La Semaine Juridique Notariale et Immobilière

1172 ÉTUDE IMMOBILIER Page 38 © LEXISNEXIS SA - LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 36 - 6 SEPTEMBRE 2024 Code de l’urbanisme ne proscrit pas, mais ne réglemente pas non plus. La jurisprudence s’est attachée à le faire, avec pragmatisme, dans l’arrêt du Conseil d’État Commune de Gorbio du 1er décembre 2023 précité. Il apporte un éclairage important pour les maîtres d’ouvrage12. Il résulte de cette jurisprudence qu’en l’absence de dispositions expresses du Code de l’urbanisme y faisant obstacle, la substitution de pièces à l’initiative du pétitionnaire est possible. Cette demande est en principe sans incidence sur la date de naissance d’un permis tacite. Toutefois, lorsque du fait de leur objet, de leur importance ou de la date à laquelle ces modifications sont présentées, leur examen ne peut être mené à bien dans le délai d’instruction, compte tenu notamment des nouvelles vérifications ou consultations qu’elles impliquent, l’autorité compétente doit en informer par tout moyen le pétitionnaire avant la date à laquelle serait normalement intervenue une décision tacite, en lui indiquant la date à compter de laquelle, à défaut de décision expresse, la demande modifiée sera réputée acceptée. L’Administration est alors regardée comme saisie d’une nouvelle demande se substituant à la demande initiale à compter de la date de la réception par l’autorité compétente des pièces nouvelles et intégrant les modifications introduites par le pétitionnaire. Il appartient le cas échéant à l’Administration d’indiquer au demandeur, dans le délai d’un mois prévu par l’article R. 423-38 du Code de l’urbanisme, les pièces manquantes nécessaires à l’examen du projet ainsi modifié. 10 - En conclusion de ce point, toute modification de délai notifiée au-delà du premier mois ou ne correspondant pas à l’une des hypothèses limitativement listées par le Code de l’urbanisme est inopposable. La jurisprudence est désormais formelle sur ce point : une modification de délai irrégulière ne peut faire obstacle à la naissance d’une autorisation tacite à l’expiration du délai d’instruction légalement applicable13. Elle en déduit d’ailleurs – ce qui n’était pas indispensable et n’est pas forcément opportun – que la notification irrégulière d’une modification de délai n’est pas une décision faisant grief ; elle ne peut donc faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir14. Il est dès lors évident, compte tenu de ce qui vient d’être dit, qu’une consultation non prévue par les textes ne saurait influer sur le délai d’instruction. Elle n’est pas proscrite par principe, mais ne saurait fonder un refus d’autorisation, quand bien même cette consultation serait prescrite (illégalement) par un document de planification urbaine. 12 CE, 1er déc. 2023, n° 448905, Cne Gorbio : Lebon. 13 CE, 24 oct. 2023, n° 462511, M. B. c/ Cne d’Aix-en-Provence : Lebon. ‒ Auparavant : CAA Lyon, 2 juin 2021, n° 19LY03389, Sté Gaia : JurisData n° 2021-009481. 14 Revirement de sa jurisprudence antérieure du 22 octobre 1982, CE, 22 oct. 1982, n° 12522, Sté Sobeprim : JurisData n° 1982-041726 ; Lebon. 11 - Autorisation tacite et compétence liée du maire. – Une autorisation d’urbanisme peut-elle toutefois naître tacitement alors même que le maire était tenu de délivrer une décision expresse de rejet ? La cour administrative d’appel de Marseille15 était amenée à se prononcer sur la naissance d’une décision tacite alors même que le maire, après avis conforme du préfet, avait une compétence liée et ne pouvait par conséquent autoriser le permis. Dans cette circonstance, la cour a pu juger qu’en l’absence de disposition réglementaire expresse contraire, l’avis défavorable ne faisait néanmoins pas obstacle à ce qu’un permis tacite naisse au terme de ce délai en l’absence de notification au pétitionnaire. ATTENTION ➜ La question de la purge des recours portant sur une autorisation tacite et notamment la question du déféré préfectoral et du retrait sera donc particulièrement sensible pour le praticien. Un arrêt du Conseil d’État du 25 juin 2024 a rappelé l’obligation de l’autorité compétente de retirer l’autorisation tacite dont la naissance aurait pu être constatée nonobstant un avis conforme défavorable16. 3. Les conditions de mise en œuvre de l’autorisation tacite et son caractère exécutoire 12 - Indépendamment de la question de la naissance de l’autorisation, celle de son caractère exécutoire apparaît comme cruciale pour sécuriser le porteur de projet titulaire d’un permis tacite. L’article L. 424-8 du Code de l’urbanisme précise que « le permis tacite et la décision de non-opposition à une déclaration préalable sont exécutoires à compter de la date à laquelle ils sont acquis ». 13 - Obligation de communiquer l’autorisation tacite au préfet. – Cette disposition ne permet pas toutefois de déroger à celles de l’article L. 2131-6 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), en vertu desquelles le préfet a le pouvoir de déférer au tribunal administratif les actes qu’il estime contraires à la légalité dans les 2 mois suivant leur transmission. À cet égard, la transmission au préfet de l’ensemble des pièces constitutives du dossier de permis de construire est déterminante pour faire courir ce délai de 2 mois17. 15 CAA Marseille, 23 mars 2023, n° 22MA02284 : JurisData n° 2023004148. ‒ Et dans le même sens, CAA Douai, 25 janv. 2023, n° 21DA00937, Cne Landin. 16 CE, 25 juin 2024, n° 474026, min. Transition éco. c/ Mme G. : Lebon T. ; JCP N 2024, n° 28, act. 916, obs. L. Erstein. 17 CE, 6 mai 2015, n° 366004, Pallanca : JurisData n° 2015-010190 ; Lebon T.

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