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1160 CHRONIQUE RURAL Page 56 © LEXISNEXIS SA - LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 36 - 8 SEPTEMBRE 2023 résiliation du bail rural. Le mandataire liquidateur saisit alors le tribunal paritaire des baux ruraux compétent pour solliciter, à l’égard de l’adjudicataire (devenu propriétaire-bailleur des immeubles loués), une indemnité au titre des améliorations faites par la SCEA. L’adjudicataire conteste devoir cette indemnité devant les juges du fond. 19 - La décision de la cour d’appel. – La cour d’appel de Poitiers, statuant sur renvoi d’une première décision de la Cour de cassation, accueille la demande du liquidateur et à ce titre fait droit à la demande d’indemnisation au titre des améliorations faites par le preneur. L’adjudicataire se pourvoit donc naturellement en cassation. Son raisonnement est simple : l’absence de mention des améliorations faites par le fermier dans le cahier des charges rendait toute demande ultérieure de la part du preneur inopposable à l’adjudicataire. 20 - La décision de la Cour de cassation. – La Haute Cour ne suit cependant pas ce raisonnement, confirme la décision d’appel et rejette le pourvoi de l’adjudicataire, au motif que le « défaut de mention ne peut avoir pour effet de priver le preneur de son droit de demander à l’adjudicataire, bailleur à l’expiration du bail, le paiement d’une indemnité au titre de ces améliorations ». 21 - La décision mérite pleine et entière approbation. Le silence du cahier des charges ne saurait préjudicier au droit du preneur à indemnisation. Un tel silence engage en réalité la responsabilité de l’officier public ou ministériel chargé de l’adjudication, ni plus ni moins. Le preneur, qui a ici finalement le statut de créancier, ne saurait voir ses droits atteints ou même simplement paralysés (c’est-à-dire rendus inopposables) par le manquement d’un autre, à savoir l’officier public ou ministériel en charge de l’adjudication. 22 - Une dernière question se pose cependant dans ce cas. Quid, si le cahier des charges contient une déclaration du preneur, ou encore le rappel d’une déclaration de celui-ci devant l’officier public ou ministériel chargé de la vente, précisant qu’aucune amélioration n’existe ? Il semble raisonnable de dire que dans ce cas, le droit à indemnisation du preneur existerait encore lors de la « sortie de ferme », sauf dans cette hypothèse à assimiler une telle déclaration à renonciation de sa part, mais qui serait sans doute réputée ici équivoque. Seraitce dans un sens voisin une cause de déchéance de son droit à indemnisation ? Sans doute pas non plus car ce serait sinon ajouter à la loi en affirmant que pour bénéficier de son droit à indemnisation, le preneur doit avoir déclaré dans l’acte de vente du fonds loué l’existence d’améliorations faites par ses soins. Tout au plus le preneur pourrait-il peut-être devoir quelques dommages et intérêts à l’adjudicataire suivant le droit commun de la responsabilité civile (C. civ., art. 1240). BENJAMIN TRAVELY D. - Fin du contrat 1° Le régime de la résiliation du bail en cas de cessation d’activité d’un preneur 23 - Dissolution d’une société copreneuse à bail rural. – La dissolution d’une société copreneuse à bail rural équivaut à une cessation d’activité de l’un des copreneurs au sens de l’article L. 411-35, alinéa 3 du Code rural et emporte la résiliation du bail en cas de nonrespect de l’obligation d’information prévue par ce texte, sans que le bailleur n’ait à prouver de préjudice. Cette décision reprend la solution déjà retenue en matière de cessation d’activité de copreneurs personnes physiques (Cass. 3e civ., 4 mars 2021, n° 20-14.141 : JurisData n° 2021-002989) mais l’applique en présence d’un copreneur personne morale. 24 - Faits de l’espèce. – En l’espèce, un bail a été conclu au profit d’une personne physique et d’une personne morale, un GAEC. Une première demande de résiliation de bail pour certaines parcelles du bail a été intentée par le bailleur, sur le fondement du défaut d’entretien (C. rur., art. L. 411-35, I, 2°). Le tribunal paritaire des baux ruraux compétent a fait droit à sa demande. À la suite de cette décision, une dissolution anticipée du GAEC est intervenue. Le bailleur a donc, en appel, demandé la résiliation complète sur la totalité des parcelles du bail sur le fondement du défaut d’information (C. rur., art. L.411-35, II, 1°). La cour d’appel de Rennes, saisie du contentieux, a estimé que le défaut d’information concernant la dissolution du GAEC n’emportait aucun préjudice au profit du bailleur, et qu’à cet effet la résiliation n’était pas encourue. 25 - Décision de la Cour de cassation. – La Cour de cassation maintient sa jurisprudence : le défaut d’information en cas de cessation d’activité est un motif de résiliation de droit. Nul besoin d’apporter un préjudice. Le législateur a inséré en 2014 cette obligation à l’article L. 411-35 du Code rural, et l’article L. 411-31 du même code dispose que « toute contravention aux dispositions de l’article L. 411-35 » emporte la résiliation du bail sans condition. Le syllogisme appliqué par les magistrats du Quai de l’Horloge semble implacable. 26 - La résiliation du bail en cas de défaut d’information du copreneur… – Le débat sur la résiliation du bail en cas de défaut d’information du départ d’un copreneur bat son plein depuis 2021 (Cass. 3e civ., 4 mars 2021, n° 20-14.141 : JurisData n° 2021-002989 ; RD rur. 2021, comm. 167, S. Crevel). Le législateur a inséré en 2014 l’alinéa 3 de l’article L. 411-35 au Code rural : en cas de cessation d’activité d’un copreneur, celui qui continue à exploiter dispose d’un délai de 3 mois pour informer son propriétaire bailleur et demander la poursuite du bail à son nom. Le propriétaire ne peut alors s’y opposer qu’en saisissant le tribunal paritaire des baux ruraux. Ce texte avait, pourtant, pour objectif de protéger le copreneur restant, en lui offrant la possibilité de continuer l’exploitation avec un bail à son nom seul et ainsi éviter que le bailleur argue de cessation d’activité pour s’opposer à une éventuelle demande de cession du droit au bail à un membre de la famille. Les conséquences ont été bien différentes. 27 - … emporte la résiliation, sauf en cas de copreneur époux ou pacsé. – La Cour de cassation, saisie d’un litige portant sur ces dispositions a, en 2021 (Cass. 3e civ., 21 janv. 2021, n° 19-24.520 : JurisData n° 2021001235 ; RD rur. 2021, comm. 48, S. Crevel), énoncé qu’un manquement à ces dispositions emportait la résiliation du bail, sans que le bailleur n’ait à prouver un préjudice. Cette solution a été consolidée par plusieurs décisions (Cass. 3e civ., 4 mars 2021, n° 20-14.141 : JurisData n° 2021-002989. – Cass. 3e civ., 4 janv. 2023, n° 21-17.170). Le raisonnement est en revanche différent quand il s’agit de copreneur époux ou partenaires de Pacs. En se fondant sur l’article L. 411-46 du Code rural et de la pêche maritime, la Cour de cassation considère que le départ d’un copreneur époux n’em-

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