CHRONIQUE RURAL 1160 Page 59 LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 36 - 8 SEPTEMBRE 2023 - © LEXISNEXIS SA Lebon T.) n’apporte fondamentalement rien de nouveau mais parfois, selon les préceptes du diable boiteux, « si cela va sans le dire, cela ira mieux en le disant ». D’une part, le décret conférant un droit de préemption à une SAFER sur zone couvrant plusieurs départements sans autre précision n’est pas entaché d’illégalité. D’autre part, ce même décret n’a pas l’obligation de déterminer une surface minimale des terrains concernés par l’exercice de ce même droit de préemption. 43 - Les faits de l’espèce. – L’origine du contentieux est à signaler puisque l’opération litigieuse concernait la cession de la totalité des parts sociales d’une SCEA, opération pour laquelle la SAFER bénéficie d’un droit de préemption depuis la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 (C. rur., art. L. 143-1, antépénultième al.). Cette cession n’ayant pas fait l’objet d’une déclaration d’intention d’aliéner, sans que l’on sache si l’omission provenait, en l’espèce, d’un notaire ou d’un autre professionnel du droit ou du chiffre, la SAFER Nouvelle-Aquitaine a assigné les parties ainsi que la SCEA devant le tribunal judiciaire de Niort afin d’obtenir l’annulation de la vente et l’indemnisation du préjudice subi. Ce dernier a sursis à statuer jusqu’à ce que le Conseil d’État se prononce sur la question préjudicielle suivante : l’article 1er du décret du 24 juin 2019 qui institue le droit de préemption au profit de la SAFER Nouvelle-Aquitaine est-il conforme à l’article L. 143-7 et au II de l’article R. 143-1 du Code rural et de la pêche maritime ainsi qu’à l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales en ce que, d’une part, il ne délimite pas de zones à l’intérieur du département au sein desquelles s’exercerait le droit de préemption et, d’autre part, il ne fixe pas de superficie minimale des terrains susceptibles d’être préemptés ? 44 - Dans sa décision du 2 juin 2010 (CE, 2 juin 2010, n° 332699, inédit), le Conseil d’État avait déjà jugé que le préfet de département, en proposant que le droit de préemption s’exerce sur la totalité du territoire départemental, ne méconnaît pas les dispositions de l’article L. 143-7 du Code rural. Autrement dit, si le préfet doit déterminer des zones, il peut aussi bien n’en déterminer qu’une seule et cette zone unique peut couvrir tout ou partie du territoire départemental. Sans doute que le rappel est utile dans la mesure où un doute avait pu germer, sur ce point, à la suite d’une décision plus récente du 19 septembre 2012 (CE,19 sept. 2012, n° 352902, SA de Mivoisin, inédite : JurisData n° 2012-020995). Dans cette affaire, le Conseil d’État avait affirmé que le préfet de département ne pouvait se borner à transmettre la demande de la SAFER au ministre chargé de l’Agriculture sans déterminer lui-même les « zones de son département » où se justifiait l’octroi d’un droit de préemption. La formulation aurait pu être interprétée comme suggérant que la zone concernée devait nécessairement être inférieure la superficie totale du département (adde : CE, 11 juin 2003, n° 251077, M. Pothier : JurisData n° 2003-065566 ; Lebon T., jugeant que le préfet ne peut légalement définir le nouveau périmètre de préemption par la simple mention « dans les mêmes conditions qu’actuellement ». – CE, 10 janv. 2007, n° 292214, Goblet, inédit : JurisData n° 2007-071371. – Et CE, 7 mai 2010, n° 329425, M. Imbert, inédit : JurisData n° 2010-005881). 45 - La clarification est donc bienvenue et il en est de même de l’absence de fixation de superficie minimale des terrains susceptibles d’être préemptés par le décret qui résulte du texte luimême qui n’envisage la fixation d’un tel seuil que comme une simple faculté (C. rur., art. R. 143-1, dernier al. : « Le cas échéant »). 46 - De fait, depuis la nouvelle régionalisation des SAFER par la loi du 13 octobre 2014, la plupart des décrets habilitants les SAFER n’envisagent plus de superficie minimale, notamment lorsque les terrains sont situés en zone N ou A des documents d’urbanisme (V. toutefois, le décret du 10 octobre 2016 concernant la SAFER Bourgogne-FrancheComté qui fixe, par principe, et sauf exceptions, à 25 ares, la superficie minimale, à laquelle le droit de préemption est susceptible de s’appliquer et ce, pour l’ensemble des départements). HUBERT BOSSE-PLATIÈRE B. - Opérations immobilières et mobilières amiables (...) C. - Droit de préemption 47 - La notification de la décision de préemption de la SAFER à l’acquéreur évincé. – « Mieux vaut trois heures trop tôt qu’une minute trop tard »… En l’espèce, le contentieux a pour origine une situation peu courante : la SAFER a exercé son droit de préemption après une adjudication judiciaire. 48 - Trois arguments pour obtenir la nullité de la préemption… – Pour obtenir la nullité de la préemption en justice, la société adjudicataire évincée invoquait trois arguments inédits et les réponses apportées par la Cour de cassation intéresseront les notaires. 49 - Le premier reprochait à la SAFER d’avoir adressé sa décision à l’adjudicataire évincé avant sa notification faite au greffe de la juridiction d’adjudication. – Selon l’article R. 143-6 du Code rural et de la pêche maritime, la décision de préemption est notifiée à l’acquéreur évincé, par LRAR, dans un délai de 15 jours à compter de la date de réception de la notification faite au notaire ou en cas de vente poursuivie devant le tribunal, de la date de réception du secrétaire-greffier en chef dudit tribunal. La date de la notification par voie postale est, ordinairement, à l’égard de celui qui y procède, celle de l’expédition (V. pour la SAFER, Cass. 3e civ., 15 juin 2005, n° 04-10.701 : JurisData n° 2005-028941 ; Bull. civ. III, n° 134). Et, il est de jurisprudence constante que, comme celle faite à l’acquéreur évincé à l’occasion d’une vente de gré à gré, la notification à l’adjudicataire évincé est prévue à peine de nullité de plein droit, sanction encourue lorsque cette formalité a été omise ou lorsqu’elle a été tardivement réalisée (Cass. 3e civ., 16 nov. 1994, n° 92-16.417 : Bull. civ. III, n° 195. – Cass. 3e civ., 15 juin 2005, n° 04-10.701 : JurisData n° 2005-028941 ; Bull. civ. III, n° 134. – Cass. 3e civ., 29 juin 2011, n° 10-30.272 : JurisData n° 2011012775 ; Bull. civ. III, n° 116. – Cass. 3e civ., 11 oct. 2018, n° 17-16.174 : JurisData n° 2018-018137. – Cass. 3e civ., 21 févr. 2019, n° 17-19.370 : JurisData n° 2019-002775. – Cass. 3e civ., 11 juill. 2019, n° 18-16.981). 50 - Mais faut-il appliquer la sanction de la nullité lorsque la décision de préemption n’a pas
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