Page 53 LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 36 - 6 SEPTEMBRE 2024 - © LEXISNEXIS SA JURISPRUDENCE COMMENTÉE IMMOBILIER 1174 un arrêt du 23 septembre 2009, que même lorsque le sinistre ou le dommage est survenu avant la vente, le principe est celui de la transmission à l’acquéreur des droits et actions afférents à ce dommage ou à ce sinistre. Cette solution a été admise, en premier lieu, pour la garantie décennale : « les acquéreurs successifs d’un immeuble sont recevables à agir contre les constructeurs sur le fondement de la garantie décennale qui accompagne, en tant qu’accessoire, l’immeuble, nonobstant la connaissance, par les acquéreurs, des vices de celui-ci lors de la signature de l’acte de vente et l’absence, dans ce dernier, de clause leur réservant un tel recours à moins que le vendeur ne puisse invoquer un préjudice personnel lui conférant un intérêt direct et certain à agir » (Cass. 3e civ., déc., 23 sept. 2009, n° 08-13.470, SA Axa Assurances c/ M Empereur, Sté Abri et Sté Immo Mi : JurisData n° 2009-049552 ; Bull. civ. III, n° 202 ; Constr.-Urb. 2009, comm. 142, note M.-L. Pagès-de Varenne. – Cass. 3e civ., 9 juill. 2014, n° 13-15.923, SNC Barbet c/ Sté Axa France Iard : JurisData n° 2014-016132 ; Bull. civ. III, n° 105 ; JCP N 2015, n° 25, 1092, note G. DurandPasquier ; Constr.-Urb. 2014, comm. 131, note M.-L. Pagès de Varenne). La même solution fut ensuite retenue pour l’action en responsabilité contractuelle de droit commun (Cass. 3e civ., 7 nov. 2012, n° 11-20.540, Souverain c/ Collet, Goisque, Laval, Saulnier et Sté Allianz Iard : JurisData n° 2012025156). Il restait à trancher la question de cette transmission lorsque le vendeur avait engagé son action avant la vente, ce qui fut fait avec un arrêt du 10 juillet 2013. Dans celui-ci, la Cour de cassation a jugé « que, sauf clause contraire, les acquéreurs successifs d’un immeuble ont qualité à agir, même pour les dommages nés antérieurement à la vente et ce nonobstant l’action en réparation intentée par le vendeur avant cette vente, contre les constructeurs sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun qui accompagne l’immeuble en tant qu’accessoire » (Cass. 3e civ., 10 juill. 2013, n° 12-21.910, Synd. copr. résidence Brise Marine 82 rue de Londres – Le Touquet c/ SCI Le Colbert : JurisData n° 2013014564 ; Bull. civ. III, n° 102 ; JCP N 2014, n° 24-25, 1218, note V. Zalewski-Sicard ; JCP N 2013, n° 37, 1216, note V. ZalewskiSicard ; Constr.-Urb. 2013, comm. 157, note C. Sizaire ; Constr.-Urb. 2013, comm. 121, note M.-L. Pagès-de Varenne). REMARQUE ➜ La Cour de cassation, avec ces revirements de jurisprudence, renouait ainsi avec une doctrine plus ancienne où elle admettait déjà ce principe de transmission des droits et actions à l’acquéreur alors même que le dommage était survenu avant la vente : « les acquéreurs successifs d’un immeuble sont recevables à agir contre les constructeurs sur le fondement de la garantie décennale qui accompagne, en tant qu’accessoire, l’immeuble, nonobstant la connaissance, par les acquéreurs, des vices de celui-ci lors de la signature de l’acte de vente et l’absence, dans ce dernier, de clause prévoyant un tel recours » (Cass. 3e civ., 8 oct. 1975, n° 74-10.842 : JurisData n° 1975-098311 ; Bull. civ. III, n° 311). La justification de ce revirement, au-delà de la théorie de l’accessoire, suivant le rapport 2013 de la Cour de cassation, réside dans « la volonté de la Cour de conférer l’action, donc les fonds, à celui qui seul peut engager les réparations, l’acquéreur, nouveau propriétaire. Cette volonté correspond à celle du législateur, qui reconnaît l’action décennale à l’acquéreur de l’ouvrage ». C’est d’ailleurs également cette volonté qui a conduit la Cour de cassation à retenir que l’indemnité d’assurance versée au titre de l’assurance dommages-ouvrages devait revenir à l’acquéreur et non au vendeur, alors même que ce dernier avait procédé à la déclaration du sinistre (Cass. 3e civ., 15 sept. 2016, n° 15-21.630 : JurisData n° 2016-018643 ; JCP N 2017, n° 42, 1287, note V. Zalewski-Sicard ; Constr.-Urb. 2017, comm. 54, note M.-L. Pagès-de Varenne ; Resp. civ. et assur. 2016, comm. 351, note H. Groutel). Cette solution est en parfaite harmonie avec une autre jurisprudence selon laquelle, d’une part, « l’indemnité versée par l’assureur dommages-ouvrages doit être affectée au paiement des travaux de réparation des dommages » (Cass. 3e civ., déc., 17 déc. 2003, n° 02-19.034 : JurisData n° 2003021512 ; Bull. civ. III, n° 232 ; JCP G 2005, I, 137, § 36, obs. J.-P. Karila) et, d’autre part, qu’il revient au bénéficiaire de l’indemnité de prouver qu’il a réalisé les travaux nécessaires à la réparation des dommages et quel en a été le coût (Cass. 3e civ., 4 mai 2016, n° 1419.804, Raban c/ SA Aviva Assurances : JurisData n° 2016-008439 ; Bull. ; Resp. civ. et assur. 2016, comm. 256, note H. Groutel ; Constr.-Urb. 2016, comm. 92, note M.- L. Pagès-de Varenne). La Cour de cassation retient de même que de l’action en paiement des indemnités d’assurance contre l’assureur des vendeurs garantissant les risques de catastrophe naturelle est transmise à l’acquéreur alors même que le sinistre est intervenu avant la vente (Cass. 3e civ., 7 mai 2014, n° 13-16.400, Dupinet c/ sté Mutuelles du Mans assurances IARD : JurisData n° 2014-009633 ; Bull. civ. III, n° 61 ; Resp. civ. et assur. 2014, comm. 284, H. Groutel ; RDC mars 2015, n° RDC111j2, p. 77, obs. F. Leduc ; AJDI janv. 2015, jurispr. 58, p. 58, obs. F. Cohet). Ces solutions retenues à l’occasion de ventes devraient également recevoir application pour les baux emphytéotiques. Il en va d’ores et déjà ainsi, avec le présent arrêt, dans l’hypothèse du sinistre intervenu antérieurement à la conclusion du bail, compte tenu de l’argumentation du pourvoi et de l’absence de distinction dans la solution énoncée par la Cour de cassation pour ce qui concerne le transfert des actions en garantie décennale et en réparation. Cette absence de distinction suivant la date de survenance du sinistre ne signifie pas pour autant que ce transfert des actions intervient sans aucune limite. B. - Les limites du transfert Durée du bail. – À la lecture de l’arrêt, il apparaît que deux limites sont présentes. La première limite est liée à la durée du bail, la Cour précisant que ce transfert intervient dès l’entrée en jouissance par l’effet du bail et pendant toute la durée de celui-ci. À cet égard, il doit être souligné que la Cour ne retient pas la date de conclusion du bail mais celle de l’entrée en jouissance du preneur. Cela apparaît cohérent dès lors que ce n’est qu’à partir de cette entrée en jouissance que le preneur est susceptible de pouvoir réaliser des travaux sur les ouvrages compris dans l’assiette du bail. Par ailleurs, le transfert joue pendant toute la durée du bail mais non au-delà.
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