La Semaine Juridique Notariale et Immobilière

1177 ÉTUDE FISCAL Page 80 © LEXISNEXIS SA - LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 36 - 6 SEPTEMBRE 2024 3. Engagements collectifs postmortem et réputés acquis 25 - De manière positive ou en creux, l’actualisation du BOFIP opérée le 4 avril dernier intéresse également les situations dans lesquelles l’engagement collectif de conservation est souscrit postmortem ou peut être réputé acquis. La principale contrainte à laquelle se heurte le dispositif d’engagement collectif ou unilatéral de conservation post-mortem réside dans le délai très court de 6 mois dans lequel le pacte d’associés doit être conclu. L’Administration énonce sur ce point ce qu’elle présente comme une mesure de tempérament qui engendre plus d’incertitudes qu’elle n’en résout. Le BOFIP précise : « Toutefois, il est admis que, lors du dépôt de la déclaration de succession, l’engagement collectif de conservation ait simplement été souscrit et qu’il soit enregistré avec la déclaration de succession »39. Elle poursuit en précisant que : « Si l’acte qui constate l’engagement collectif ou unilatéral de conservation est un acte sous seing privé, le point de départ du délai minimal de deux ans s’apprécie à compter de la date d’enregistrement de la déclaration de succession »40. 26 - À nos yeux, la portée de ce « tempérament » est très limitée. Il ne permet pas de dépasser le délai de 6 mois prévu par le deuxième alinéa du a) de l’article 787 B du CGI dans lequel le pacte d’associés doit impérativement être conclu ; et ce quand bien même la déclaration de succession accompagnée du paiement des droits peut être souscrite après que le délai de 6 mois imposé par l’article 641 du CGI a expiré, avant le premier jour du 7e mois suivant le décès, sans emporter aucune conséquence financière41. Les deux délais de 6 mois régis d’une part par le a) de l’article 787 B et d’autre part par l’article 641 régissant respectivement l’engagement post-mortem et le dépôt de la déclaration de succession doivent être dissociés. À la différence du second, le premier ne souffre aucun dépassement. L’actualisation du BOFIP-Impôts semble confirmer ce point. Complétant sa doctrine, l’administration fiscale précise que même dans ce contexte, l’engagement collectif de conservation doit être conclu « dans les six mois après le décès »42. CONSEIL PRATIQUE ➜ En pareille circonstance, il est recommandé d’établir un engagement collectif par acte notarié, afin de lui conférer date certaine et de le rendre immédiatement opposable à l’administration fiscale. 39 BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10, 21 déc. 2021, § 220. 40 BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10, 21 déc. 2021, § 220. 41 V. JCl. Fiscal, fasc. 7716, n° 185, par F. Fruleux. 42 BOI-ENR-DMTG-10-20-40-30, 4 avr. 2024, § 26. 27 - S’agissant du champ d’application de l’engagement collectif de conservation post-mortem, on pouvait considérer, dans le silence de la loi et sans prise de position explicite de l’administration fiscale, que ce dispositif pouvait s’appliquer aux transmissions de titres de société interposée. En l’absence d’engagement collectif en cours au décès, le pacte peut être souscrit sur les titres de la société cible par la société détenant directement cette participation dans les 6 mois du décès. Une confirmation implicite de ce point s’évinçait des obligations déclaratives imposées par l’administration fiscale. L’Administration détaillait, en effet, dans un tel contexte les justificatifs spécifiques à fournir43. Les commentaires actualisés le 4 avril 2024 confirment cette lecture en précisant que comme pour l’application classique du régime de faveur, les obligations propres aux sociétés interposées s’appliquent uniquement lorsque ce dispositif est effectivement appliqué lors de la transmission considérée44. La possibilité de conclure l’engagement collectif ou unilatéral de conservation post-mortem lorsque la transmission concerne une société interposée n’est aujourd’hui plus douteuse. Depuis lors, à l’occasion de l’actualisation de ses commentaires afférents aux règles de fond régissant ce régime d’exonération publiée le 30 mai dernier, l’Administration a explicitement confirmé que les parts ou actions de sociétés interposées peuvent faire l’objet d’un engagement de conservation conclu dans les 6 mois du décès45. ATTENTION ➜ En revanche, l’actualisation du 4 avril 2024 ne contient aucun ajout ou changement de doctrine concernant l’engagement collectif de conservation réputé acquis. Comme on pouvait déjà l’observer46, les obligations déclaratives et commentaires administratifs ne recèlent en particulier aucune indication sur les modalités d’appréciation des seuils de droits de vote et des droits financiers applicables aux transmissions des titres de sociétés interposées47. 4. Incohérences et insuffisances 28 - L’approche retenue par l’Administration consistant à maintenir les obligations déclaratives dont elle admet l’inutilité, tout en acceptant qu’elles ne soient pas respectées, est hautement contestable et contre-productive. Elle décrédibilise les dispositions réglementaires publiées par l’Administration en admettant qu’elles puissent impunément ne pas être respectées. Incohérente et malvenue, cette attitude se situe aux antipodes des objectifs de simplification des démarches administratives affi43 V. JCl. Fiscal, fasc. 7716, n° 190 et fasc. 7718, n° 49, par F. Fruleux. 44 BOI-ENR-DMTG-10-20-40-30, 4 avr. 2024, § 23. 45 BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10, 30 mai 2024, § 220. 46 F. Fruleux, Exonération Dutreil : des obligations déclaratives complexes et perfectibles : JCP N 2019, n° 35, 1267. 47 S. Comparot et V. Dodemand, Dutreil : l’engagement réputé acquis : Actes prat. strat. patrimoniale 2024, n° 3, dossier 23.

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