ÉTUDE IMMOBILIER 1173 Page 45 LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 36 - 6 SEPTEMBRE 2024 - © LEXISNEXIS SA nance n° 2013-68 du 18 juillet 2013 et le décret n° 2013-879 du 1er octobre 2013, tous deux relatifs au contentieux de l’urbanisme. Des solutions novatrices sur l’intérêt à agir, l’encadrement des transactions, la limitation de l’appel, l’octroi de dommages et intérêts en cas de recours abusif, la cristallisation des moyens ou encore les alternatives à l’annulation, sont issues de ces textes. Conscient que l’objectif n’était pas encore atteint, Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires, a confié à Christine Maugüé, par une lettre du 9 août 2017, « la mission de procéder à l’évaluation des dispositions existantes en termes de lutte contre les recours abusifs dans le champ de l’urbanisme et de faire des propositions de dispositions complémentaires d’amélioration ». La loi ELAN du 23 novembre 2018 et le décret du 17 juillet 2018 se sont largement inspiré des propositions du groupe de travail présidé par Christine Maugüé pour restreindre l’intérêt à agir des associations, renforcer le dispositif de cristallisation des moyens, réformer la procédure de référé-suspension et régulariser les permis. Dans le projet de loi « relatif au développement de l’offre de logements abordables » qui avait été déposé au Sénat le 6 mai dernier, l’une des mesures était la réduction des délais de recours contre l’ensemble des autorisations d’urbanisme, qu’elles portent ou non sur la construction de logements. Le projet de loi insérait ainsi un nouvel article L. 600-14 dans le Code de l’urbanisme, en renforçant la spécificité du contentieux des autorisations de construire et en réduisant les délais de recours. Le délai de recours gracieux ou hiérarchique était ramené de 2 à un mois à compter du premier jour d’une période de 2 mois permettant l’affichage de l’autorisation sur le terrain. L’autorité compétente disposait ensuite d’un mois, et non plus de 2, pour statuer sur le recours. Son silence à l’expiration de ce délai valait rejet du recours. Plus encore, selon ce texte, le délai de recours contentieux – qui restait de 2 mois – n’était plus prorogé par l’exercice d’un recours gracieux ou hiérarchique. En pratique, l’introduction d’un recours contentieux s’effectuait donc au plus tard dans les 2 mois suivant l’affichage de l’autorisation sur le terrain, contre 6 mois au plus aujourd’hui. Le projet de texte, devenu caduc à la suite de la dissolution de l’Assemblée nationale, reviendra-t-il sur les bancs du parlement à la rentrée ? À suivre… Depuis 30 ans, le législateur s’est ainsi efforcé de sécuriser les bénéficiaires des autorisations administratives en utilisant différentes techniques. 6 - Maintien systématique de la condition suspensive d’obtention d’un permis de construire définitif dans les actes notariés. – Fort étonnamment, le notariat ne s’est pas saisi du sujet et n’a pas accompagné ces évolutions. La condition suspensive d’obtention d’un permis de construire définitif est une institution notariale que 30 ans de réformes n’ont pas réussi à renverser. Les promoteurs, les banques, les agents immobiliers, l’ensemble des professionnels de l’immobilier sont « accros » ! Le mythe est bien présent. Force est de constater que la plupart des spécificités du contentieux de l’urbanisme, notamment la cristallisation ou les nouveaux pouvoirs du juge, sont totalement passées sous les radars des rédacteurs de conditions suspensives de permis de construire définitif. 7 - Recommandations du Conseil supérieur du notariat. – Il convient de souligner à cet égard l’initiative heureuse de l’Institut d’études juridiques (IEJ) du Conseil supérieur du notariat, qui a publié en 2023 des recommandations sur la conduite à tenir en cas de recours contre une autorisation d’urbanisme2. Cette étude procède à un certain nombre de rappels essentiels pour délivrer un conseil avisé à des clients qui achètent un bien devant donner lieu à une autorisation d’urbanisme sans laquelle ils n’achèteraient pas : • un permis n’a pas à être définitif, autrement dit purgé des recours juridictionnels et du retrait administratif, pour être mis en œuvre. Il peut juridiquement l’être dès qu’il est exécutoire, c’est-à-dire dès qu’il a été notifié à son bénéficiaire et (sauf pour les permis délivrés au nom de l’État) transmis en préfecture s’il s’agit d’un permis exprès, ou dès qu’il est né s’il s’agit d’un permis tacite ; • le recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif n’a aucun caractère suspensif. L’acte attaqué continue de produire ses effets tant qu’il n’a pas été retiré, annulé ou suspendu à la suite d’un référésuspension. L’introduction d’un recours en annulation contre un permis n’interdit donc pas de lancer ou de poursuivre son exécution ; • l’autorisation d’urbanisme ne doit pas avoir été obtenue à la faveur d’une fraude du pétitionnaire. En effet, « la fraude corrompt tout ». Elle fait obstacle à la création de droits et autorise le retrait des actes dont elle a permis l’obtention sans contrainte de délai. Le Conseil d’État a précisé à cet égard que : « La caractérisation de la fraude résulte de ce que le pétitionnaire a procédé de manière intentionnelle à des manœuvres de nature à tromper l’administration sur la réalité du projet dans le but d’échapper à l’application d’une règle d’urbanisme. » Il a cependant ajouté qu’« une information erronée ne peut, à elle seule, faire regarder le pétitionnaire comme s’étant livré à l’occasion du dépôt de sa demande à des manœuvres destinées à tromper l’administration » ; • les recours préfectoraux (gracieux ou contentieux) comportent de façon générale plus de risques que les recours des tiers. Pour ces derniers recours, il paraît raisonnable de rester prudents et patients. L’étude fait également des recommandations qui sont formulées pour, a minima, réduire le temps contentieux et ainsi limiter l’impact du recours sur le déroulement de l’opération. Cependant, ces recommandations ont également pour objet de permettre aux intéressés de prendre, de façon éclairée et lorsque les circonstances s’y prêtent, la décision de tirer les conséquences de l’existence du permis et de réaliser la vente en dépit de l’existence du recours, soit 2 CSN, sect. de droit immobilier, Bull. de l’IEJ 2023, n° 4, p. 20. Dans l’esprit des Français et des acteurs de l’immobilier, le permis de construire n’existe véritablement que lorsqu’il est définitif
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