La Semaine Juridique Notariale et Immobilière

1177 ÉTUDE FISCAL Page 74 © LEXISNEXIS SA - LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 36 - 6 SEPTEMBRE 2024 section distincte du BOFIP-Impôts1. Ces derniers commentaires sont restés inchangés, ce qui peut paraître surprenant compte tenu des infléchissements notables de la doctrine administrative consacrée à ces transmissions survenues depuis lors2. 2 - Ce nouveau changement de doctrine de l’administration fiscale permet de constater que bien que peu attractive en soi, l’analyse des obligations déclaratives imposées par l’administration fiscale pour l’application du régime d’exonération Dutreil est, à plus d’un titre, riche d’enseignements (1). En l’espèce, les modifications apportées par l’actualisation opérée le 4 avril 2024, objet de la présente étude3, concernent principalement les sociétés interposées (2) et, de manière plus marginale, l’engagement collectif post-mortem réputé acquis (3). Outre l’inefficience de la méthode retenue par l’Administration, l’analyse des commentaires administratifs permet de caractériser de nombreuses insuffisances des dispositions régissant ces obligations déclaratives. Elle dévoile un corpus réglementaire qui n’est pas dépourvu de paradoxalité (4). 1. Des dispositions hermétiques mais instructives 3 - En dépit de son caractère assurément rébarbatif, l’analyse détaillée des obligations déclaratives accompagnant le régime d’exonération « Dutreil » (CGI, art. 787 B et 787 C) s’avère digne d’intérêt à plus d’un titre. Trois raisons peuvent a minima être avancées. 4 - Des exigences annonciatrices des positions futures de l’Administration. – En premier lieu, derrière leur aspect formel, les justificatifs devant être produits à l’Administration recèlent des informations précieuses, même si leur opposabilité procédurale (LPF, art. L. 80 A) demeure incertaine. Les attestations dont la partie réglementaire du CGI (CGI, art. 294 bis, 294 ter et 294 quater, ann. II) exige la production, dans la limite du cadre fixé par la loi (CGI, art. 787 B, e et i in fine), constituent bien souvent autant de signes avant-coureurs de prises de position futures de l’administration fiscale relatives à des questions importantes. Elles dévoilent précocement, avant même leur publication au BOFIP-Impôts, les analyses retenues par l’administration fiscale centrale sur des questions de fond parfois cruciales. L’écart temporel est souvent significatif. Ainsi, une lecture attentive du décret du 3 septembre 20094 permettait-elle de considérer que, dans le silence de la loi, l’administration fiscale admettait 1 BOI-ENR-DMTG-10-20-40-40, 30 mai 2024. 2 V. F. Fruleux, Exonération Dutreil et entreprise individuelle : l’Administration rapporte discrètement sa doctrine la plus contestable : JCP N 2024, à paraître. 3 V. pour une analyse plus générale des justificatifs à fournir, JCl. Fiscal, fasc. 7716 et 7717, par F. Fruleux. 4 D. n° 2009-1092, 3 sept. 2009, relatif aux obligations déclaratives prévues pour les transmissions d’entreprises bénéficiant de l’exonération qu’un engagement collectif pût être conclu post mortem au titre d’une transmission de parts sociales ou d’actions de société interposée5. L’Administration y détaillait en effet les attestations spécifiques devant être produites dans une telle occurrence. Une telle possibilité ne fut explicitement confirmée par l’administration fiscale que 11 ans plus tard6. Semblablement, en imposant l’obligation d’identifier l’associé de la société interposée signataire de l’engagement collectif, le décret du 27 juin 20197 constituait les prémices du revirement d’analyse contestable de l’Administration officialisé 2 ans plus tard8, qui prétendait conditionner le bénéfice de l’exonération indirecte bénéficiant aux sociétés interposées à la souscription personnelle de l’engagement collectif de conservation par le donateur ou le défunt9. 5 - Sanctions. – En deuxième lieu et de manière plus prosaïque, les sanctions attachées au non-respect des obligations déclaratives conduisent également à y apporter une attention toute particulière. Même si ce principe doit à nos yeux être singulièrement nuancé en raison de la jurisprudence en matière de sanctions fiscales, le défaut de production des attestations requises est de nature à entraîner la remise en cause pure et simple de l’exonération (CGI, art. 1840 G ter). L’administration fiscale rappelle explicitement cette sanction dans sa doctrine10. 6 - Imperfections récurrentes. – Les imperfections et incohérences qui émaillent de manière récurrente ces dispositions nécessitent enfin que le praticien y porte une attention particulière et n’hésite pas à faire preuve d’un esprit critique, ce qui est inattendu dans un tel contexte. L’établissement des attestations à produire relève de la compétence réglementaire de l’administration fiscale. Or, cette dernière peine à les fixer correctement. De manière récurrente, les décrets qui fixent les justificatifs à produire présentent de nombreuses imperfections, nécessitant d’être corrigés ultérieurement. Dès l’origine, le décret du 17 janvier 2008 présentait de telles incohérences et carences qu’il devait être réécrit11, ce que fit 3 mois plus partielle de droits de mutation à titre gratuit : JO 5 sept. 2009, texte n° 10. ‒ CGI, art. 294 bis, II, 3e, ann. II. 5 V. en ce sens, JCl. Fiscal, fasc. 7717, n° 49, par F. Fruleux. 6 BOI-ENR-DMTG-10-20-40-30, 6 avr. 2021, § 23. 7 D. n° 2019-653, 27 juin 2019, relatif aux obligations déclaratives en matière de transmission d’entreprise bénéficiant des exonérations partielles des droits de mutation à titre gratuit prévues aux articles 787 B et C du CGI : JO 28 juin 2019, texte n° 14. 8 Le 6 avril 2021. 9 V. F. Fruleux, Exonération Dutreil : des obligations déclaratives complexes et perfectibles : JCP N 2019, n° 35, 1267 ; Exonération Dutreil : mise à jour du BOFIP et dénaturation du régime ? : JCP N 2021, n° 21, 1200. 10 BOI-ENR-DMTG-10-20-40-30, 6 avr. 2021, § 1. 11 V. F. Fruleux, Transmissions d’entreprises : le décret du 17 janvier 2008 doit être réécrit : JCP N 2008, n° 22, 1211.

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