1175 ÉTUDE FAMILLE Page 58 © LEXISNEXIS SA - LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 36 - 6 SEPTEMBRE 2024 nus au sein de la famille pour assurer la préservation des intérêts de l’un de ses membres »5. Néanmoins pas plus tôt créée, cette nouvelle mesure faisait l’objet de reproches substantiels6. Ainsi, en ratifiant l’ordonnance susvisée, la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle7 permettait de « rectifier le tir » en redonnant notamment toute sa place à l’époux qui avait été écarté, de manière incompréhensible, de la nouvelle mesure. Le conjoint faisait ainsi désormais partie des personnes susceptibles d’être habilitées et l’habilitation familiale devenait subsidiaire, comme toute autre mesure de protection juridique, au regard des régimes matrimoniaux8. Le législateur ne s’arrêtait toutefois pas là. La loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice9 venait ainsi parachever la mesure de protection en insérant l’assistance dans ce qui n’était, jusque-là, qu’un mécanisme de représentation. Les textes n’ont point évolué depuis, la jurisprudence faisant, comme à son habitude, son œuvre de complément législatif. 2 - Les points saillants. – D’abord, comme son nom l’indique, cette mesure prend place au sein de la famille. Il s’agit même d’une famille resserrée puisque l’article 494-1 du Code civil ne vise, au titre des personnes susceptibles d’être habilitées, que les « ascendants ou descendants, frères et sœurs ou, à moins que la communauté de vie n’ait cessé entre eux, le conjoint, le partenaire […] ou le concubin ». Ce sont ces mêmes personnes qui peuvent par ailleurs demander la mise en place de cette mesure (C. civ., art. 494-3, al. 1)10. Ensuite, elle suppose – cet élément est essentiel dans le conseil à délivrer, nous y reviendrons – un consensus familial parfait puisque le juge ne pourra l’instaurer qu’après avoir vérifié « l’adhésion ou, à défaut, l’absence d’opposition légitime à la mesure d’habilitation et au choix de la personne habilitée des proches […] qui entretiennent des liens étroits et stables avec la personne ou qui manifestent de l’intérêt à son égard et dont il connaît l’existence au moment où il statue » (C. civ., art. 4944, al. 2). L’habilitation familiale est donc ouverte par le juge, ce qui paraît en faire une mesure judiciaire bien que son fonctionnement 5 Rapp. au président de la République : JO 16 oct. 2015, p. 19301. 6 Sur lesquels, V. not. J. Combret et N. Baillon-Wirtz, L’habilitation familiale : une innovation à parfaire : JCP N 2015, n° 51-52, 1248. – I. Maria, Une nouvelle mesure de protection qui doit faire ses preuves : Dr. famille 2016, étude 5. 7 L. n° 2016-1547, 18 nov. 2016, de modernisation de la justice du XXIe siècle : JO 19 nov. 2016, texte n° 1. 8 Pour plus détails, V. I. Maria, La ratification de l’ordonnance n° 20151288 du 15 octobre 2015 portant simplification et modernisation du droit de la famille : Dr. famille 2017, étude 8. 9 L. n° 2019-222, 23 mars 2019, de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice : JO 24 mars 2019, texte n° 2. – V. aussi son décret d’application n° 2019-756 du 22 juillet 2019 qui modifie les articles 1220-2, 1220-4, 1222, 1228, 1233, 1239 et 1245 du Code de procédure civile. 10 À comparer avec l’article 430 du même code qui vise beaucoup plus large pour les mesures judiciaires classiques : parent, allié, « personne entretenant avec le majeur des liens étroits et stables ». échappe ensuite quasiment totalement à l’institution judiciaire. À ce titre, elle est soumise aux mêmes règles de procédure que les autres mesures judiciaires (V. CPC, art. 1211 et s.). Elle emprunte toutefois à certaines règles du mandat de protection future ce qui en fait une mesure hybride11. Enfin, du point de vue de ses effets, cette mesure a un fort pouvoir incapacitant lorsqu’il s’agit d’une représentation puisque « la personne à l’égard de qui l’habilitation a été délivrée conserve l’exercice de ses droits autres que ceux dont l’exercice a été confié à la personne habilitée à la représenter » (C. civ., art. 494-8). Lorsqu’il s’agit d’une assistance, il semblerait qu’il faille raisonner en référence à la curatelle puisque l’article 494-1 renvoie expressément aux « conditions prévues à l’article 467 ». Dès lors, le majeur protégé ne perd pas sa capacité en cas d’habilitation familiale assistance. Toujours, au regard des effets, il n’existe aucun contrôle des comptes ni aucune obligation de rendre compte annuellement de la gestion patrimoniale, point controversé. 3 - Choix de l’habilitation familiale et implications du choix. – Cette brève présentation du mécanisme de protection ne suffit évidemment pas au praticien pour pouvoir délivrer un conseil performant. Des éléments plus précis sont à prendre en considération pour savoir si l’habilitation familiale mérite ou non d’être conseillée à son client (1). Une fois le choix de cette mesure opéré, il faut alors avoir en tête un certain nombre d’éléments sur lesquels l’attention du notaire, comme celle de son client, doivent être portées (2). 1. Le choix de l’habilitation familiale 4 - Afin de pouvoir apprécier si l’habilitation familiale est à conseiller ou non dans telle ou telle situation, il faut évidemment mesurer les intérêts qu’elle présente au regard des autres mesures de protection (A) sans pour autant éluder les risques et dangers qu’elle comporte (B). A. - Les atouts de l’habilitation familiale 1° Simplicité 5 - Habilitation représentation. – L’un des intérêts majeurs de l’habilitation familiale réside, sans nul doute, dans sa simplicité, tout au moins lorsqu’elle est de représentation. Simplicité d’abord, parce que la distinction entre actes conservatoires, actes d’administration et actes de disposition n’est pas reprise dans cette mesure représentative de sorte qu’elle est aisée à comprendre pour les familles. Contrairement au tuteur qui doit saisir le juge pour tout acte de disposition, la personne habilitée à représenter peut passer tous les actes seule à l’exception des actes de disposition à titre 11 Pour un rapprochement de ces deux mesures, V. G. Raoul-Cormeil, Mandat de protection future ou habilitation familiale : réflexions en vue d’un conseil notarié : LPA oct. 2020, n° LPA156m3, p. 9.
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