CHRONIQUE RURAL 1160 Page 55 LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 36 - 8 SEPTEMBRE 2023 - © LEXISNEXIS SA du bailleur ? Lequel des deux peut être la cible de la demande en répétition ? 10 - Pour la petite histoire. – Dans l’affaire, M. et Mme M. ont consenti en 2007 un bail à long terme sur plusieurs de leurs parcelles au profit deux exploitants qui les ont mises à disposition de leur propre société. Le même jour, les bailleurs ont vendu à ce groupement un corps de ferme, le cheptel, les stocks ainsi que le matériel incluant le coût des arrières-fumures. Douze ans plus tard, en 2019, les preneurs à bail agissent en répétition de la somme correspondant aux arrières-fumures, selon eux, injustement versée à l’époque. Ils appellent, en intervention forcée, la société détenue par les bailleurs au motif qu’elle aurait perçu le montant litigieux. Les juges, de première comme de seconde instance, déclarent les demandeurs irrecevables à agir. 11 - Extinction de l’action contre la société. – Dans un premier temps, la Cour de cassation confirme l’extinction de l’action (depuis le 20 juin 2013) à l’encontre de la société en sa qualité d’accipiens. Et de rappeler la règle que, sauf lorsqu’elle est exercée à l’encontre du bailleur, l’action en répétition fondée sur l’article L. 411-74 du Code rural obéit à la prescription de droit commun, soit 5 ans depuis la réforme de 2008. La subtilité, dans l’affaire, est que c’était la société des bailleurs, anciennement titulaire d’un bail sur les biens, qui avait facturé puis encaissé le prix des arrières-fumures. L’action en répétition dirigée contre elle en tant que preneur sortant s’avérait alors soumise à la prescription quinquennale. 12 - Répétition possible des sommes contre les bailleurs. – En revanche, c’est à tort que les juges du fond ont écarté l’action visant les bailleurs eux-mêmes. Au visa des articles L. 411-69 et L. 411-74 du Code rural, la Cour de cassation rappelle qu’en cas d’amélioration du fonds loué par le preneur, c’est au bailleur qu’incombe le paiement de l’indemnité à l’expiration du bail ; que toute somme non-justifiée perçue par le bailleur, le preneur sortant ou un intermédiaire à l’occasion d’un changement d’exploitant est sujette à répétition, et qu’à l’encontre du bailleur, l’action demeure recevable pendant toute la durée de la relation locative. En outre, selon l’ancien article 1376 du Code civil (dans sa version antérieure à la réforme issue de Ord. n° 2016-131, 10 févr. 2016), elle peut être engagée non seulement contre celui qui a reçu le paiement, mais aussi contre celui pour le compte duquel il a été reçu. L’affirmation, à défaut de ressortir du texte, sourdait déjà de la jurisprudence (Cass. 3e civ., 24 sept. 2003, n° 01-03.753 : JurisData n° 2003-020378. – Cass. 2e civ., 30 nov. 2017, n° 16-24.021 : JurisData n° 2017-024166). Là est le point précis qui convoque la censure. 13 - L’arrêt d’appel ne pouvait dire, en même temps, qu’aucun élément ne permet de déterminer que les bailleurs ont bénéficié, même indirectement, de la somme litigieuse et asséner que celle-ci a été payée par le preneur entrant en exécution de l’acte de vente conclu avec ces mêmes bailleurs, ce qui en faisait les seuls créanciers du prix. De toute évidence, il résultait des propres constatations des juges que le paiement avait été reçu par la société pour le compte des bailleurs. En sorte que l’action en répétition dirigée contre eux n’était pas morte. BENOÎT GRIMONPREZ 2° Vente sur adjudication et sort de la créance pour amélioration culturale 14 - Question de l’indemnisation des améliorations faites par le preneur à bail rural. – Les questions liées à l’indemnisation des améliorations faites par le preneur à bail rural sont récurrentes lors de la « sortie de ferme » tant au plan juridique qu’au plan judiciaire. Il ne s’agit pourtant pas du seul moment où ces dernières sont susceptibles de poser difficultés. 15 - Obligation d’information du notaire sur ces améliorations. – Un point de vigilance pour les notaires concerne, lors de la vente d’un fonds loué, l’indication de l’existence ou non d’améliorations faites par le preneur en place et susceptibles d’ouvrir droit à celui-ci à une indemnisation lors de la fin du bail et de ses renouvellements successifs. Cette obligation d’information est légale et se trouve organisée à l’article L. 411-69, alinéa 3 du Code rural et de la pêche maritime qui dispose « En cas de vente du bien loué, l’acquéreur doit être averti par l’officier public ou ministériel chargé de la vente du fait qu’il supportera, à la sortie du preneur, la charge de l’indemnité éventuellement due à celui-ci ». 16 - Ceci explique que les notaires, à l’occasion d’une vente d’immeubles ruraux loués, prennent toujours soin de questionner le vendeur (et souvent même le preneur en place) sur l’existence ou non de telles améliorations. Une clause figure à ce titre dès le stade de l’avantcontrat, puis dans l’acte réitératif opérant le transfert de propriété. On remarquera que cette obligation d’information pèse non pas sur le vendeur mais sur l’officier public ou ministériel, de telle sorte que ce dernier prendra soin en pratique de se préconstituer la preuve des diligences entreprises pour obtenir les éléments à révéler à l’acquéreur. 17 - Question de cette obligation d’information dans une vente par adjudication. – La question posée à la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans l’arrêt du 25 mai 2023 était liée à cette problématique d’information de l’acquéreur, mais sous un angle quelque peu différent, puisqu’elle ne concernait pas une vente amiable c’est-à-dire de gré à gré, mais une vente par adjudication. Or, s’agissant de ce type de cession l’alinéa 4 de l’article précité, vient préciser de manière très claire comment l’officier public ou ministériel chargé de la vente obtient l’information : « Si la vente a eu lieu par adjudication, le cahier des charges doit mentionner la nature, le coût et la date des améliorations apportées par le preneur dans les conditions prévues aux articles L. 411-71 et L. 411-73. Cette mention est établie par l’officier public ou ministériel chargé de la vente d’après les indications fournies par le bailleur et par le preneur ; en cas de désaccord entre les parties, elle fait état des éléments contestés. » Cette information est certes fournie par l’officier public ou ministériel mais à partir des indications (concordantes ou pas d’ailleurs) du bailleur et du preneur. 18 - Les faits de l’espèce. – Les faits de l’espèce relatifs à cette problématique étaient très ordinaires. Un couple, propriétaire d’immeubles agricoles, consent un bail à la société civile d’exploitation agricole dont ils étaient seuls associés. Ils font l’objet quelques années plus tard d’une saisie immobilière. Dans le cadre de cette procédure, les immeubles loués sont cédés par adjudication à un tiers. Le bail rural perdure encore quelques années, jusqu’au jour où la SCEA preneur est mise en liquidation judiciaire. Le juge-commissaire prononce la
RkJQdWJsaXNoZXIy MTQxNjY=