17 place une gestion des capitaux-décès par une équipe de professionnels de la gestion de patrimoine via la création d’un patrimoine fiduciaire destiné à recevoir les capitaux-décès. En effet, le fiduciaire appartient nécessairement à l’une des professions énumérées à l’article 2015 du Code civil. Il sera choisi intuitu personae, en fonction de son aptitude à proposer, d’une part, une gestion sécurisée et dynamique des fonds et, d’autre part, un contrôle de la consommation de son capital par le constituant, dans le respect des indications qui auront été portées dans le contrat de fiducie. CONSEIL PRATIQUE Pour que le parent souscripteur du contrat d’assurance-vie puisse contrôler la rédaction du contrat de fiducie et donc le contenu de la mission confiée au fiduciaire, il est préférable de faire conclure le contrat de fiducie entre le bénéficiaire des capitaux-décès et le fiduciaire, du vivant du souscripteur. Le contrat de fiducie prévoit que les capitaux-décès qui reviendront le cas échéant à l’enfant vulnérable seront transférés en fiducie : l’article 2018 du Code civil autorise que les biens objets de la fiducie soient futurs pourvu qu’ils soient déterminables 15. - Dans le contrat de fiducie ainsi conclu, le bénéficiaire des capitaux-décès a la double qualité de constituant et de bénéficiaire : nous sommes en présence d’une pure fiducie gestion, dénuée de tout caractère de libéralité. En effet, ce sont les capitaux-décès reçus lors du dénouement du contrat d’assurance-vie qui sont destinés à être transférés dans le patrimoine fiduciaire. La fiducie n’est pas le vecteur d’une libéralité mais un outil de gestion des capitaux-décès préalablement reçus par le constituant. Tant que le bénéficiaire n’est pas placé sous un régime de tutelle (C. civ., art. 509, 5°), il peut avoir la qualité de constituant dans un contrat de fiducie qu’il signera, le cas échéant, avec l’assistance de son curateur (C. civ., art. 468, al. 2). 16. - Le patrimoine fiduciaire est créé du vivant du souscripteur mais reste une enveloppe vide tant que le souscripteur est en vie et que le contrat d’assurance-vie n’est pas dénoué. La fiducie mise en place participe de la catégorie des fiducies prévoyance, à effet différé11. 17. - Pour sécuriser le transfert des capitaux-décès par le bénéficiaire dans le patrimoine fiduciaire, deux voies sont possibles dans la rédaction de la clause bénéficiaire : • la première voie consiste à prévoir que le bénéficiaire ne pourra obtenir les capitaux-décès qu’en donnant l’ordre à la compagnie d’assurances de virer les fonds sur le patrimoine fiduciaire déjà ouvert ; PROPOSITION DE CLAUSE Formule proposée dans la clause bénéficiaire : TRANSFERT DES CAPITAUX-DÉCÈS Pour pouvoir obtenir les capitaux-décès, le bénéficiaire devra donner l’ordre à la compagnie d’assurances de verser les fonds sur un compte ouvert par le fiduciaire (identification du fiduciaire et du patrimoine fiduciaire créé pour la réception des capitaux). 11 Sur la fiducie à effet différé, complément du mandat de protection future dans le pack prévoyance du dirigeant, V. JCP N 2021, n° 38-39, 1288, par Cl. Farge, S. Weisgerber, B. Berger-Perrin et D. Davodet. 12 V. supra schéma 1, § 5 et s. 13 V. supra schéma 1, § 5 et s. 14 S. Lerond et G. Dumont, Quand la fiducie prend le relais de l’assurance-vie : Dr. & patr. mensuel, n° 207, p. 20. 15 JCP N 2021, n° 38-39, 1287, par N. Peterka. • la seconde voie consiste à imposer au bénéficiaire la charge de transférer les capitaux-décès qui lui sont remis, dans le patrimoine fiduciaire. Si la conclusion du contrat de fiducie n’a pu être réalisée du vivant du souscripteur, cette rédaction permet la conclusion du contrat de fiducie après le dénouement du contrat d’assurance-vie, à un moment où l’on est certain que le bénéficiaire des capitaux-décès est bien celui dont on veut contrôler la consommation desdits capitaux. 18. - La charge grevant l’attribution des capitaux-décès a l’avantage de peser sur un actif considéré comme reçu hors succession (C. assur., art. L. 132-12). Ainsi, elle n’est pas limitée par l’article 912 du Code civil au montant de la quotité disponible et le bénéficiaire, alors même qu’il serait un héritier réservataire du souscripteur, ne peut pas en demander le cantonnement. Reste le sujet du contrôle de l’exécution de la charge. Mais l’on sait déjà12 que le choix pour la rédaction de la clause bénéficiaire de la forme testamentaire permet d’instituer un contrôleur de l’exécution de la charge qui n’est autre qu’un « exécuteur testamentaire » doté notamment d’un pouvoir de contrôle du respect de la volonté du défunt. PROPOSITION DE CLAUSE GARANTIE D’EXÉCUTION – DÉSIGNATION D’UN CONTRÔLEUR Je désigne M./Mme…… (identification du contrôleur de gestion : prénom, nom, date et lieu de naissance, adresse) en qualité de contrôleur. Il/Elle a pour mission de contresigner le bulletin de souscription et de s’assurer de la bonne exécution de la clause bénéficiaire et notamment du transfert des fonds dans le patrimoine fiduciaire. En cas de non-respect de cette clause par le bénéficiaire ou toute personne ayant pouvoir de le représenter, le contrôleur a tous pouvoirs pour saisir le juge compétent afin de faire exécuter cette clause. En cas de prédécès de cette personne, de refus ou d’incapacité d’exercer cette fonction de contrôleur, je charge M./Mme…… (identification de l’administrateur suppléant : prénom, nom, date et lieu de naissance, adresse) de remplir cette fonction. 19. - Enfin, notons que la fiducie, une fois constituée, n’est pas remise en cause par la mise sous tutelle subséquente du constituant (C. civ., art. 2022, al. 2). Il s’agit donc d’une solution beaucoup plus pérenne que celle évoquée en début d’article et reposant sur la technique du mandat13. 20. - Pour conclure, on signalera que tant le schéma avec société civile que celui consistant à mettre en place un mandat de protection future pour autrui peuvent se cumuler avec la création d’un patrimoine fiduciaire. Ainsi, il est possible aussi bien de créer un patrimoine fiduciaire pour recevoir les fonds reçus par la société civile14, que de prévoir que le mandataire aura le pouvoir de transférer tout ou partie des biens qu’il a le pouvoir de gérer dans un patrimoine fiduciaire. En effet, les nombreux arguments avancés par le professeur Nathalie Peterka15 en faveur de la reconnaissance d’un tel pouvoir au mandataire dans le cadre du mandat de protection future pour soi-même sont parfaitement transposables dans le cadre d’un mandat de protection future pour autrui.
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