONÉRATION DUTREIL 1161 Exonération Dutreil: comment définir les activités « commerciales » pour l’application du régime de faveur? Solution. – Un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 1er juin 2023 désavoue une nouvelle fois la doctrine administrative fixant le périmètre du régime d’exonération Dutreil. L’invalidation est double. Elle concerne à la fois le champ d’application effectif du régime de faveur et la méthode devant être suivie pour définir les activités « commerciales » susceptibles de rendre une transmission de titres sociaux éligible au régime de faveur. Impact. – Le critère retenu par la Haute Juridiction n’est pas lui-même à l’abri de la critique. Une lecture attentive de l’arrêt dévoile cependant que la Cour de cassation pourrait bien avoir dès à présent posé les jalons permettant de répondre aux principaux griefs pouvant lui être adressés. Cass. com., 1er juin 2023, n° 22-15.152 : JurisData n° 2023-008980 La jurisprudence fiscale esquisse un champ d’application de l’exonération Dutreil plus généreux que celui énoncé par la doctrine administrative. Les écarts opposant l’une à l’autre sont nombreux et parfois persistants. Ils valent à l’administration fiscale de voir ses commentaires régulièrement invalidés par les juridictions suprêmes de l’ordre judiciaire et administratif. Ainsi, le Conseil d’État a-t-il annulé les critères retenus par l’Administration pour apprécier l’activité principale exercée par la société qui méconnaissaient le sens et la portée de l’article 787 B du CGI (CE, 23 janv. 2020, n° 435562 : JurisData n° 2020-000738). Pour sa part, la Cour de cassation a consacré l’éligibilité de plein droit au régime d’exonération des holdings ayant pour activité principale l’animation de leurs groupes de sociétés exerçant une activité opérationnelle (Cass. com., 14 oct. 2020, n° 18-17.955 : JurisData n° 2020016236), là où l’administration fiscale continue à y voir une simple mesure de tempérament octroyée par la doctrine administrative (BOIENR-DMTG-10-20-40-10, 21 déc. 2021, § 55). S’agissant des entreprises individuelles, l’analyse de l’administration fiscale subordonnant le régime de faveur à une exploitation personnelle de l’entreprise par le défunt a été invalidée comme ajoutant au texte une condition qu’il ne prévoit pas (Cass. com., 10 sept. 2013, n° 12-21.140 : JurisData n° 2013-019054. – JCl. Enregistrement Traité, V° Successions, fasc. 68, par F. Fruleux, n° 34). Un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 1er juin 2023 (Cass. com., 1er juin 2023, n° 22-15.152 : JurisData n° 2023-008980) met au jour une nouvelle divergence importante concernant la détermination des activités « commerciales » susceptibles de rendre une transmission de parts sociales ou d’actions éligible à l’exonération Dutreil (CGI, art. 787 B). L’invalidation prononcée à un double titre, opérationnel et méthodologique, par la Cour de cassation apparaît pleinement justifiée (2). Elle concerne en effet une doctrine administrative contestable et inutilement complexe ayant été infléchie par l’Administration sans raison objective lors de la dernière refonte de ses commentaires opérée en 2021 (1). La méthode retenue par la Haute Juridiction pour définir les activités industrielles et commerciales éligibles au régime de faveur ne s’impose pas d’évidence. Audacieuse, elle n’est pas elle-même à l’abri de toute critique. Une analyse attentive de l’arrêt révèle toutefois que la Cour de cassation pourrait bien avoir d’ores et déjà intégré ces griefs, en procédant à une application contrastée du critère qu’elle retient pour fixer les contours du régime de faveur (3). 1. Une doctrine administrative contestable Si elle n’est pas inédite, la question de la détermination précise des activités présentant sur le plan fiscal une nature commerciale est complexe. Cette complexité ne se limite pas au seul régime d’exonération Dutreil. Elle concerne également d’autres impôts tels que l’impôt sur le revenu (IR), l’impôt sur les sociétés (IS), la TVA ou encore l’IFI. Elle trouve principalement sa source dans la dangereuse polysémie que présente le terme d’activité « commerciale » dans cette branche du Droit. Ainsi, les textes qui régissent les « bénéfices industriels et commerciaux » en matière d’impôt sur le revenu (CGI, art. 34, 35 et 35 A) livrent-ils une définition plus vaste que celle, juridique, fournie par le Code de commerce (C. com., art. L. 110-1. – V. D. Legeais, Droit commercial et des affaires : Dalloz, 2023, n° 41 et s.). Cette définition englobe par détermination de la loi (CGI, art. 35) des activités qui n’ont pas cette nature au regard des règles du droit privé, mais sont fiscalement assimilées à des activités commerciales. C’est le cas par exemple de l’activité de promotion immobilière qui est sur le plan juridique expressément exclue des activités commerciales (C. com., art. L. 110-1-2°) mais qui sur le plan fiscal relève des bénéfices industriels et commerciaux (CGI, art. 35 I 3°). FRANÇOIS FRULEUX, docteur en Droit, diplômé supérieur du notariat, maître de conférences associé à l’université Paris-Dauphine, consultant auprès du Cridon Nord-Est
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