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1156 ÉTUDE IMMOBILIER Page 26 © LEXISNEXIS SA - LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 36 - 8 SEPTEMBRE 2023 A. - Le droit souple : les chartes 18 - Depuis une quinzaine d’années, de nombreuses collectivités françaises proposent à la signature des acteurs de l’immobilier des « chartes promoteurs » destinées à favoriser la prise en compte d’objectifs plus ou moins ciblés en matière de construction et d’urbanisme, et particulièrement centrées sur la production de logements et dont la dénomination, qui varie beaucoup selon les communes, a vocation à les illustrer8. 1° Les ambitions qualitatives pour le logement 19 - Malgré leur apparente diversité, on constate que la rédaction des chartes a d’abord été motivée par la volonté des élus, dans un objectif de mixité sociale, d’inciter à la production de logements neufs tout en en maîtrisant leur prix de sortie. Elles sont désormais porteuses d’une ambition qualitative plus globale pour répondre à tous les enjeux en matière de logement, notamment écologiques9, quitte à rappeler les règles prévues par le PLU. 20 - Sans être un moyen de concurrencer les outils existants10, elles peuvent permettre une meilleure compréhension et appropriation des règles par les porteurs de projet. Surtout, elles peuvent aussi inciter à faire mieux que la norme posée dans le cadre réglementaire existant en invitant par exemple à adapter les logements à de nouveaux usages (tel le télétravail) ou bien à favoriser la réversibilité des constructions. Elles organisent aussi un dialogue avec la collectivité territoriale afin de favoriser l’insertion du projet dans son environnement urbain, social et environnemental, favorisant ainsi son acceptation. 2° La souplesse des chartes au service de leurs ambitions 21 - L’avantage de souplesse des chartes suppose qu’elles ne soient pas utilisées comme de véritables normes réglementaires, ce qui rendrait leur application illégale. Le rôle des chartes est de guider les comportements, plus que de contraindre. Elles appartiennent donc à la catégorie du droit « souple »11, ou soft law. 22 - Comme tout acte administratif, les chartes doivent être adoptées dans le respect du principe de légalité12. Serait notamment illégale 8 Telles la « Charte de la construction et de la promotion » à Bagneux, la « Charte qualité des constructions neuves » à Nanterre, ou depuis peu la « Charte de la construction pour une ville résiliente (2021) » à Montreuil. 9 Demain la Ville, LDV Studio Urbain, Des chartes pour réguler la construction urbaine, 18 juin 2021 : www.demainlaville.com/deschartes-pour-reguler-la-construction-urbaine/. 10 D. Gillig, À chacun sa charte : Constr.-Urb. 2022, alerte 75. 11 V. Étude annuelle du Conseil d’État, Le droit souple, 2013. 12 CE, ass., 21 mars 2016, n° 368082, Fairvesta International et SNC Numericable du même jour : JurisData n° 2016-004898 ; JCP G 2016, act. 623, note Th. Perroud ; RD bancaire et fin. 2016, comm. 144, note P. Pailler. – toute formulation s’apparentant à une disposition réglementaire et faisant une concurrence à d’autres supports normatifs, tel le PLU, sans que celui-ci le prévoit, en n’en respectant pas ses modalités procédurales d’adoption et en contredisant ou méconnaissant ses prescriptions13. Dans ce cas, les chartes ne peuvent a fortiori pas être opposables aux autorisations de construire (C. urb., art. L. 421-6), quand bien même la charte aurait été approuvée par délibération du conseil municipal14. Par ailleurs, on insistera notamment sur le nécessaire respect du principe constitutionnel d’égalité devant le service public ou encore du droit de propriété. 23 - Si l’on accepte de placer les chartes en dehors des cases normatives habituelles, leur intérêt devient évident : elles peuvent répondre à un véritable besoin pour faciliter la réalisation des programmes de logement15. Elles jouent alors un rôle d’impulsion, permettant de susciter l’expérimentation de certains dispositifs par les opérateurs privés, les faisant alors apparaître comme un outil complémentaire aux outils classiques du droit de l’urbanisme et de l’action administrative16. 24 - Pour en assurer une meilleure utilisation, leur statut juridique mérite d’être clairement respecté et une diffusion des bonnes pratiques, non contestables légalement, semble indispensable17. À cet égard, il serait notamment important d’adapter leur rédaction et leur portée à leur nature de droit souple, pour éviter toute confusion quant à leur statut juridique, et surtout toute concurrence aux règles opposables des PLU (sauf à avoir été adoptées de la même manière18). À ce propos, il pourrait aussi être opportun de montrer leur lien avec les documents de planification car le contenu de ces chartes a souvent vocation à inciter les acteurs à aller au-delà du PLU, ou à concrétiser certains objectifs qu’ils comportent. Ce lien CE, 12 juin 2020, n° 418142, Gisti : JurisData n° 2020-007983 ; Dr. adm. 2020, comm. 39, note G. Eveillard ; Procédures 2020, comm. 160, note N. Chifflot. 13 TA Rouen, 26 janv. 2023, n° 2202586 : JurisData n° 2023-002671 ; Constr.-Urb. 2023, comm. 28, note L. Santoni ; JCP A 2023, 2080, note Ph. S. Hansen. 14 CAA Bordeaux, 29 sept. 2016, n° 14BX01613 : JurisData n° 2017-017930. 15 L. Girometti et F. Leclercq, Rapport de la mission sur la qualité du logement, Référentiel du logement de qualité, septembre 2021 ; P.-R. Lemas, M.-H. Badia et H. Fontaine, Rapport du groupe de travail sur la qualité des logements sociaux, novembre 2020. 16 Demain la Ville, LDV Studio Urbain, Des chartes pour réguler la construction urbaine, 18 juin 2021, préc. 17 V. Le Grand, Les chartes promoteurs : analyse de l’universitaire : Solution notaire hebdo, 25 mai 2023, n° 18, p. 19. – F. Ebel et T. Perez, les chartes promoteurs en pratique : visions croisées d’un maire et d’un promoteur : Solution notaire hebdo, 25 mai 2023, n° 18, p. 22. 18 CE, 2 juin 2023, n° 461645, SCI du 90-94 avenue de la République : admettant la légalité d’un « cahier de recommandations architecturales » annexé au PLU, pouvant être valablement opposé à une autorisation de construire, parce que le règlement du PLU y faisait expressément référence et que ce cahier « se contente d’expliciter ou préciser, sans les contredire ni les méconnaître, des règles figurant déjà dans le règlement » ; JCP N 2023, n° 24, act. 684, obs. L. Erstein ; Constr.-Urb. 2023, comm. 82, note X. Couton ; Constr.-Urb. 2023, comm. 80, note L. Santoni.

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