La revue fiscale du patrimoine

33 22. - Certains auteurs considèrent que la différence de nature entre RSE et réputation fiscale interdit une assimilation y compris donc pour la méthode de valorisation. 23. - Ainsi, alors que dans de nombreuses situations la RSE est fondée sur le respect de normes qui incluent une composante morale importante, il pourrait être considéré que la réputation fiscale se fonde sur le respect d’une norme objective qui contient en elle-même la part d’interprétation subjective nécessaire à son application. La subjectivité serait alors du domaine de la loi et non de l’interprétation par l’entreprise. Les pénalités seraient une mesure partielle de l’effet financier objectif d’une atteinte à la réputation fiscale. Il est probablement exact de considérer, qu’au contraire de la RSE, la réputation fiscale est moins guidée par une partie subjective émotive20. La démonstration n’est toutefois pas totalement certaine. 24. - On notera en outre que de nombreux auteurs, bien que favorables à l’extension de la RSE en matière fiscale, constatent que cela n’est pas encore le cas21. L’argument principal invoqué est que les dirigeants d’une entreprise ont comme objectif de maximiser le profit et que cette recherche est parfaitement claire, en dehors de toute implication morale à condition, bien entendu, que la loi soit respectée. C’est le principe d’obligation fiduciaire des dirigeants issue notamment de la Common law 22. En application de ce principe, les dirigeants doivent se poser la question de savoir si respecter une obligation subjective de réputation fiscale ne contreviendrait pas à l’obligation fiduciaire et engagerait leur responsabilité23. Ces analyses sont issues de pays libéraux qui appliquent implicitement ce principe24. Le concept ne signifie pas que les considérations réputationnelles sont inopérantes, mais que ces considérations doivent être objectivement plus fortes que la maximisation du profit25. Le paiement de l’impôt ne serait alors pas un objectif principal, au contraire26. L’impôt devrait être minimisé à condition que les moyens utilisés soient légaux. Cette argumentation est reprise dans de nombreuses études27. Cela ne veut pas dire que les dirigeants en application de cette obligation fiduciaire ne prennent pas en compte la réputation fiscale, mais qu’ils doivent procéder à une analyse coûts/avantages en prenant en compte les effets sur la réputation fiscale au regard de l’avantage financier qu’il convient de privilégier28. L’arbitrage est alors la comparaison entre les effets financiers négatifs à court terme (la nonmaximisation totale du profit) et les effets positifs mesurés à long terme (la défense de la réputation fiscale). Cette théorie aurait pour effet de maximiser l’avantage financier immédiat/certain et minimiser l’effet réputationnel futur et incertain. 25. - Pour nuancer les limites à la prise en compte de la réputation, il convient d’indiquer que la notion est en évolution. L’irruption plutôt récente de notions morales dans la sphère fiscale rend la conclusion moins définitive. Les analyses évoluent avec le temps, en particulier en raison du développement d’études européennes29. 2018CERG0970ff. fftel-02284410f. 20  K. Hymann Datt, Paying a fair share of tax and aggressive tax planning - a tale of two myths ejournal of tax research, 2014, vol. 12, n° 2, p. 410-432. 21  Ch. HJI Panayi, Is Aggressive Tax Planning Socially Irresponsible ?, 2015, 10 Intertax 544-558, 18 pages posted : 5 oct. 2015. 22  BCE inc and Bell Canada v a Group of 1976 Debentureholders [2008] 3 SCR 560 [37]. 23  K. Hymann Datt, Paying a fair share of tax and aggressive tax planning - a tale of two myths ejournal of tax research, 2014, vol. 12, n° 2, p. 413. 24  M. Friedman, the social responsibility of business is to increase profits : The New York Times magazine, 13 sept. 1970. - Meme si des divergences existent ce principe est repris au sujet de la maximization de la richesse des actionnaires : S. Bainbridge, defense of the shareholder wealth maximization norm a reply to professor green (1993) 50 Washington and lee law review 1423. 25  J. Semrod, the economics of corporate tax selfishness, NBER working paper n° 10858, oct. 2004. 26  T. Pekka, Corporate social responsibility ans strategic tax behavior - comment on the paper by Reuven S Avi-Yohnna in Wolfgang Shon (ed), tax and corporate governance (Springer Berlin Heideger 2008), 199. 27  Du Plessis J.-J. et a., (2015), Principles of Contemporary Corporate Governance (3rd ed.). Melbourne : Cambridge University Press, p. XXV. 28  A.-G. Jallai, Estland, Good tax governance International corporate tax planning and corporate social responsibility - Does one exclude the other ? Tilburg University, 23 sept. 2020. 29  H. Gribnau, A.-G. Jallai, Nordic tax, J. 2017, p. 69-88. 30  Ch. HJI Panayi, Is Aggressive Tax Planning Socially Irresponsible ?, 2015, 10 Intertax 544-558, 18 pages posted : 5 oct. 2015. 26. - Une limite supplémentaire à la valorisation élevée de la réputation fiscale contrairement à la RSE, est celle du principe accepté par la plupart des juridictions qui veut que le contribuable ne soit pas tenu de choisir le chemin le plus imposé pour une transaction. Cette doctrine n’existe probablement pas en matière de RSE de manière aussi systématique. 27. - Enfin, la grande difficulté d’assimiler RSE et stratégie fiscale affectant la réputation provient du manque d’objectivité de certains concepts utilisés en matière de RSE30. Par exemple, lorsqu’un objectif est d’obtenir une imposition faible au regard d’un État, ce niveau peut être objectivement considéré comme un niveau d’imposition normal par rapport à un autre État. La réputation fiscale n’est pas en soit un élément essentiel systématique qui influence le choix de la stratégie fiscale 2. La doctrine de non-valeur de la réputation fiscale est partiellement justifiée par les observations 28. - L’élément objectif financier observé ne démontre pas toujours la capacité de valoriser les effets négatifs sur une réputation fiscale d’une stratégie d’optimisation agressive. A. - Les données objectives en trompe-l’œil du secteur du digital ? 29. - La première remarque est de s’interroger afin de savoir si la réputation fiscale est un élément observable dans les données financières de l’entreprise. Il est alors tentant d’observer la valorisation boursière de certains acteurs qui ont été au centre de questions de réputation fiscale.

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