31 la réputation fiscale et surtout des conséquences financières directes ou indirectes. 3. - Notons que la publicisation généralisée de « la chose fiscale » renforce l’importance de la question. Les États considèrent déjà que la réputation fiscale a une valeur qui peut être utilisée pour contrôler l’optimisation fiscale. Les médias et organisations non gouvernementales ainsi que la généralisation des lanceurs d’alerte, tendent à étendre potentiellement ce phénomène à des entreprises qui sont dans une situation fiscale parfaitement légale. La question de l’effet financier mécanique sur les entreprises est alors encore plus complexe. 4. - Il semble désormais établi que s’en tenir au simple fait que l’optimisation fiscale serait légale, au contraire de l’évasion fiscale, ne peut constituer une réponse objective viable à long terme. L’idée qui voudrait que la fiscalité soit une application mécanique de normes et, qu’en dehors de l’illégalité, la liberté est totale est, elle aussi, selon nous, en voie de disparition. En revanche, penser que la maîtrise des coûts fiscaux est impossible est aussi inadapté. La question plus complexe de la valeur accordée à la réputation fiscale en comparaison avec les autres objectifs guidant une stratégie oblige désormais à considérer le sujet avec humilité. 5. - Instinctivement, la recherche d’une valorisation de la réputation fiscale nous oblige à aborder le sujet au travers de concepts plus maîtrisés comme celui de la responsabilité sociale des entreprises (RSE)3 à laquelle la valorisation de la réputation fiscale est parfois improprement assimilée. C’est l’analyse traditionnelle retenue par les études consacrées à ce sujet. Elle est parfois aussi justifiée par une approche de non-valeur de la réputation fiscale au regard des autres actifs et risques de l’entreprise. Cette approche ne résout pas toutes les difficultés ou incohérences et surtout ne permet pas d’expliquer la stratégie des entreprises cotées qui obligent à proposer une analyse constructive. 1. L’identification imparfaite de la réputation fiscale à une question de RSE A. - Une identification partiellement justifiée 1° Une identification intuitive pour les cas manifestement agressifs 6. - Traditionnellement, il existe une tendance à assimiler la question de réputation fiscale à une sous-catégorie de la RSE. Cette assimilation simplifierait le débat, le limitant à une capacité de valoriser cette souscatégorie en application, si elles existent, de méthodes utilisées pour la RSE. Cette constatation partirait de l’hypothèse que le facteur moral est totalement objectivé dans le cas de la fiscalité, ce qui n’est pas certain. 7. - Cette approche est fondée sur l’idée que la planification agressive ne serait que le « miroir » ou un sous ensemble de la RSE dans le domaine fiscal. Le caractère agressif ou non constituerait la limite objective à la mise en place de stratégies fiscales. Selon cette analyse, la valorisation de la réputation 3 CSR : Corporate Social Responsability en anglais. 4 Ed. D. Kleinbard, Stateless Income’s Challenge to Tax Policy, Part 1, 2 avr. 2015 : www.taxhistory.org/www/features.nsf/Articles /67BEF665EC348BE985257E1A0062230D ?OpenDocument. 5 Nos travaux de thèse sur le thème « Les situations triangulaires internationales en présence d’un établissement stable - Éliminer les doubles impositions sans favoriser les doubles exonérations », dirigés par J.-P. Le Gall. - Cette soutenue le 15 septembre 2016 devant un jury présidé par O. Debat, professeur à l’université de Toulouse 1, et O. Négrin, professeur à l’université d’Aix-Marseille, et composé de M. Collet, professeur à l’université de Paris 2 Panthéon-Assas, B. Delaunay, professeur à l’université de Paris 2 Panthéon-Assas et N. Melot, maître de conférences à l’université Rennes 1, avocat. 6 Par exemple les déclarations du cabinet Mc Kinsey indiquant que McKinsey paie la fiscalité directe due chaque année et s’acquitte des charges sociales. CNEWS 1er avril 2022 7 Exemple non isolé de la Société Générale : www.societegenerale.com/sites/default/files/documents/2021-06/Rapport-sur-notre-contribution-fiscale-2020_FR.pdf ou celui de Sanofi https ://www.sanofi.com/-/ media/Project/One-Sanofi-Web/Websites/Global/Sanofi-COM/Home/fr/notre-responsabilite/docs/documents-center/factsheets/Politique-Fiscale.pdf ?la=fr. 8 Développée notamment au sein de l’initiative BEPS. 9 La tribune : La RSE n’est plus l’apanage des grands groupes, PME et ETI doivent s’en saisir par R. Mouton, président du Cercle de Giverny, 3 mars 2021. fiscale serait une évidence au même titre que la nécessité d’une politique RSE proactive. 8. - Nous pourrions probablement admettre que cette assimilation peut éventuellement fonctionner pour les situations « manifestement » agressives, mais elle ne permettrait pas de valoriser la contrepartie négative liée à l’atteinte à la réputation fiscale issue de la mise en place de structures « possiblement » agressives. N’oublions pas en effet que l’entreprise a le choix dès lors que les stratégies sont autorisées. Nous ne pensons pas qu’une méthode fondée exclusivement sur la mesure du niveau d’agressivité permet de résoudre la difficulté. 9. - Ainsi en pratique, la mise en évidence et la présomption de valeur seraient probablement uniquement facilement vérifiées pour les situations dans lesquelles aucun impôt n’est payé4 et donc uniquement ces cas extrêmes comme nous l’avions indiqué dans nos travaux5. Dans ces hypothèses, la présomption de valorisation de la réputation fiscale nous semble évidente. Sans établir une valeur de cette réputation, on peut penser que l’effet sur celleci est raisonnablement prévisible et considérer qu’il existe et qu’il constitue un frein objectif à la mise en place de telles stratégies au même titre que la RSE bannit certains comportements socialement répréhensibles. La méthode ne nous permet pas de déterminer une valeur objective mais de considérer que la valeur objectivement perdue est tellement importante qu’elle est un frein avéré à la mise en place de l’optimisation. C’est la direction que prend le marché depuis plusieurs années encouragées par l’OCDE. 10. - Cette théorie marque, selon nous, la fin de l’efficacité des communications des entreprises fondées exclusivement sur « le respect de la loi et d’une application mécanique des normes ». Force est de constater que la plupart des grands groupes ont identifié cette situation et communiquent désormais sur leur empreinte fiscale mondiale afin de démontrer qu’ils payent des impôts et ne sont donc pas dans des situations manifestement agressives6. On notera que la communication est dans ces cas comparable à celle en matière de RSE, axée principalement sur la transparence7. Les grands groupes cotés ont identifié la nécessité de prendre en compte la valeur liée à de telles situations manifestement agressives depuis quelques années, s’alignant partiellement sur l’approche de l’OCDE8 de la transparence fiscale mais aussi probablement sur leur doctrine en matière de RSE. 11. - L’assimilation à une sous-notion de la RSE ne permet toutefois pas de mettre en évidence un lien quantitatif entre niveau d’agressivité d’une stratégie d’optimisation et effet financier négatif anticipé. Elle permet juste de gérer les situations manifestement agressives sous un angle de transparence, situations dont le marché considère désormais qu’elles ne sont plus acceptables, admettant ainsi, sans le valoriser nécessairement précisément, que l’effet sur la réputation n’est plus stratégiquement acceptable. 12. - À l’instar de la RSE, cette transparence semble intrinsèquement liée à la cotation des groupes et ceci même si la RSE se développe au sein du tissu de plus petites entreprises9. Pour les ETI, la communication fiscale pour préserver sa réputation est encore rare ou parcellaire. Peut-être en raison de la croyance de certains dirigeants que, d’une part, leur niveau élevé
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