La Semaine Juridique Notariale et Immobilière

Page 12 © LEXISNEXIS SA - LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 36 - 6 SEPTEMBRE 2024 1039-1041 BAIL D’HABITATION 1039 Changement d’affectation sans autorisation d’un local à usage d’habitation : condamnation in solidum du propriétaire et du locataire exclue Cass. 3e civ., 11 juill. 2024, n° 23-10.467, FS-B : JurisData n° 2024-010896 L’amende civile sanctionnant le changement d’usage sans autorisation dans certaines communes constitue une sanction ayant le caractère d’une punition. Le prononcé d’une telle sanction pénale est soumis aux principes de personnalité et d’individualisation de la peine, qui font obstacle à toute condamnation in solidum du propriétaire et du locataire. En l’espèce, les propriétaires d’un local à usage d’habitation louent ce bien à une association. La ville où est situé ce local constate une infraction aux dispositions de l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation, qui régit les conditions de location des locaux à usage d’habitation. En conséquence, elle assigne les propriétaires et la locataire devant le président du tribunal de grande instance de Paris, en référé. La ville demande leur condamnation solidaire au paiement d’une amende civile, estimant que les dispositions légales avaient été violées. Pour rappel, avant l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation prévoit l’obligation d’obtenir une autorisation préalable pour changer l’usage de locaux destinés à l’habitation dans certaines communes. C’est une réglementation visant à encadrer la transformation de logements en d’autres types de locaux. Selon l’article L. 651-2 du même code, en cas de non-respect de l’obligation d’autorisation préalable, une amende civile peut être prononcée à l’encontre du contrevenant. La Cour de cassation a déjà eu l’occasion de juger que cette amende civile constitue une sanction pénale (Cass. 3e civ., 5 juill. 2018, n° 18-40.014 QPC : JurisData n° 2018-013120. – Cass. 3e civ., 9 nov. 2022, n° 21-20.464 et 21-20.814 : JurisData n° 2022-018696). À ce titre, son prononcé doit respecter les principes de personnalité et d’individualisation des peines, qui impliquent notamment qu’une même peine ne peut pas être prononcée solidairement à l’encontre de plusieurs personnes (V. dans le même sens, Cass. 3e civ., 11 juill. 2024, n° 23-13.789, FS-B : JurisData n° 2024010901 ; JCP N 2024, n° 35, act. 1014). Dans l’arrêt attaqué, la cour d’appel a condamné solidairement les bailleurs et la locataire à payer la même amende civile pour changement d’usage sans autorisation. En statuant ainsi, les juges ont violé les textes et principes rappelés, notamment le principe de personnalité des peines qui interdit de prononcer une condamnation solidaire à une amende civile ayant le caractère d’une peine. En résumé, la Cour de cassation reproche à la cour d’appel d’avoir condamné solidairement plusieurs personnes à la même amende civile, ce qui est contraire au principe de personnalité des peines applicable à cette sanction de nature pénale. • Pour aller plus loin : JCl. Administratif, Synthèse 220. SOCIÉTÉ (EN GÉNÉRAL) 1040 Cession de titres : éléments à considérer pour caractériser un abus de l’état de dépendance Cass. com., 10 juill. 2024, n° 22-21.947, FS-B : JurisData n° 2024-010757 En l’espèce, le 6 octobre 2017, des vendeurs cèdent la totalité des titres composant le capital social de leur entreprise à l’acheteur. L’article 3 de l’acte de cession stipule que le prix de vente est fixé à 250 000 €, sous réserve que le montant des capitaux propres retraités de l’entreprise soit au moins égal à 262 000 €. Les vendeurs s’engagent irrévocablement à restituer à l’acheteur, à titre de réduction du prix de vente, une somme correspondant à la différence entre 262 000 € et le montant des capitaux propres retraités au 30 septembre 2017. L’acheteur assigne les vendeurs en paiement d’une somme au titre de la clause d’ajustement du prix de cession stipulée dans l’acte de cession. Les vendeurs, soutenant que l’acheteur a abusé de leur état de dépendance, opposent la nullité de cette clause à la demande de l’acheteur. Le juge du fond a relevé que, le 4 octobre 2017, l’acheteur a transmis aux vendeurs un projet d’acte de cession à régulariser avant le 6 octobre suivant, incluant la clause d’ajustement de prix litigieuse. Les vendeurs étaient assistés de leur avocat et de leur expert-comptable tout au long des négociations avec l’acheteur. L’arrêt attaqué retient que, bien que les vendeurs se trouvaient en état de dépendance à l’égard de l’acheteur, ils n’ont pas tenté de s’opposer aux nouvelles exigences avant la signature de l’acte de cession. De plus, par un avenant conclu le jour même de la signature de l’acte de cession, les vendeurs ont précisé la notion de capitaux propres retraités et inclus une clause de complément de prix pour une éventuelle indemnité perçue d’un tiers. Ainsi, des négociations sur le prix définitif de cession ont eu lieu le jour de la signature du contrat. La cour d’appel a ainsi constaté que les vendeurs avaient conservé la faculté de ne pas accepter les exigences de l’acheteur. En se basant sur des éléments concomitants ou postérieurs à la date de formation du contrat, juge la Cour de cassation, elle a pu apprécier la réalité du vice du consentement allégué. Elle a pu conclure qu’aucun abus n’était caractérisé à l’encontre de l’acheteur, et que le vice du consentement allégué n’était pas établi. Ainsi, les juges du fond peuvent se fonder sur des éléments concomitants (au moment des faits) ou même postérieurs à la date de conclusion du contrat pour apprécier si un vice du consentement comme un abus d’état de dépendance est effectivement caractérisé. • Pour aller plus loin : JCl. Civil Code, Synthèse 570. – JCl. Civil Code, Synthèse 990. SOCIÉTÉ (EN GÉNÉRAL) 1041 Société dissoute : l’Administration doit s’assurer de la qualité du destinataire de ses actes de procédure CE, 19 juill. 2024, n° 488164 Dans un arrêt du 19 juillet, le Conseil d’État précise les règles de représentation d’une société après sa dissolution et la clôture de sa liquidation. Le juge de cassation souligne l’obligation pour l’Administration de s’assurer de la qualité du destinataire de ses actes de procédure dans cette situation. Après la dissolution anticipée d’une société, même non commerciale, sa personna- © GABRIELE MALTINTI_ISTOCK_GETTY IMAGES PLUS

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