La Semaine Juridique Notariale et Immobilière

Page 52 © LEXISNEXIS SA - LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 36 - 6 SEPTEMBRE 2024 1174 Data n° 2022-019238 ; JCP N 2023, n° 26, 1128, note V. Zalewski-Sicard ; JCP G 2023, act. 85, note S. Le Normand-Caillère ; Constr.-Urb. 2023, comm. 5, note M.- L. Pagès-de Varenne). Aussi, au regard de cette jurisprudence, n’est-il guère étonnant de constater que la Cour de cassation ne relève pas seulement l’existence de ce droit réel mais prend également en compte les obligations pesant sur l’emphytéote. B. - L’obligation d’effectuer les réparations de toute nature : seconde condition Pour reconnaître à l’emphytéote le bénéfice des actions en garantie décennale et en réparation relativement à un ouvrage existant avant la conclusion du bail emphytéotique, la Cour de cassation, après avoir souligné qu’il disposait d’un droit réel lui conférant certaines prérogatives, retient qu’en outre, le preneur est tenu de toutes les contributions et charges de l’héritage et des réparations de toute nature, tant en ce qui concerne les constructions existant au moment du bail, que celles qui auront été élevées en exécution de la convention, mais il n’est pas obligé de reconstruire les bâtiments détruits par cas fortuit, force majeure, ou par un vice de construction antérieur au bail. La logique derrière l’exigence de cette seconde condition semble être de permettre uniquement au titulaire du droit réel, qui doit effectuer les réparations de toute nature pendant la durée du bail, d’obtenir les fonds permettant d’engager les réparations, en exerçant les actions en garantie décennale et en réparation. D’ailleurs, lorsque le bail emphytéotique prévoit que le preneur ne sera pas tenu de l’obligation d’effectuer les réparations de toute nature, possibilité que rappelle la Cour de cassation dans le présent arrêt, le transfert des actions en garantie décennale et en réparation n’intervient plus. Lorsque les deux conditions sont bien réunies, donc lorsque le preneur est tout à la fois titulaire d’un droit réel et obligé d’effectuer les réparations de toute nature, double condition qui ne doit être remplie que lorsque le sinistre est relatif à un ouvrage existant avant la conclusion du bail, il en résulte, pour reprendre les termes de la Cour de cassation, que le preneur se voit transférer les actions en garantie décennale et en réparation à raison des désordres affectant les ouvrages donnés à bail. REMARQUE ➜ Le preneur n’a donc nul besoin d’un mandat du bailleur pour pouvoir exercer lesdites actions, celles-ci lui étant transférées automatiquement dès son entrée en jouissance (en l’absence de transfert, un mandat est nécessaire : Cass. 3e civ., 16 mars 2011, n° 10-30.189 : JurisData n° 2011-003912 ; JCP G 2012, doctr. 428, § 15, obs. J.-P. Karila). Cas des autres titulaires de droits réels. – Au-delà de l’emphytéote, il faut aussi envisager la situation des autres titulaires de droit réel. • S’agissant tout d’abord des preneurs disposant d’un droit réel, cela nécessite de rechercher si pèse sur eux une obligation identique à celle pesant sur l’emphytéote. Tel est le cas pour le BRILO, le BRS et le BRSA, ainsi qu’il résulte des articles L. 252-1, L. 254-2 et L. 2557 du CCH. La solution retenue dans le présent arrêt devrait logiquement également recevoir application pour ces différents baux. Pour le bail à réhabilitation et le bail à construction, tel est le cas également. Cela apparaît toutefois secondaire dès lors que ces deux preneurs sont propriétaires temporaires des constructions existant au moment de la conclusion du bail. • S’agissant ensuite de l’usufruitier, l’article 605 du Code civil précise qu’il n’est tenu qu’aux réparations d’entretien tandis que le nu-propriétaire doit assurer les grosses réparations qui demeurent à sa charge, à moins qu’elles n’aient été occasionnées par le défaut de réparations d’entretien, depuis l’ouverture de l’usufruit. Aussi, bien que titulaire d’un droit réel, dès lors qu’il n’est pas tenu des réparations de toute nature, l’usufruitier ne devrait pas se voir transférer les actions en garantie décennale et en réparation relatives aux constructions existant au moment de la constitution de l’usufruit. Il pourrait en aller différemment si les parties ont convenu d’une autre répartition quant à la charge des réparations. • S’agissant enfin des droits réels autres que résultant d’un bail ou correspondant à un usufruit, c’est au regard de la convention conclue entre les parties, notamment si celleci est taisante sur le sort des actions en garantie décennale et en réparation, qu’il conviendra de déterminer quelles sont les obligations pesant sur le titulaire du droit réel. Au regard de l’objectif poursuivi par la Cour de cassation, à savoir faire en sorte que celui à qui incombe d’effectuer les réparations dispose des fonds permettant de les engager, il faut s’interroger sur la nécessité de cette double condition. Autrement dit, ne faudrait-il pas aller au-delà et n’en retenir qu’une seule : rechercher quelle est la personne qui va devoir réaliser la réparation et admettre le transfert à son bénéfice des actions en garantie décennale et en réparation ? Après tout, avec le présent arrêt, si la Cour n’entend pas reconnaître à l’emphytéote un droit de propriété temporaire sur les constructions existant lors de la conclusion du bail, elle s’affranchit déjà de l’article 1792 du Code civil. La Cour pourrait dès lors parfaitement aller plus loin et ainsi admettre, par exemple, que le preneur ne disposant que d’un droit personnel puisse bénéficier d’un tel transfert, lorsqu’il lui incombe de réaliser des travaux. Au-delà de cette extension possible de la solution retenue dans le présent arrêt, la Cour pose tout de même des limites au principe qu’elle vient de définir. 2. La portée du transfert à l’emphytéote des actions en garantie décennale et en réparation La portée du transfert à l’emphytéote des actions en garantie décennale et en réparation doit être précisée. En effet, de l’arrêt, il résulte que d’une part, ce transfert s’effectue sans distinction (A) et, d’autre part, qu’il ne va toutefois pas sans limites (B). A. - Un transfert sans distinction selon la date de survenance du sinistre Dans son attendu de principe, la Cour de cassation précise que sont transférées du bailleur au preneur les actions en garantie décennale et en réparation à raison des désordres affectant les ouvrages donnés à bail. Il doit être souligné que dans l’espèce qui lui était soumise, le sinistre (2017) était survenu avant la conclusion du bail emphytéotique (2020). Cet ordre n’est pas indifférent, le pourvoi l’ayant d’ailleurs mis en avant. À cet égard, il peut être rappelé qu’en matière de vente, la Cour de cassation retient, depuis

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