La Semaine Juridique Notariale et Immobilière

ÉTUDE FISCAL 1177 Page 81 LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 36 - 6 SEPTEMBRE 2024 - © LEXISNEXIS SA chés par les pouvoirs publics48. Déployer des moyens significatifs pour produire des normes juridiques inutiles n’est pas un modèle d’efficacité de l’action publique. Maintenir des obligations réglementaires édictées par le même service tout en reconnaissant leur inutilité et en acceptant qu’elles ne soient pas respectées place l’inefficacité publique à un degré supérieur. Un tel modus operandi entrave l’initiative privée et n’apaise pas les relations entre administrations et usagers du service public. La démarche suivie par l’administration fiscale dans cette actualisation du BOFIP conduit le praticien ou contribuable appliquant le régime de faveur à suivre un étonnant processus inutilement complexe et chronophage. Il se reportera à la partie réglementaire du CGI pour prendre connaissance des attestations qu’il doit fournir. S’étonnant de leur incongruité ou de l’impossibilité matérielle d’y satisfaire, il lui appartiendra de consulter les commentaires administratifs disséminés dans différentes subdivisions du BOFIP-Impôt. Il constatera alors que l’Administration confirme leur inutilité ou défaut de pertinence et accepte qu’elles ne soient pas fournies. On peut imaginer mieux en termes de simplification des démarches administratives. 29 - Osons une suggestion dont l’audace est vertigineuse : pourquoi ne pas abroger ces dispositions dont l’inutilité patente est aujourd’hui reconnue par l’administration fiscale elle-même ? Cette abrogation pourrait d’ailleurs s’accompagner de la mise en place de justificatifs pertinents qui paradoxalement ne doivent pas être fournis à l’Administration. Pourquoi continuer d’exiger la production d’une attestation désignant l’associé de la société interposée signataire de l’engagement collectif de conservation alors que l’exonération peut s’appliquer en l’absence de tout engagement collectif souscrit par ces associés ? Pourquoi, à l’inverse, ne pas exiger de justificatif certifiant que le donateur ou défunt associé de la société interposée détenait les titres de la société interposée transmis lors de la signature de l’engagement collectif alors que cette condition est requise pour que l’exonération indirecte puisse s’appliquer ? Des attestations inutiles demeurent prévues par la partie réglementaire du CGI, alors que des exigences substantielles requises pour le bénéfice ou le maintien de l’exonération ne font l’objet d’aucune justification, y compris aux termes des attestations ter48 V. not. s’agissant des engagements pris par le Comité interministériel de la transformation publique destinés à faire progresser l’action publique, www.modernisation.gouv.fr/ameliorer-lexperience-usagers/ simplification-des-demarches-administratives. minales que les redevables doivent remettre à l’administration fiscale à l’issue des engagements fiscaux (CGI, art. 294 ter, ann. 2). 30 - On a déjà relevé que l’administration fiscale semble rédiger ses décrets en reprenant ses dispositions antérieures, ce qui engendre des erreurs de codification49. Cette démarche aisée mais inefficace explique sans doute que des exigences imposées par le législateur aux termes de réformes plus récentes échappent aux radars de l’administration fiscale et à tout justificatif. Ainsi, parmi les nombreuses attestations devant être produites, aucune ne mentionne le maintien par la société cible d’une activité éligible jusqu’au terme de l’engagement individuel de conservation. Il en est de même de l’absence d’inscription des titres sur un compte PME innovation. Ces conditions insérées respectivement par les lois de finances rectificatives pour 2016 et 2022 (CGI, art. 787, c bis et d bis) sont pourtant requises pour le bénéfice et le maintien de l’exonération. 31 - L’approche retenue par l’administration fiscale pour fixer ce corpus réglementaire n’est pas dépourvue de paradoxalité. D’une part, elle maintient des justificatifs inutiles alors qu’elle n’impose la fourniture d’aucune attestation se rapportant à des conditions substantielles. D’autre part, elle retient une approche différente pour les mesures de tempérament qu’elle énonce respectivement au titre du régime d’exonération concernant les sociétés et les entreprises individuelles. Ainsi, une étonnante dissymétrie peut être relevée dans la doctrine administrative qui dans des subdivisions distinctes du BOFIP fixe les obligations déclaratives applicables, d’une part, aux transmissions de parts sociales ou d’actions et, d’autre part, aux entreprises individuelles. Comme nous l’avons vu, dans sa mise à jour, l’Administration complète les justificatifs à fournir pour intégrer les mesures de tolérance supplémentaires qu’elle énonce à l’égard des fusions de sociétés interposées50. À rebours, s’agissant des entreprises individuelles, elle n’instaure aucune justification particulière devant être produite au titre des tolérances qu’elle énonce, alors même qu’elles sont subordonnées à des exigences propres. C’est le cas, par exemple, du tempérament permettant aux successeurs ou donataires d’apporter l’entreprise individuelle à une société en cours d’engagements fiscaux51. ■ 49 V. F. Fruleux, Exonération Dutreil : des obligations déclaratives complexes et perfectibles : JCP N 2019, n° 35, 1267. 50 BOI-ENR-DMTG-10-20-40-30, 4 avr. 2024, § 60. 51 BOI-ENR-DMTG-10-20-40-40, 30 mai 2024, § 70. L’essentiel à retenir • Sans formellement les abroger, l’administration admet que nombres d’attestations requises au titre de l’exonération Dutreil puissent ne pas être produites. • C’est le cas notamment des attestations spécifiques concernant les sociétés « interposées » lorsque la transmission porte directement sur les parts ou actions de la société « cible » exerçant l’activité éligible.

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