37 des acteurs en fonction de leur réputation fiscale. Ainsi, se sont ouverts des régimes de « relations favorisées »50 (type relation de confiance issue de la loi ESSOC51 en France) qui permettent aux acteurs à « bonne réputation fiscale » de bénéficier d’une approche « bienveillante » des autorités, en échange d’une transparence accrue. Même si ces régimes ont un effet objectif d’allocation des ressources répressives aux contribuables à plus fort risque, ils continuent parfois à valoriser la réputation fiscale ou à dévaloriser la mauvaise réputation fiscale, réputation mesurée au regard de l’application passée de pénalités. La réputation fiscale est alors objectivement négativement affectée par l’application de pénalités alors même que l’effet financier immédiat a déjà été pris en compte par leur règlement. Notre proposition est d’inclure de manière plus volontariste dans le modèle la peur de voir affecter sa réputation fiscale et d’en subir des conséquences financières nettes C. - Approche optionnelle de valorisation de la stratégie fiscale sur la réputation 62. - Certaines études se sont intéressées à l’effet avéré de la prise en compte de la réputation fiscale dans les décisions fiscales52. En ligne avec nos précédents commentaires, l’idée est d’observer de manière objective la décision d’optimisation au regard, d’une part, de l’intérêt immédiat discounté du risque technique (par exemple incertitude sur l’application au cas donné) mais, d’autre part, en évaluant cette décision au regard des conséquences futures et l’incertitude sur le bénéfice à long terme escompté. Le bénéfice à long terme escompté peut prendre en compte l’impact sur la réputation fiscale, dans la mesure où un agent le prendrait en compte et l’utiliserait comme élément de la décision. On peut noter que même si ce risque réputationnel est complexe à évaluer précisément, le modèle a le mérite (et la difficulté) de prendre en compte l’espérance de gain et de risque réputationnel de chaque agent au moment de sa décision. 63. - Les partisans directement ou indirectement de cette analyse convaincante proposent de l’utiliser pour modifier les politiques fiscales publiques, en diminuant la valeur optionnelle de l’avantage financier. La limite est qu’un raisonnement purement objectif conduirait mécaniquement à proposer d’augmenter l’incertitude fiscale pour les stratégies d’optimisation afin d’augmenter le risque (y compris réputationnel) et donc de baisser la valeur de l’option. Ce n’est pas notre proposition. La méthode de valorisation est dite optionnelle car il est considéré que l’agent a le choix ou non de mettre en place une optimisation. 64. - Cette approche se fonde sur le modèle traditionnel et objectif de justification des décisions des entreprises : valeur présente ou prise en compte des coûts/avantages. Lorsque cette évaluation est positive (ou suffisamment positive selon le profil de risque choisi), l’agent met en place sa décision. Les observations historiques démontrent que le contribuable décide aussi de mettre en œuvre une optimisation en fonction de la peur d’être découvert et d’être puni en ligne avec une analyse pénale53. Notre proposition est d’inclure de manière plus volontariste dans le modèle la peur de voir affecter sa réputation fiscale et d’en subir des conséquences financières nettes. L’existence de la combinaison des deux effets à prendre en compte nous semble objectivement reconnue à ce stade, nous ne proposons que de les surpondérer. 50 Enhanced relations. 51 L. n° 2018-727, 10 août 2018, pour un État au service d’une société de confiance dite « loi ESSOC » : JO 11 août 2018, texte n° 1 ; JCP E 2018, act. 642. 52 Van De Vijver, Cassimon, Engelen, A real option approach to sustainable corporate tax behavior, 3 juill. 2020. 53 Engelen, Lander, van Essan, Whzt determines crime rate ? An empirical test of integrated economic and sociological theories on criminal behaviors : Soc Si J2016, 53, p. 247-262. - Et en fiscalité, Alllingham, Sandmo, income tax evasion : a theoretical analysis : J public econ. 1972, 1, p. 323-338. 54 Par ex. lorsqu’un système est offert aux entreprises (rescrit simple..) et que la situation politique permet l’utilisation optimale de ce système. 55 Cassimon, Engelen, van Liederkerke, when do firms invest in corporate social reponsiblity ? A real option framewo rk : J.Bus Ethics, 2016, 137, p. 15-29. 65. - L’étude doit aussi prendre en compte la flexibilité et la capacité à sortir de la stratégie incriminée, élément qui valorise le bénéfice tiré de la stratégie mais aussi augmente le risque réputationnel. En effet, cet élément nous semble important, la capacité à faire cesser les effets négatifs sur la réputation par une simple remise en état n’étant pas toujours validée, soit parce qu’un système de régularisation n’est pas possible, soit que ce système n’est pas ouvert lorsque le comportement est mis en évidence dans le cadre de contrôles. 66. - On retrouve ainsi l’analyse optionnelle de porter une mention expresse sur une déclaration qui permet un échange entre la valeur négative d’être découvert qui augmente donc (et diminue corrélativement la valeur de l’option de faire) avec celle, positive, de voir des pénalités limitées (qui diminue l’effet négatif sur la valeur de l’option et encourage donc à faire). Cette stratégie est donc équilibrée financièrement (neutre lorsque les deux effets se compensent), tout en diminuant le risque réputationnel aboutissant finalement, en application de la théorie décrite ici, à un avantage financier global encore plus démontré. 67. - Enfin, cette méthode permet aussi d’évaluer les conséquences d’une modification du timing de mise en place d’une optimisation. On peut en effet penser que le risque réputationnel peut être différent en fonction de l’époque de mise en place, par exemple en sortie de crise sanitaire, en période d’élection. Cela signifie que la maximisation de la décision et donc la valeur positive de l’option de faire voudrait que l’on investisse sur sa réputation lorsque le prix est faible mais l’effet escompté maximum54 et que l’on mette en place une optimisation lorsque le coût de la réputation est faible (par exemple hors élection ou opération déclarée). Cette remarque, non validée par des études, nous semble un élément pour juger de la stratégie fiscale des entreprises factuellement et leur profil de risque. 68. - Ainsi, à l’instar des études relatives à la RSE55, nous pensons que cette vision permet de valoriser l’investissement en réputation fiscale lorsque celui-ci a un effet objectif sur la valeur de l’option. Décider d’investir dans la réputation fiscale devint alors une décision objective au même titre que celle de mettre en place une optimisation. Ce serait une manière de valoriser objectivement une entrée dans un système de relation de confiance, l’élément d’incertitude et de découverte disparaissant en augmentant corrélativement la valeur de l’option. 69. - De même, si la valeur de l’option est abaissée en raison de l’incertitude de la valeur de l’optimisation dans le temps (par exemple attente d’une décision imminente ou publication), l’approche retenue permet d’identifier cette augmentation de valeur liée à cette attente. En plus de permettre une décision en fonction de l’impact sur la réputation fiscale, cette méthode donne une indication aussi du moment le moins risqué pour investir, en fonction de l’évolution de l’incertitude dans le temps. On peut ainsi déterminer le moment où il est le plus opportun d’investir dans un planning ou non, mais aussi le moment où il est opportun d’investir dans la réputation fiscale. 70. - On voit immédiatement que cet instrument peut constituer une méthode pour guider la politique publique fiscale y compris baisser la pression fiscale pour diminuer le bénéfice de l’optimisation mais améliorer la certitude des ressources budgétaires. On peut aussi offrir des garanties sur la réputation fiscale en échange d’un comportement moins agressif. On peut ainsi probablement justifier la mise en place de la relation de confiance issue de la loi ESSOC par la théorie de l’option : la sécurité offerte à l’entrée
RkJQdWJsaXNoZXIy MTQxNjY=