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1157 ÉTUDE IMMOBILIER Page 32 © LEXISNEXIS SA - LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 36 - 8 SEPTEMBRE 2023 1 - Dans les zones dites « tendues », un grand nombre de ménages rencontre des difficultés croissantes pour acquérir un logement. Certains se tournent alors vers un partenaire, intéressé ou non, familial, amical, ou institutionnel, voire vers des startup, pour organiser une accession partielle ou progressive à la propriété d’un logement. Les procédés employés reposent, économiquement, sur un partage de la valeur du logement. Juridiquement, ce sont des dispositifs prévus de longue date par le Code civil qui sont sollicités à cette nouvelle fin. Il peut notamment s’agir d’un démembrement (1), ou d’une indivision organisée par convention1 (2). 1. Le démembrement pour accéder à un logement 2 - Acquérir successivement l’usufruit, puis la nue-propriété d’un logement peut permettre, à terme, d’en devenir le seul propriétaire. Le démembrement est ici conçu comme une sorte de tremplin pour favoriser l’accès à la propriété. L’accédant achète tout d’abord l’usufruit (ou un droit d’usage et d’habitation)2 pour une durée fixe (on parle d’« usufruit temporaire »), la nue-propriété restant appartenir à un tiers investisseur. Il n’a donc à financer que l’usufruit du logement, qui lui permet d’en avoir l’usage : il accède donc au logement à un prix décoté, mais pour un temps limité, l’usufruit ayant vocation à s’éteindre au terme convenu. Cependant, dès l’origine, cet accédant usufruitier a été investi d’une option d’achat de la nuepropriété qui peut lui permettre, dans un second temps, de consolider sur sa tête la pleine propriété, moyennant un prix déterminé ou déterminable dès l’origine. La formule doit cependant être bien étudiée, en particulier sur trois points : la durée de l’usufruit (A), son régime (B), et sa fiscalité (C). A. - La durée de l’usufruit 1° La durée viagère de l’usufruit, un obstacle financier 3 - Même lorsqu’il a été constitué pour une durée fixe, l’usufruit constitué sur la tête d’une personne physique demeure un droit viager. Il conviendra donc d’attirer soigneusement l’attention de l’accédant sur le fait qu’il acquiert un droit temporaire qui, nonobstant la fixation d’une durée, prendra fin quoiqu’il arrive au jour de son décès, sans possibilité de transmission aux héritiers, ni restitution du prix mis à sa charge, ce qui affecte le dispositif étudié d’une difficulté financière évidente, notamment quand le décès de l’usufruitier survient prématurément. 1 Les techniques sociétaires feront l’objet d’une autre publication. 2 D’une manière générale, tous nos propos relatifs à l’usufruit s’appliquent également au droit d’usage et d’habitation, sauf lorsqu’il sera spécifiquement question de ce dernier droit consistant en un usus sans fructus. 2° Les solutions de pérennisation de l’usufruit a) Les solutions du droit positif 4 - Deux solutions ont été proposées pour pérenniser un tel montage : • la constitution d’usufruits successifs, nécessitant de faire acquérir simultanément un ou plusieurs usufruits successifs sur la tête de tiers tels que le conjoint de l’accédant, ses enfants ou des proches. Cela suppose cependant l’identification immédiate de tous les acquéreurs ; • la constitution d’une société, qui acquiert l’usufruit. L’accédant est alors titulaire de parts sociales librement cessibles et transmissibles. Mais, outre une complexité accrue, cette solution se heurte à deux autres limites : d’une part, la limite temporelle des 30 ans, fixée à l’article 619 du Code civil ; d’autre part, la restriction au seul usufruit, le droit d’usage et d’habitation ne pouvant avoir pour titulaire qu’une personne physique, seule apte à utiliser et habiter le bien qui en fait l’objet. b) Les suggestions du droit prospectif 5 - La constitution d’un droit réel de jouissance spéciale, fondée sur le fameux arrêt dit Maison de Poésie II3, pourrait-elle permettre de déroger, par une clause claire, aux principes posés par les articles 619 (usufruit) et 625 (droit d’usage et d’habitation) du Code civil ? Il faudrait, a minima, que le droit constitué octroie des utilités proches de celles de l’usufruit, et qu’il soit limité dans le temps. Mais la doctrine demeure partagée sur le point de savoir si, même enfermé dans ces limites, un tel droit pourrait être stipulé au profit d’une personne physique, pour une durée fixe et non viagère. Seuls certains auteurs4 ouvrent la porte à la validation de telles conventions. En l’absence de toute jurisprudence, ce procédé comporte donc des incertitudes dont la pratique ne peut se satisfaire, puisque c’est là le point clé du dispositif envisagé… et de son financement. Reste une possibilité, peu étudiée à ce jour, sinon dans les travaux du récent Conseil national de la refondation – logement. Il s’agirait, au prix d’une réforme du Code civil, de permettre la constitution d’un usufruit à durée fixe, mais dépourvu de caractère viager . 3° L’option d’achat de la nue-propriété 6 - Dès l’origine, et pour sécuriser l’accession vers la propriété, une option d’achat de la nue-propriété complète la constitution d’usufruit temporaire. 3 Cass. 3e civ., 8 sept. 2016, n° 14-26.953, sur renvoi : JurisData n° 2016018129 ; JCP N 2016, n° 37, act. 1009, obs. A. Tani ; Constr.-Urb. 2016, comm. 134, note Ch. Sizaire. 4 J. Dubarry et V. Streiff, Vade-mecum du droit réel de jouissance spéciale : JCP N 2016, n° 41, 1294.

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