La revue fiscale du patrimoine

57 Le droit français des investissements étrangers évolue de manière empirique, depuis une dizaine d’années, en faveur d’un renforcement général du mécanisme de l’autorisation. - La Direction générale du Trésor a lancé une consultation publique dans le but d’élaborer des lignes directrices du contrôle des investissements étrangers en France. - L’imprécision actuelle du domaine du contrôle est sans doute la principale piste d’amélioration à envisager. 1. Qu’est-ce que le droit des investissements étrangers ? « Les relations financières entre la France et l’étranger sont libres » (C. mon. fin., art. L. 1-151). Le principe a été posé par la loi n° 66-1008 du 28 décembre 1966 relative aux relations financières avec l’étranger. Il n’a pas été modifié depuis cette date mais doit, cependant, être concilié avec la nécessité de protéger les intérêts nationaux. Le droit français a donc instauré deux filtres auxquels doivent se soumettre les investissements étrangers. Le premier est une autorisation délivrée par le ministre de l’Économie et des Finances pour les investissements visant des domaines sensibles. Le second est une déclaration à la Banque de France permettant d’assurer un suivi statistique des flux financiers avec l’étranger (C. mon. fin., art. R. 152-1 et s.). L’ensemble formé par ces deux filtres constitue, stricto sensu, le droit des investissements étrangers. 2. Comment a évolué le droit français des investissements étrangers au cours des dernières années ? Le droit français des investissements étrangers évolue de manière empirique, depuis une dizaine d’années, en faveur d’un renforcement général du mécanisme de l’autorisation. Ce renforcement s’est manifesté par une extension progressive du domaine des activités soumises au contrôle, extension qui a débuté en 2014 (D. n° 14 ,479-2014 mai 2014 : JO 15 mai 2014, p. 8062 ; JCP E 2014, act. 371) et qui a été poursuivie par une série de textes successifs. Ce renforcement s’est également manifesté par une consolidation du mécanisme dont le point de départ a été un décret de 2017 (D. n° 2017-932, 10 mai 2017 : JO 11 mai 2017, texte n° 4 ; JCP E 2017, act. 395 ; JCP E 2017, 1480, note P.-A. Lienhardt et A. Rambaud). La loi Pacte est, Ndlr : Libres propos publiés in JCP E 2022, act. 340. ensuite, venue étendre les pouvoirs du ministre de l’Économie et des Finances en lui accordant, en particulier, des possibilités de contraintes en cas de nonrespect de l’exigence d’autorisation (L. n° 2019-486, 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises : JO 23 mai 2019, texte n° 2 ; JCP E 2019, act. 359. - V. pour un dossier sur la loi Pacte, JCP E 2019, 1317 et s.). La même année, un décret du 31 décembre, complété par un arrêté du même jour, ont achevé cette consolidation à l’occasion d’une refonte générale des textes régissant l’autorisation (D. n° 2019-1590, 31 déc. 2019 : JO 1er janv. 2020, texte n° 35 ; A. n° ECOT1937237A, 31 déc. 2019 : JO 1er janv. 2020, texte n° 38. - V. JCP E 2020, act. 33). Plus récemment, plusieurs décrets se sont succédé afin d’abaisser le seuil de l’autorisation pour les investissements étrangers dans les sociétés cotées. Cet abaissement est temporaire et justifié par la crise sanitaire (D. n° 2020-892, 22 juill. 2020 : JO 23 juill. 2020, texte n° 16. - D. n° 2020-1729, 28 déc. 2020 : JO 30 déc. 2020, texte n° 35 ; JCP E 2021, act. 12. - D. n° 2021-1758, 22 déc. 2021 : JO 24 déc. 2021, texte n° 12 ; JCP E 2022, act. 32, ce dernier prolonge l’abaissement du seuil jusqu’au 31 décembre 2022) mais il s’inscrit dans la logique suivie depuis 2014. 3. Comment pourrait évoluer le droit français des investissements étrangers dans les mois à venir ? La Direction générale du Trésor a lancé une consultation publique dans le but d’élaborer des lignes directrices du contrôle des investissements étrangers en France. L’objectif est assurément louable : la pratique des lignes directrices a démontré de réelles vertus dans d’autres domaines, comme celui du droit de la concurrence, et on sait aujourd’hui que leur valeur juridique n’est pas négligeable (V. CE, sect., 12 juin 2020, n° 418142, Gisti : JCP A 2020, 2189 ; JCP A 2020, act. 351). Le moyen l’est aussi : le recours à la consultation publique s’est largement développé au cours des dernières années et est devenu un outil à part entière de la technique législative. Sur le fond, on peut espérer que cette consultation conduise aux évolutions suivantes. Préciser le domaine du contrôle, d’une part. - L’imprécision actuelle du domaine du contrôle est sans doute la principale piste d’amélioration à envisager. Sur la notion d’investissement, d’abord. Les textes soumettent à autorisation le fait d’acquérir le contrôle, la branche ou les droits de vote d’une entité exerçant une activité jugée comme sensible en France. Mais qu’en estil des créations d’entreprises (greenfield projects) ? Littéralement, les textes font échapper au contrôle les créations d’entreprises en France par des investisseurs étrangers, dans les secteurs protégés. Ce point gagnerait à être Améliorer le droit des investissements étrangers en 2022 Xavier Lemaréchal, avocat, directeur associé, KPMG Avocats Clément Barrillon, maître de conférences à l'université Paris Nanterre © Droits réservés © Droits réservés

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