1172 ÉTUDE IMMOBILIER Page 36 © LEXISNEXIS SA - LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 36 - 6 SEPTEMBRE 2024 risation d’urbanisme de manière tacite. La justification s’en trouve dans trois raisons principales. La première est que la stipulation d’une condition suspensive liée à l’obtention d’un permis de construire délivré expressément par l’autorité compétente facilite grandement la constatation de sa réalisation ou de son absence de réalisation dans la relation contractuelle entre les parties. La deuxième tient à ce que les établissements bancaires qui financent le projet au stade de l’acquisition du terrain comme au stade de la réalisation des travaux posent comme condition au déblocage des fonds voire comme condition à l’octroi du financement l’obtention d’une autorisation expresse1. La troisième est que la ligne jurisprudentielle adoptée par le Conseil d’État2 en matière d’autorisation tacite est très récente et il est vraisemblable que les porteurs de projets, leurs partenaires financiers et leurs conseils n’ont pas encore pris la mesure de son impact sur l’autorisation tacite et, en ce qui nous concerne, du permis de construire. 2 - S’il est difficile d’avancer des arguments de droit pour vaincre les préjugés de la première raison, il nous apparaît aujourd’hui comme une évidence que doivent être levées, pour ne pas dire balayées, les incertitudes entourant la naissance, l’efficacité et les conséquences attachées à la réalisation de travaux sur le fondement d’une autorisation tacite. Il faut avouer que les espoirs de reconnaissance de l’autorisation tacite à la suite de la réforme issue de l’ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005 relative au permis de construire et aux autorisations d’urbanisme ont rapidement été annihilés par l’opposition des services instructeurs. Ceux-ci refusaient en effet d’intégrer la volonté des pouvoirs publics d’encadrer les demandes de pièces complémentaires, lesquelles pouvaient, en toute illégalité, reporter ad vitam le point de départ du délai d’instruction, clé de voûte du dispositif de reconnaissance d’une autorisation tacite. La voie jurisprudentielle empruntée à cet égard par le Conseil d’État depuis quelques années ne procède pas d’une application libérale de la règle mais se justifie simplement par l’application littérale de la réforme de 2005-20073 face à l’urgence de mettre un terme aux pratiques illégales des services instructeurs qui 1 Il s’agirait d’une « tradition française » préférant l’acte écrit exprès au silence valant acceptation (O. Bonneau, S. Guirriex et C. Morot-Moromy, Les autorisation d’ubanisme : Gualino/Lextenso, 2024). 2 CE, sect., 9 déc. 2022, n° 454521, Cne Saint-Herblain : Lebon T. ; Dr. adm. 2023, comm. 20, note J. Martin ; Constr.-Urb. 2023, alerte 1, obs. M. Cornille et P. Cornille ; Constr.-Urb. 2023, comm. 2, note X. Couton. ‒ CE, 1er déc. 2023, n° 448905, Cne Gorbio : Lebon ; JCP N 2023, n° 50, act. 1242, obs. J.-Fr. Giacuzzo ; Dr. adm. 2024, comm. 20, note O. Le Bot ; JCP A 2024, 2007, note Fr. Polizzi ; Constr.-Urb. 2024, comm. 1, note X. Couton. ‒ CE, 24 oct. 2023, n° 462511, M. B. c/ Cne d’Aix-en-Provence : Lebon ; JCP A 2023, 2369, note Fr. Polizzi. 3 Ord. n° 2005-1527, 8 déc. 2005, relative au permis de construire et aux autorisations d’urbanisme : JO 9 déc. 2005, texte n° 30. – D. n° 200718, 5 janv. 2007, pris pour l’application de l’ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005 relative au permis de construire et aux autorisations d’urbanisme : JO 6 janv. 2007, texte n° 12. – D. n° 2012-274, persistaient nonobstant les interventions répétées des pouvoirs normatifs visant à réaffirmer la rigueur des principes posés par la réforme4. 3 - Nous sommes donc convaincus que la conjonction des principes relatifs à la reconnaissance d’une autorisation tacite (1) et de la levée de l’ensemble des obstacles liés à la naissance de l’autorisation tacite (2) comme de son caractère exécutoire et de sa pleine efficacité (3) plaident pour la reconnaissance par l’ensemble des acteurs de l’immobilier de la pleine efficacité d’un permis tacite. 1. Le silence de l’Administration, fondement de la reconnaissance tacite de l’autorisation 4 - Depuis l’ordonnance n° 2015-1341 du 23 octobre 20155, l’article L. 231-1 du Code des relations entre le public et l’administration affirme, pour la plupart des actes administratifs, le principe que « silence vaut acceptation », même si cette règle était spécifiquement prévue pour les autorisations d’urbanisme par l’article R. 424-1 du Code de l’urbanisme. La conséquence en est la naissance d’un acte individuel créateur de droit par le simple effet de l’expiration du délai au cours6 duquel l’Administration peut se prononcer. Une autorisation tacite est donc, par l’effet même de la loi, créatrice de droits et produit les mêmes effets qu’une autorisation expresse. ATTENTION ➜ Concernant les autorisations d’urbanisme, relevons toutefois qu’elles peuvent être soumises à un régime déro28 févr. 2012, relatif à certaines corrections à apporter au régime des autorisations d’urbanisme : JO 29 févr. 2012, texte n° 4. 4 D. n° 2015-482, 27 avr. 2015, portant diverses mesures d’application de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové et relatif à certaines actualisations et corrections à apporter en matière d’application du droit des sols : JO 29 avr. 2015, texte n° 45. ‒ L. n° 2018-1021, 23 nov. 2018, portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) : JO 24 nov. 2018, texte n° 1. ‒ D. n° 2019-481, 21 mai 2019, modifiant diverses dispositions du code de l’urbanisme : JO 22 mai 2019, texte n° 27. 5 Ord. n° 2015-1341, 23 oct. 2015, relative aux dispositions législatives du code des relations entre le public et l’administration : JO 25 oct. 2015, texte n° 2. 6 En matière d’autorisation d’urbanisme, le délai de droit commun est fixé par l’article R. 423-23 du Code de l’urbanisme : • un mois pour les projets soumis à déclaration préalable ; • 2 mois pour les demandes de permis de démolir ; • 2 mois pour les demandes de permis de construire portant sur un immeuble dont les surfaces sont exclusivement ou principalement affectées à un usage d’habitation et qui ne comporte pas plus de deux logements destinés au même maître d’ouvrage. ‒ CE, 26 mars 2018, n° 405330, Cne Cornillon-Confoux : JurisData n° 2018-004528 ; Lebon T. ; Constr.-Urb. 2018, comm. 68, note X. Couton. • 3 mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d’aménager.
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