La revue fiscale du patrimoine

35 40. - Pourtant, le sujet est au centre des stratégies affichées. Ainsi, on notera que de nombreux managements mentionnent la réputation fiscale comme un élément de choix de leur stratégie fiscale, donnant au critère une importance plus grande que les études empiriques35. Notons par exemple que 40 % des CEO considèrent que les médias influencent leur stratégie et 14 % supplémentaire que cette influence est significative36. Ces mêmes CEO considèrent aussi que le danger le plus important est celui de la réputation. Devoir s’expliquer sur ses décisions dans ce domaine et justifier de leur caractère non agressif devient une charge potentielle qui doit être prise en compte. C’est probablement cette évolution, liée à la multiplication des obligations déclaratives, qui a augmenté la valorisation de la réputation fiscale a minima en augmentant les coûts de maintenance de celle-ci. La simple observation ne permet pas de quantifier objectivement cette augmentation. 41. - Pour nuancer notre propos, nous mentionnerons l’exemple des paradis fiscaux, sujet longtemps au centre de la question de la réputation fiscale qui s’est un peu déplacé vers une question macroéconomique avec les évolutions de l’OCDE récentes. 42. - La question objective de la présence des groupes dans les paradis fiscaux a été un élément de communication choisi par les autorités mondiales, les NGOs et de nombreux médias à partir de la fin des années 2000 et plus encore postérieurement à la crise financière de 2008. L’idée n’est plus d’éliminer la compétition fiscale, mais de rendre transparents les régimes de faveur fiscaux afin de ne pas fausser la concurrence. On parle désormais de territoires non coopératifs. Cette approche retenue par les autorités européennes et l’OCDE entraîne au cours du temps la mise en place d’obligations de transparence pour les États mais aussi pour les entreprises. L’effet escompté n’est pas totalement atteint et de nombreuses entreprises conservent des présences dans des États à fiscalité privilégiée. On notera que les banques qui étaient les premières ciblées par la législation européenne n’ont pas réduit leur présence dans ces États (tout au moins selon les analyses développées par certaines NGOs)37. 43. - Cette évolution ne nous semble pas avoir affecté, sauf au départ, la valeur de la réputation fiscale. On observe que les acteurs les plus sophistiqués se sont au contraire organisés38 pour répondre à cette contrainte et limiter les coûts liés aux contraintes pour la stratégie fiscale. Ces organisations ont toutefois probablement arrêté d’ignorer ce risque, le valorisant implicitement. 3. La valorisation de la réputation fiscale : une évidence de marché 44. - Au regard de ce qui précède, nous pourrions être tenté de considérer que la réputation fiscale n’a, au pire, pas de valeur et, au mieux, peut apparaître comme une valorisation marginale et subjective si d’autres éléments de valorisation de la stratégie fiscale existent. 45. - Cette conclusion nous paraît assez superficielle et se heurte à certaines observations. 35  eJournal of Tax Research, 2015, vol. 13, n° 1, p. 5-50 5. Role of reputational risk in tax decision making by large companies Dr C. Lavermicocca1 and Dr J. Buchan. 36  PricewaterhouseCoopers, « Tax Strategy and Corporate Reputation—a Business Issue », 2013, 7. 37  Fl. Collomp, Les banques aiment toujours autant les paradis fiscaux : Le Figaro, 6 sept. 2021. 38  Managerial ability and tax aggressiveness : https//ssrn.com/bstract=234695. 39  K. Campbell, Starbucks : Social Responsibility and Tax Avoidance. 40  Peut-être cette baisse constituait une mesure pour l’entreprise du risque maximum identifié d’une baisse de valeur de la réputation fiscale. 41  Bond, Shannon. (2014, Apr. 24). Starbucks UK sales fall for first time after tax furore. FT.com. www.ft.com/cms/s/0/f840512e-cbf0-11e3-a934-00144feabdc0.html#axzz4IpZtOjMF, Houlder, Vanessa, Barney Jopson, Louise Lucas & Jim Pickard. (2012, Dec. 6). - Starbucks pays up to avoid boycott. FT.com. Retrieved from : www.ft.com/cms/s/0/d4f84a12-3fd5-11e2-b0ce00144feabdc0.html#axzz3OA7Q57v4. 42  S. Moss, the Gardian Should we boycott the tax-avoiding companies ? 17 oct. 2012. A. - Une notion émergente 46. - Il nous semble que l’évolution de la question est assez récente et que les études faites avant les grands mouvements des médias depuis l’affaire Starbucks pourraient ne pas retranscrire l’ampleur de l’influence et de la valeur sur les marchés actuels. 47. - Par ailleurs, ce qui compte ne sont pas uniquement les éléments quantitatifs de valorisation objective de la réputation fiscale mais la valeur même subjective accordée par les agents en interne à ce concept. Nous avons noté que cette valeur, relative dans le passé car n’ayant pas de grande influence sur la réputation propre des dirigeants, pourrait en réalité avoir une valeur plus grande dans un certain nombre de situations identifiées. Ainsi par exemple, les entreprises familiales ayant une vision moyen terme pourraient renforcer l’idée de valorisation de cet élément. De même, les entreprises cotées étant plus soumises aux effets de la publicité, que ce soit en matière d’occurrence de contrôle qu’en matière de possibles représailles de partie prenantes, pourraient aussi être plus sensibles. 48. - Au contraire, les entreprises détenues par des fonds de private equity, ayant une vision à plus court terme, pourraient rester influencées par la valorisation de l’avantage immédiat sans accorder une valeur négative aux risques futurs. 49. - Les données empiriques issues du marché nous semblent aussi parfois donner des éléments de valorisation. Ainsi, nous mentionnerons un comparable qui est celui de Starbucks qui, confronté à des difficultés dans ce domaine, a accepté de verser 20M£ pour régler son litige avec l’administration fiscale britannique. Le versement constitue une première valorisation du risque réputationnel même si elle reste faible39. C’est peut-être aussi parce que l’impact sur la réputation du groupe avait fait baisser40 les ventes41. Cette pression, qui entraîne potentiellement une valorisation de la réputation fiscale, a été observée depuis dans d’autres circonstances42. Cette observation est désormais relayée par les organisations non gouvernementales et même les syndicats qui peuvent accuser certaines entreprises de pratiques fiscales dommageables aboutissant à une contrainte possiblement pénale lorsque le montant des redressements est automatiquement lié au risque pénal. B. - Les entreprises y accordent de la valeur mesurable directement ou indirectement 50. - Un observateur neutre peut noter que l’opposition entre la valorisation relative de la réputation fiscale et l’empressement que marquent certaines entreprises à la défendre pourraient être contradictoires. L’explication est que, selon nous, ce n’est pas l’existence d’un lien entre réputation fiscale et risque financier qu’il convient de prendre en compte. 51. - En effet, la valorisation est une mesure imparfaite et subjective dès lors que ceux qui valorisent systématiquement cet élément sont ceux qui considèrent qu’ils souffriraient le plus directement de sa dégradation. La valorisation n’est pas objective lorsqu’elle est faite par les agents externes comme l’État ou les médias qui peuvent chercher autre chose qu’un effet financier. Un indice de cette approche subjective mais quantitative est constitué par les dépenses

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