La revue fiscale du patrimoine

55 •  l’actionnaire deviendrait imposable directement dans son État, sans prise en compte de l’interposition de l’entité écran. Certificat de résidence. - En outre, il est prévu qu’aucun certificat de résidence ne puisse être émis par l’État de résidence de la société écran, afin de faire échec à l’application d’une convention fiscale conclue avec cet État membre (même si l’autre État est un État tiers à l’Union). L’État de résidence pourrait aussi, alternativement, délivrer un certificat de résidence précisant que l’entité ne peut pas bénéficier des conventions fiscales visant à lutter contre la double imposition. Au demeurant, l’État membre de résidence de l’entité écran resterait libre d’appliquer sa législation fiscale interne. Transparence fiscale. - En raison de la neutralisation des avantages fiscaux, l’entité écran deviendrait fiscalement transparente : l’actionnaire serait imposé directement sur les revenus de l’entité fictive et pourrait déduire, en application du droit interne, les impositions acquittées par l’entité écran dans son État de résidence et les retenues à la source supportées dans l’État de la source du revenu imposé (le cas échéant, au taux de la convention fiscale conclue entre l’État de la source et l’État de l’actionnaire). Effets fiscaux au sein des États membres. - Au sein de l’Union européenne, l’État de la source et l’État de l’actionnaire seraient privés des avantages fiscaux liés à l’interposition de la société écran dans son État de résidence. En effet, l’État de la source ne pourrait pas appliquer d’exonération prévue par une directive en cas de revenu encaissé par une société écran, tout comme la convention fiscale conclue entre l’État de la source et l’État de résidence de la société écran ne pourrait pas s’appliquer. L’imposition du revenu s’effectuerait en appliquant le droit interne de l’État de la source et de l’État de l’actionnaire, sous réserve de l’application d’une convention fiscale internationale liant ces deux États. Effets fiscaux en présence d’un État tiers. - La proposition de directive s’appliquerait aux seules sociétés écrans résidentes d’un État membre de l’Union21. Néanmoins, dans l’hypothèse où l’État de la source ou l’État de l’actionnaire serait un pays tiers à l’Union, les avantages fiscaux liés à l’interposition de la société écran dans un État membre seraient également neutralisés : l’État membre de résidence de l’entité écran devrait la considérer comme transparente. Si l’État de l’actionnaire est un pays tiers, l’État membre de la source devrait appliquer la retenue à la source prévue par le droit interne (le cas échéant, avec l’application de la convention fiscale avec l’État tiers de l’actionnaire) ; si l’État de la source est un pays tiers, l’État membre de l’actionnaire devrait imposer le revenu de la société écran directement entre les mains de l’actionnaire (le cas échéant, avec application de la convention fiscale conclue avec l’État de la source et la déduction de l’impôt supporté dans l’État de résidence de l’entité écran). Il est alors possible que des phénomènes de double imposition apparaissent : la future directive ne devrait pas produire d’effet dans les États tiers qui ne reconnaîtraient pas la transparence fiscale de ces entités fictives. Échange automatique d’informations. - Pour la mise en œuvre de ces mesures, un mécanisme d’échange automatique d’informations entre États membres devrait être mis en place. Un répertoire central serait prévu pour 21  Une autre proposition de directive est annoncée courant 2022 pour les entités éc ors de l’UE. 22  C’est-à-dire son absence de moyens matériels et humains, ou de consistance suffisante, pour exercer son activité. 23  Sur l’appréciation du caractère principalement ou exclusivement fiscal au regard de la jurisprudence du Conseil d’État et de la CJUE : J. Turot, Demain, serons-nous tous des Al Capone ? – À propos d’une éventuelle prohibition des actes à but principalement fiscal : Dr. fisc. 2013, n° 36, 394. 24  La remise en cause de montages relevant de l’abus de droit peut s’établir sur le fondement d’un dispositif anti-abus ou sur le fondement du principe général de répression des abus de droit. Récemment : CE, 4 févr. 2022, n° 455278, Sté Hays France : JCP N 2022, n° 7-8, act. 285. – En dehors d’une procédure fondée sur le fondement de l’article L. 64 du LPF (c’est-à-dire en dehors d’un contrôle fiscal, dans le cas d’une réclamation par exemple), le Conseil d’État a rappelé que l’administration fiscale, en application d’un principe général des abus de droit, peut considérer qu’un acte lui est inopposable, dès lors qu’il est fictif ou qui, recherchant le bénéfice d’une application littérale d’un texte fiscal à l’encontre des objectifs poursuivis par le législateur, n’a pu être inspiré par aucun motif autre que celui d’éluder l’impôt (CE, 27 sept. 2006, n° 260050, Janfin : JurisData n° 2006-081020 ; Dr. fisc. 2006, n° 47, comm. 744, note L. Olléon ; RFP 2006, comm. 120, note A. D’Hieux-Lardon et Th. Lefebvre. – CJCE, 21 févr. 2006, aff. C-255/02, Halifax : Europe 2006, comm. 128, note Fl. Mariatte). 25  CJUE, 26 févr. 2019, aff. jtes C-116/16 et C-117/16 : JurisData n° 2019-003095. – CJUE, 26 févr. 2019, aff. jtes C-115/16, C-118/16, C-119/16 et C-299/16 : JurisData n° 2019-003096. centraliser les déclarations réalisées au sein des États membres de l’UE par les sociétés à risque, ainsi que les informations relatives aux examens individuels, au renversement de la présomption et aux exonérations des obligations découlant de la directive. Les informations devraient être intégrées dans le fichier sous un délai de 30 jours, à compter de leur réception. Au regard d’éléments éveillant une suspicion qu’il pourrait communiquer, un État membre pourrait solliciter de l’État de résidence d’une entité potentiellement fictive la mise en œuvre d’un contrôle. L’État de résidence serait tenu de procéder à un contrôle fiscal dans un délai raisonnable et devrait en rendre compte à l’État demandeur. Les États membres seraient compétents pour définir les sanctions applicables en cas de défaut déclaratif, sous réserve d’une pénalité minimale de 5 % du chiffre d’affaires de la société écran. Délai. - Si elle est adoptée, la proposition de directive doit être transposée avant le 30 juin 2023 et doit entrer en application le 1er janvier 2024. Les entreprises auraient moins de 2 ans pour se préparer à cette nouvelle grille d’analyse et pour rendre leurs structures conformes à ce nouveau cadre. B. - Les conséquences plausibles de la nouvelle définition au regard du droit interne Dispositifs anti-abus en droit interne. - À ce jour, il n’existe pas de définition d’une entité écran en droit interne. Cette notion est généralement implicitement et indirectement appréhendée à travers des dispositifs anti-abus généraux. Ceux-ci entendent démontrer l’absence de substance économique de l’entité considérée22 et son interposition à des fins exclusivement (LPF, art. L. 64) ou principalement (CGI, art. 205 A et art. 210-0 A, III. – LPF, art. L. 64 A) 23 fiscales24. De la sorte, l’Administration peut refuser le bénéfice d’avantages fiscaux à des contribuables qui entendent abuser de la loi fiscale via une application littérale contraire à l’intention du législateur. Jurisprudence de la CJUE et du Conseil d’État. - Sur le fondement de la théorie de l’abus de droit, le Conseil d’État et la Cour de justice de l’Union européenne ont jugé que l’Administration était fondée à remettre en cause le bénéfice de l’exonération sur les dividendes ou sur les intérêts et redevances. En application du principe général du droit de l’Union selon lequel les justiciables ne sauraient frauduleusement ou abusivement se prévaloir des normes du droit de l’Union, la CJUE a jugé que le bénéfice d’une exonération de retenue à la source prévue par une directive doit être refusé en présence d’une telle pratique (même si le droit interne ne prévoit aucune sanction). En 201925, la CJUE a précisé que la preuve d’une telle pratique nécessitait : •  la réunion d’un ensemble de circonstances objectives établissant que, malgré un respect formel des conditions prévues par la réglementation de l’Union, l’objectif poursuivi par cette réglementation n’a pas été atteint ; •  un élément subjectif consistant en la volonté d’obtenir un avantage résultant de la réglementation de l’Union, en créant artificiellement les conditions requises pour son obtention. La CJUE précise : « Peuvent constituer de tels indices, notamment, l’existence de sociétés relais n’ayant pas de justification économique ainsi que le caractère

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