Page 38 © LEXISNEXIS SA - LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 36 - 8 SEPTEMBRE 2023 1157 ÉTUDE IMMOBILIER Or, un indivisaire ne peut pas se prévaloir de cette qualité avant le partage (C. civ., art. 2414, al. 2). L’efficacité finale de cette hypothèque dans les rapports entre créancier et débiteur est donc subordonnée au résultat du partage. Le Code civil admet aussi l’hypothèque grevant une quote-part indivise, mais le sort de cette hypothèque dépendra de l’attribution du bien lors du partage en raison du principe de l’effet déclaratif inhérent à cette opération. En pratique, dès lors qu’une hypothèque conventionnelle est demandée, le financement est impossible sans le consentement de l’ensemble des coïndivisaires à l’affectation hypothécaire de l’ensemble du bien, car c’est le seul cas où la loi a prévu que l’hypothèque reste valable quel que soit le résultat du partage. REMARQUE ➜ Il faut noter que le créancier hypothécaire, qui a en principe le droit de provoquer le partage en application de l’article 815-17 du Code civil, ne peut exercer cette faculté que si le partage peut être provoqué. Précisément, les conventions d’indivision paralysent, dans une certaine mesure, le droit de demander le partage, et affectent directement ce droit du créancier. 32 - Lorsque la garantie demandée par le prêteur est l’hypothèque légale spéciale du prêteur de deniers, il convient de raisonner différemment. La doctrine avait démontré que l’ancien privilège de prêteur de deniers grevait l’immeuble dans son entier même quand le prêteur avait financé l’achat d’une part indivise7. Cette « théorie de l’indivisibilité du privilège de prêteur de deniers » reposait sur le constat que l’indivision qui naît 7 Ph. Théry, Recours au privilège de prêteur de deniers en cas d’acquisition par deux personnes : Defrénois 1990, art. 34812, p. 844 et s. du chef des acquéreurs ne change pas la nature de l’opération juridique qui procède d’une unique vente portant sur la totalité du bien et non de deux ventes portant sur des quotes-parts indivises. Cette indivisibilité du contrat de vente impliquait que le privilège de prêteur de deniers portât sur la totalité du bien indivis alors même que l’un seul des indivisaires aurait recours à un financement bancaire. 33 - En pratique, il fallait stipuler dans l’acte authentique portant certification de l’origine des deniers et constatant leur destination que le privilège grevait indivisiblement la totalité de l’immeuble, et le service de publicité foncière, qui n’est pas juge de la validité du privilège, n’était pas en droit d’opposer un refus8. 34 - Cette analyse a été validée par un arrêt de la Cour de cassation9 aux termes duquel « même dans l’hypothèse où un prêt est souscrit par l’un seulement des acquéreurs d’un bien immobilier pour financer sa part, l’assiette du privilège de prêteur de deniers est constituée par la totalité de l’immeuble ». Cette solution nous semble transposable à l’actuelle hypothèque légale spéciale du prêteur de deniers10. REMARQUE ➜ Cela revient néanmoins à considérer que l’ensemble des indivisaires a donné son accord à la constitution de l’hypothèque, le créancier pouvant faire saisir l’immeuble avant le partage. Ce risque ne nous semble acceptable pour l’investisseur que s’il envisage le rachat des créances hypothécaires pour maîtriser la sortie de son coïndivisaire défaillant. ■ 8 Bull. assoc. mut. conservateurs 1995, art. 1665. 9 Cass. 1re civ., 9 janv. 2019, n° 17-27.411, publié au bulletin : JurisData n° 2019-000090 ; JCP N 2019, n° 3, act. 165, note E. SimonMichel ; JCP N 2019, n° 28, 1244, note J.-M. Delpérier. 10 En ce sens : S. Lamiaux, Guide de la publicité foncière, fasc. 1630 : Hypothèque légale spéciale du prêteur de deniers (ancien privilège), n° 17. L’essentiel à retenir • Au terme de cette étude, on constate que le recours aux outils du droit commun est possible, mais très vite contraint. On peut, en conséquence, souhaiter quelques clarifications et adaptations. • Il en serait ainsi, en particulier, de l’introduction d’une possibilité de constituer un usufruit de durée fixe et non viagère au profit d’une personne physique, de la correction de la règle fiscale de l’article 13, 5° du CGI, ou encore de la possibilité de conclure une convention d’indivision pour une durée qui excède 5 ans, sans pouvoir dépasser la durée du prêt. C’est à ce prix que pourront être intéressés à la question les investisseurs, porteurs de nue-propriété ou de quotes-parts indivises, et les banquiers, financeurs des ménages accédants, tant il est vrai que les uns comme les autres ont besoin de sécurité juridique pour apprécier leurs risques. RAPPORT 119e CONGRÈS DES NOTAIRES DE FRANCE - DEAUVILLE 2023 LE LOGEMENT LE DEVOIR DE FAIRE MIEUX LE DROIT POUR FAIRE AUTREMENT DÉVELOPPER L’OFFRE DE LOGEMENT FAVORISER L’ACCÈS AU LOGEMENT PÉRENNISER SON LOGEMENT VERSION NUMÉRIQUE rapport-congresdesnotaires.fr 119e Congrès des notaires de France Publication du rapport : Version numérique, juillet 2023 / Version papier, août 2023 Congrès : 27-29 septembre 2023
RkJQdWJsaXNoZXIy MTQxNjY=