La Semaine Juridique Notariale et Immobilière

Page 51 LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 36 - 6 SEPTEMBRE 2024 - © LEXISNEXIS SA JURISPRUDENCE COMMENTÉE IMMOBILIER 1174 priété sur ces constructions préexistantes, la société Cadusun (l’emphytéote) ne pouvait bénéficier de la garantie décennale prévue par l’article 1792 du code civil. » • La deuxième est celle du conseiller rapporteur selon laquelle l’emphytéote serait titulaire d’un droit de superficie, véritable droit de propriété, portant notamment sur les constructions existantes et justifiant dès lors qu’il puisse exercer les actions en garantie décennale et en réparation. • La troisième orientation correspond à celle suivie par la Cour de cassation, empreinte de prudence. Sans retenir expressément que l’emphytéote est propriétaire des constructions existant au moment de la conclusion du bail, mais sans néanmoins l’exclure, elle retient que ce dernier dispose d’un droit réel, cessible, saisissable et susceptible d’hypothèque lui permettant notamment, sauf clause contraire, de profiter de l’accession pendant la durée de l’emphytéose et d’acquérir au profit du fonds des servitudes actives et de les grever, par titres, de servitudes passives, pour un temps n’excédant pas la durée du bail, en contrepartie de l’accession sans indemnité en fin de bail de tous travaux et améliorations réalisés par le preneur au profit du bailleur. Ce faisant, la Cour de cassation semble admettre qu’une personne n’ayant ni la qualité de maître de l’ouvrage, ni d’acquéreur, ni de propriétaire puisse bénéficier de la garantie décennale dès lors du moins qu’elle est titulaire d’un droit réel sur l’ouvrage. Cette extension n’existe toutefois que si et seulement si la Cour n’entend pas reconnaître un droit de propriété sur les constructions existant au moment de la conclusion du bail au profit de l’emphytéote. C’est donc la nature du droit réel de l’emphytéote sur les constructions existant au moment de la conclusion du bail qui pose question, celui-ci pouvant correspondre à une propriété temporaire, à l’instar de celle dont il dispose sur les constructions qu’il édifie en cours de bail (sur la nature des droits de l’emphytéote : M. Vidal, Sur les incertitudes juridiques de l’emphytéose au XIXe siècle : Rev. hist. Droit, n° 86, avr.- juin 2008, p. 263). Comparativement, pour les preneurs des baux à construction, l’article L. 251-2 du CCH autorise les parties à prévoir que le preneur est propriétaire des constructions existantes. De même, dans le bail à réhabilitation, le preneur se voit transférer pendant la durée du bail la propriété du bâtiment existant. Ces deux preneurs doivent dès lors être traités comme des acquéreurs : sauf clause contraire, ils se voient transférer les actions en garantie décennale et en réparation pour un sinistre survenu avant la conclusion du bail à construction, les actions étant transmises en tant qu’accessoires de l’immeuble. REMARQUE ➜ Au-delà de l’emphytéote, ce sont donc potentiellement tous les titulaires de droit réel sur un ouvrage qui pourraient être bénéficiaires de la garantie décennale. Il en irait ainsi pour les preneurs des BRILO, des BRS et des BRSA mais aussi des titulaires de droits réels librement créés par les parties. Toutefois, l’existence de ce droit réel n’est pas en soi suffisante. En effet, l’usufruitier, qui dispose sans discussion possible d’un droit réel sur la chose, objet de l’usufruit, s’est vu refuser le bénéfice de la garantie décennale, parce qu’il ne se serait pas prévalu de sa qualité de propriétaire de l’ouvrage (Cass. 3e civ., 16 nov. 2022, n° 21-23.505 : Juris- © MARCUS LINDSTROM_E+

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