Page 11 LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 36 - 6 SEPTEMBRE 2024 - © LEXISNEXIS SA ACTUALITÉS 1037-1038 JCP A 2018, act. 867. – V. infra, JCP A 2019, 2037 où le projet entrait dans le champ des autorisations, mais n’avait pas été soumis à la commission départementale d’aménagement commercial). Et le Conseil d’État a ensuite précisé que la cour n’a pas, pour retenir sa compétence, à rechercher au préalable si le projet à l’origine de la demande de permis modificatif emporte des modifications substantielles, au sens de l’article L. 752-15 du Code de commerce, du projet qui avait antérieurement obtenu une autorisation d’exploitation commerciale (CE, 18 nov. 2020, n° 420857, 420905, Sté MG Patrimoine et a. : Lebon T. ; JCP A 2020, act. 681). Les cours administratives d’appel sont également compétentes, par exception, pour statuer en premier et dernier ressort sur les litiges relatifs aux autorisations d’exploitation commerciale délivrées par les commissions d’aménagement commercial lorsque le projet ne nécessite pas de permis d’urbanisme. En l’espèce, après avoir recueilli l’avis de la commission départementale d’aménagement commercial compétente, le maire a délivré à la société concurrente de la société requérante, un permis de construire pour la création d’un supermarché. Confirmant la cour administrative d’appel, le Conseil d’État rappelle, de manière pédagogique (« sur les règles applicables au litige ») qu’en dehors des deux exceptions précitées, et sauf autres dispositions spéciales, les cours administratives d’appel ne sont pas compétentes pour connaître en premier et dernier ressort d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision prise par l’autorité compétente en matière d’urbanisme sur une demande de permis de construire. Dans le cas présent, le projet a certes été soumis à la commission départementale d’aménagement commercial, mais le projet ne portait pas sur une surface réelle de vente nécessitant une autorisation commerciale. Par conséquent, le litige portant sur un permis de construire ne valant pas autorisation d’exploitation commerciale, il relevait, en première instance, du tribunal administratif. Ensuite, le Conseil d’État a également confirmé la cour qui a fait application des dispositions de l’article R. 351-4 du Code de justice administrative et n’a pas renvoyé le litige en raison de son irrecevabilité. En effet, saisie d’un « simple » recours contre un permis de construire, la cour était fondée à retenir l’irrecevabilité manifeste de la requête, sans renvoyer le litige au tribunal administratif, en raison du défaut d’intérêt à agir, dès lors que la distance séparant le projet des établissements de la société requérante était importante – au moins 11 minutes de trajet en voiture. Vivien Beaujard • Pour aller plus loin : JCl. Collectivités territoriales, Synthèse 230. NOTAIRE 1038 Questions à la CJUE sur la double rémunération des notaires dans les successions transfrontalières CJUE, demande de décision préjudicielle, 30 avr. 2024, aff. C-321/24, Attal et Associés : JOUE C 19 août 2024 Le Tribunal judiciaire de Paris a soumis une demande de décision préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) en ce qui concerne l’assiette de la double rémunération des notaires de deux États membres de l’Union européenne saisis d’une même succession comprenant des biens dans les deux États membres (en l’espèce France et Belgique). Les questions posées portent sur l’interprétation des articles 63(1) et 65(1) du TFUE, qui régissent la libre circulation des capitaux et certaines exceptions à celle-ci. Faits. – En l’espèce, la défunte était propriétaire de biens mobiliers et immobiliers situés en France et en Belgique. Elle résidait en Belgique tandis que son unique héritière réside en France. La succession a été ouverte par le notaire belge qui a concomitamment établi l’acte d’hérédité. Le notaire français a, de son coté, été saisi pour établir la déclaration de succession en France qui indique l’ensemble du patrimoine de la défunte, qu’il soit situé en France et en Belgique. L’héritière a en effet l’obligation légale de recourir aux services d’un notaire en France pour établir la déclaration de succession française imposée par les textes fiscaux puisque la valeur de la succession est supérieure à 5 000 € et qu’elle comprend des biens immobiliers. L’héritière a payé les impôts relatifs à la succession en France, puis elle a payé les impôts relatifs à la succession en Belgique, mais diminués des impôts réglés en France, en application de la convention fiscale franco-belge du 20 janvier 1959. Elle a également payé la rémunération du notaire belge, calculée sur l’intégralité des actifs bruts de la succession ainsi que, par provision, la rémunération du notaire français, calculée également sur l’intégralité des actifs bruts de la succession, mobiliers et immobiliers, situés en France et en Belgique, selon projet de taxe. Litige sur la rémunération du notaire français. – Le notaire français, qui soutient que l’application du droit français lui permet de calculer sa rémunération sur l’intégralité des actifs bruts de la succession, situés en France ou non, conformément aux articles 800 du CGI et A. 444-63 du Code de commerce, a émis sa facture de taxe en ce sens. De son côté, l’héritière, si elle ne conteste pas le principe de la rémunération du notaire français pour la déclaration de succession, en conteste l’assiette. Elle considère notamment que la rémunération du notaire français, calculée sur l’intégralité de l’actif brut de la succession, sans prise en compte de la rémunération du notaire belge qui est le notaire territorialement compétent pour connaître de la succession au vu de la résidence habituelle de la défunte en Belgique, également calculée sur l’intégralité de l’actif brut de la succession, constitue une restriction à la libre circulation des capitaux prévue par l’article 63 du TFUE en ce qu’elle diminue la valeur de la succession. Questions posées à la CJUE. – Dans le cadre de ce litige, le Tribunal judicaire de Paris a donc, par ordonnance du 4 avril 2024 déposée le 30 avril devant la CJUE, décidé de lui soumettre les quatre questions suivantes : 1) L’article 63 § 1 TFUE doit-il s’interpréter en ce sens qu’il s’oppose à une double rémunération des notaires de deux États membres de l’Union européenne saisis d’une même succession comprenant des biens dans les deux États membres, dont le calcul est également assis sur l’intégralité des actifs bruts de la succession, sans prise en compte de la rémunération versée à l’autre notaire, alors que l’intervention du notaire est légalement imposée ? 2) L’article 63 § 1 TFUE doit-il s’interpréter en ce sens qu’il s’oppose à ce que la rémunération du notaire, dont l’intervention dans une succession comprenant des biens dans deux États membres de l’Union européenne est légalement imposée, soit calculée sur l’intégralité de l’actif brut de la succession et non seulement sur les actifs bruts situés dans son État membre ? 3) Les articles 63 § 1 et 65 § 1 sous a) TFUE doivent-il s’interpréter en ce sens que la double rémunération de deux notaires, saisis d’une même succession, également calculée sur l’intégralité des actifs bruts de la succession situés dans les deux États membres, peut constituer une « disposition pertinente de leur législation fiscale » faisant exception à l’interdiction de restreindre les mouvements des capitaux prévue au premier de ces textes, alors que l’intervention du notaire est légalement imposée ? 4) Les articles 63 § 1 et 65 § 1 sous b) TFUE doivent-il s’interpréter en ce sens que la double rémunération de deux notaires, saisis d’une même succession, également calculée sur l’intégralité des actifs bruts de la succession situés dans les deux États membres, peut constituer une mesure indispensable pour faire échec aux infractions fiscales ou une procédure de déclaration des mouvements de capitaux à des fins d’information administrative ou statistique faisant exception à l’interdiction de restreindre les mouvements des capitaux prévue au premier de ces textes, alors que l’intervention du notaire est légalement imposée ?
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