La Semaine Juridique Notariale et Immobilière

Page 50 © LEXISNEXIS SA - LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 36 - 6 SEPTEMBRE 2024 1174 (contra, M. Poumarède : RDI 2023, p. 537). Lorsqu’elle n’a aucune de ces qualités, elle ne peut bénéficier de ladite garantie. Il en va ainsi notamment du preneur, lorsqu’il ne dispose que d’un droit personnel sur la chose louée, y compris lorsqu’il a fait réaliser des travaux en cours de bail sur le bâtiment existant (Cass. 3e civ., 8 sept. 2010, n° 09-14.967 : JurisData n° 2010-016158. – Cass. 3e civ., 23 oct. 2012, n° 11-18.850 : JurisData n° 2012-024079). Cas du preneur disposant d’un droit réel. – Lorsque le preneur dispose d’un droit réel sur la chose louée, se pose la question de savoir s’il en est propriétaire et donc de savoir s’il peut ou non exercer les actions en garantie décennale et en réparation relativement à un ouvrage existant avant la conclusion du bail emphytéotique. La Cour de cassation répond positivement à cette question, au regard de l’objet du bail, constitutif d’un droit réel au profit du preneur (A) et faisant peser sur lui toutes les contributions et charges de l’héritage et les réparations de toute nature tant en ce qui concerne les constructions existant au moment du bail que celles qui auront été élevées en exécution de la convention (B). Ces deux conditions apparaissent cumulatives et non alternatives. A. - La titularité d’un droit réel sur la chose louée : première condition La titularité d’un droit réel sur la chose louée suffit-elle à justifier la transmission des actions en garantie décennale et en réparation au profit du preneur ? Au regard de la lettre de l’article 1792 du Code civil, la réponse semble devoir être négative. Il faut toutefois distinguer et déterminer si l’emphytéote dispose ou non d’un droit de propriété sur les constructions. Constructions réalisées par le preneur. – S’agissant des constructions réalisées par le preneur, l’article L. 451-10 du Code rural et de la pêche maritime précise que l’emphytéote profite du droit d’accession pendant la durée de l’emphytéose. Il en résulte qu’il est propriétaire à titre temporaire des constructions qu’il a édifiées. Dès lors, pendant la durée du bail, il peut exercer les actions en garantie décennale et en réparation, à l’instar du preneur dont le bail ne lui confère qu’un droit personnel mais bénéficiant de l’accession pendant la durée du bail sur la construction qu’il a réalisée (Cass. 1re civ., 23 oct. 1990, n° 8820.296 : JurisData n° 1990-702830). Il en va de même pour l’usufruitier lorsqu’il réalise des constructions en cours d’usufruit, étant alors propriétaire de celles-ci jusqu’à l’extinction de l’usufruit (Cass. 3e civ., 13 avr. 2023, n° 22-10.487 : JurisData n° 2023-005723 ; JCP N 2023, n° 26, 1128, note V. Zalewski-Sicard ; Constr.-Urb. 2023, comm. 72, note M.-L. Pagès-de Varenne). À proprement parler, il n’y a pas dans ces hypothèses de transfert des actions en garantie décennale et en réparation au profit des preneurs ou de l’usufruitier. Ils en sont titulaires en leur qualité de maître de l’ouvrage. Au-delà du bail emphytéotique, les autres baux constitutifs de droit réel sont susceptibles de conduire à la même solution. Ainsi, pour le bail à construction, l’article L. 251-2 du CCH précise que les parties conviennent de leurs droits respectifs de propriété sur les constructions existantes et sur les constructions édifiées. À défaut d’une telle convention, le bailleur en devient propriétaire en fin de bail et profite des améliorations. Le preneur sera ainsi le plus souvent propriétaire des constructions qu’il a fait édifier en qualité de maître de l’ouvrage et donc titulaire de l’action en garantie décennale (Cass. 3e civ., 7 oct. 2014, n° 13-19.448). Quant au bail à réhabilitation, le preneur n’a pas l’obligation de construire mais de réhabiliter le bâtiment existant, tout en étant titulaire d’un droit réel. Pour ce qui est du bail réel immobilier relatif au logement (BRILO), l’article L. 254-2 du CCH précise que le preneur peut librement disposer de son droit de propriété temporaire sur les constructions édifiées. En sa qualité de maître de l’ouvrage des constructions édifiées pendant la durée du bail, le preneur d’un BRILO peut donc exercer les actions en garantie décennale et en réparation. Il en va de même pour le preneur du bail réel solidaire et du bail réel solidaire activité, l’article L. 255-7 du CCH précisant que les constructions réalisées par le preneur demeurent sa propriété en cours de bail et deviennent la propriété de l’organisme de foncier solidaire à l’expiration du bail. Travaux réalisés par le preneur sur les constructions existantes. – S’agissant ensuite des travaux réalisés par le preneur sur les constructions existantes dans le cadre d’un bail emphytéotique, il est tout d’abord possible que les parties aient prévu qu’il en serait propriétaire pendant la durée du bail. Si tel est le cas et dès lors qu’il a commandé les travaux, il a bel et bien la qualité de maître de l’ouvrage et peut donc exercer l’action en garantie décennale. Lorsque les parties n’ont pas prévu que le preneur serait propriétaire de l’existant, il n’en demeure pas moins qu’en vertu de l’article L. 451-10 du Code rural et de la pêche maritime, le preneur bénéficie du droit d’accession. Il est donc parfaitement possible de retenir qu’il est propriétaire des améliorations, même si celles-ci ne correspondent pas à des constructions. C’est d’ailleurs ce que retient la Cour de cassation dans le présent arrêt. Ayant commandé celles-ci, il a à nouveau la qualité de maître de l’ouvrage et peut donc exercer l’action en garantie décennale. Comparativement, pour le preneur à construction, lorsqu’il n’a pas été prévu qu’il serait propriétaire des constructions existantes, il semble que le preneur devienne également propriétaire des améliorations. Aucun doute n’est permis pour le bail à réhabilitation, le BRILO, le BRS et le BRSA. En effet, pour le bail à réhabilitation, le principe est que le preneur se voit transférer pendant la durée du bail la propriété du bâtiment existant. Pour le BRILO, le BRS et le BRSA, les articles L. 254-1 et L. 255-7 du CCH précisent que les constructions et améliorations réalisées par le preneur demeurent sa propriété en cours de bail et deviennent la propriété du bailleur à l’expiration du bail. Travaux réalisés avant la conclusion du bail. – Enfin, pour les travaux réalisés avant la conclusion du bail emphytéotique, ce qui correspond à l’hypothèse soumise à la Cour de cassation dans le présent arrêt, il s’agit alors effectivement, dans cette seule situation, d’envisager le transfert des actions en garantie décennale et en réparation au preneur. En ce cas, le preneur n’a pas la qualité de maître de l’ouvrage et n’est pas non plus propriétaire des constructions existant au moment de la conclusion du bail. En outre, les dispositions relatives au bail emphytéotique n’apportent pas de précision sur le transfert des actions au preneur. Dès lors, trois orientations pouvaient être suivies. • La première correspond à celle retenue par l’Avocat général : « n’étant ni acquéreur du bien immobilier, ni titulaire du droit de pro-

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