ment par l’article 1167 du Code civil, transféré après l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats à l’article 1341-2 du Code civil, cette action permet au créancier d’une obligation d’obtenir l’inopposabilité des actes que le débiteur a accompli en fraude de ses droits, qu’il s’agisse d’actes à titre gratuit ou à titre onéreux, à l’exception toutefois des paiements. Cette action de nature personnelle est soumise au délai de prescription de droit commun de 5 ans qui court à compter du jour où le créancier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer (Cass. com., 3e ch., 8 déc. 2021, n° 20-18.432 : JurisData n° 2021-019852), à moins que la fraude du débiteur ait empêché le créancier d’exercer son action. Dans ce cas, le point de départ est reporté au jour où il a effectivement connu l’existence de l’acte fait en fraude de ses droits (Cass. 3e civ., 12 nov. 2020, n° 19-17.156 : JurisData n° 2020-018229 ; JCP G 2021, 117; JCP G 2021, 116). Cette prescription devra, comme en l’espèce, s’articuler avec celle applicable en matière de recouvrement des créances fiscales. L’exercice de l’action paulienne est soumis à un certain nombre de conditions qui doivent être cumulativement remplies, dont l’atteinte à la solvabilité du débiteur qui était contestée dans cet arrêt. À ce titre, celui-ci s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence que trace la Cour de cassation depuis déjà de nombreuses années en matière d’action paulienne, ce qui nous donne l’occasion de rappeler les solutions adoptées par le juge s’agissant de sa mise en œuvre par l’administration fiscale. 1. Conditions d’exercice de l’action paulienne La première condition de recevabilité de l’action paulienne tient au caractère certain de la créance, du moins dans son principe, au jour où l’acte frauduleux a été accompli. L’administration fiscale doit à cet égard prouver l’antériorité de sa créance au regard de l’acte contesté. Les requérants avaient d’ailleurs sur ce point contesté en appel la validité de la créance au motif qu’au jour où l’acte de donation-partage avait été conclu, ils n’avaient reçu qu’une simple proposition de rectification. Le comptable avait cependant rappelé que le principe de la créance existe dès le fait générateur de l’impôt, à savoir non pas la proposition de rectification ou la mise en recouvrement, mais la perception des revenus au titre des années contrôlées (Cass. com., 12 oct. 2010, n° 09-16.754 : JurisData n° 2010-018483). La jurisprudence considère effectivement qu’il n’est pas nécessaire que la créance de l’administration fiscale soit certaine et exigible au moment où intervient l’acte argué de fraude. Il suffit que le principe de la créance ait existé avant la conclusion de l’acte par le débiteur (Cass. com., 29 janv. 2002, n° 98-16.141, FS-D). Ainsi, une donation consentie quelques mois après que le contribuable ait été avisé d’un dépôt de plainte pour fraude fiscale à son encontre sera constitutive d’une fraude paulienne, notamment au regard du risque très réel qu’il encourt s’agissant de la mise en œuvre de sa responsabilité pécuniaire avec la société (Cass. com., 16 juill. 1991, n° 8917.756 et 90-13.286 : Dr. fisc. 1991, n° 52, comm. 2562). La fraude du débiteur ne pourra en second lieu être caractérisée que s’il est démontré qu’il avait connaissance du préjudice que l’acte causait à son débiteur en entraînant ou en aggravant son insolvabilité. Le critère de l’intentionnalité est sans doute le plus difficile à démontrer de par sa subjectivité, surtout lorsque le contribuable parvient à organiser son insolvabilité suffisamment à l’avance(Cass. 1re civ., 16 avr. 1996 : RJF 1997, n° 87). Les cas présentés devant le juge sont cependant assez souvent particulièrement caricaturaux. Ce fut le cas s’agissant d’une donation consentie par une mère à sa fille alors qu’elle était gérante de fait d’une société dont elle était redevable solidaire du passif fiscal (Cass. com., 26 mars 1996: RJF 07/96, n° 946), de plusieurs donations consenties par un contribuable peu de temps après l’engagement contre lui de poursuites pour fraude fiscale susceptibles d’aboutir à la mise en jeu de sa responsabilité pécuniaire (Cass. com., 16 juill. 1991, n° 89-17.756 et 90-13.286 : JurisData n° 1991-003682. – Cass. 1re civ., 23 janv. 2001, n° 9818.523), d’un contribuable qui avait cédé à sa mère, au cours d’une vérification de comptabilité, l’immeuble qui constituait son seul actif (Cass. 1re civ., 2 nov. 2005, n° 03-10.348 : JurisData n° 2005-030577) ou encore de la conclusion de deux contrats de location-gérance à deux sociétés nouvellement créées et dirigées par le gérant d’une société redevable d’une créance de TVA qui avait ainsi notablement diminué la valeur de son fonds de commerce (Cass. com., 19 déc. 2006, n° 04-11.893, SARL Sté nouvelle d’équipements : Dr. fisc. 2007, n° 49, comm. 1036). Le caractère hâtif de l’acte incriminé est également relevé par les juges comme un élément à charge. La Cour de cassation a ainsi pu considérer que « c’est dans l’exercice de leur pouvoir souverain d’appréciation que les juges du fond ont estimé qu’étant intervenu moins de trois mois après le jugement d’homologation du changement de régime matrimonial, soit avant l’opposabilité de ce jugement aux tiers, le partage litigieux présentait un caractère hâtif » (Cass. 1re civ., 17 févr. 2021, n° 19-17.571 : JurisData n° 2021003874 ; Defrénois 2021, p. 32, n° 23-24, I. Dauriac ; JCP G 2021, 503). S’agissant du tiers avec lequel le débiteur a contracté, le nouvel article 1341-2 du Code civil distingue désormais entre l’acte à titre gratuit et l’acte à titre onéreux. S’il s’agit d’un acte à titre gratuit, le tiers sera privé de ce gain acquis sans contrepartie, y compris s’il est de bonne foi. S’il s’agit en revanche d’un acte conclu à titre onéreux avec le débiteur, le créancier devra prouver que le tiers avait connaissance de l’insolvabilité du débiteur, et, par suite, du dommage qui résulterait pour les créanciers des actes passés entre eux et ce débiteur (Cass. civ., 23 avr. 1981 : D. 1981, p. 395). Cette preuve peut s’effectuer par tous moyens, y compris par de simples présomptions, et devra être appréciée souverainement par les juges. La jurisprudence considère à cet égard qu’elle peut se déduire des liens de parenté ou d’amitié, de la situation maritale ou de concubinage, voire d’une simple cohabitation entre le tiers et le débiteur incriminé. La Cour de cassation a ainsi considéré que cette preuve était acquise s’agissant d’une épouse qui avait acquis les actions de la société de son mari quelques semaines seulement après l’homologation du changement de son régime matrimonial de communauté légale en séparation de biens (Cass. 1re civ., 28 nov. 2000, n° 9810.778 : JurisData n° 2000-007150) ou concernant la vente par une caution de sa part indivise de l’immeuble à sa concubine, elle-même co-indivisaire (Cass. 3e civ., 1er juill. 1998, n° 96-18.515 : JurisData n° 1998-003201). Le caractère modique du prix pratiqué pourra de la même façon être retenu par le juge (Cass. 1re civ., 11 janv. 2005, n° 02-12.519). L’intention de nuire du tiers n’aura pas en revanche à être rapportée. 2. Atteinte à l’insolvabilité du débiteur L’action paulienne ne peut enfin s’exercer que dans la mesure où l’acte attaqué a entrainé ou aggravé l’insolvabilité du débiteur. C’est sur ce point particulier que portait le litige soumis à la Cour de cassation. JURISPRUDENCE COMMENTÉE LA REVUE FISCALE DU PATRIMOINE N° 6, JUIN 2024 37
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