PROCÉDURES FISCALES 12 Action paulienne engagée par l’administration fiscale L’insolvabilité du contribuable doit être avérée Marie MASCLET DE BARBARIN professeure à Aix-Marseille université directrice du Centre d’études fiscales et financières (UR 891) Solution. –Le juge ne peut déclarer une donation inopposable à l’administration fiscale sur le fondement de l’action paulienne sans examiner les éléments de preuve soumis par les parties pour justifier que les contribuables disposaient d’un patrimoine d’une valeur suffisante pour s’acquitter de leur dette fiscale. Impact.–Cet arrêt rappelle que lorsque l’administration fiscale entend mettre en œuvre une action paulienne pour rendre inopposable un acte effectué par un contribuable en fraude de ses droits, elle doit non seulement démontrer que ce dernier avait conscience de lui causer un préjudice en se rendant insolvable, mais elle doit également établir l’état d’insolvabilité qu’il a engendré. Si le contribuable parvient à prouver qu’il demeure solvable malgré l’acte incriminé, l’action paulienne ne pourra pas prospérer. Cass. 1re civ., 27 mars 2024, n° 21-17.257 : JurisData n° 2021-003064 Faits et procédure. –Quelques semaines seulement après avoir reçu notification d’une proposition de rectification faisant suite à un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, un couple de contribuable a consenti à ses deux enfants une donationpartage de la nue-propriété de deux de leurs biens immobiliers. Un peu moins de trois ans plus tard, l’Administration en charge de recouvrer les rappels d’impôt sur le revenu et de contributions sociales qui avaient fait suite à cette proposition de rectification, a assigné les parents en inopposabilité de cette donation-partage sur le fondement de l’action paulienne. Examen du moyen. – Le couple de contribuable reprochait à l’arrêt d’appel d’avoir fait droit à la demande de l’administration fiscale alors qu’ils soutenaient qu’à la date de l’acte contesté ils disposaient d’un patrimoine immobilier suffisant pour s’acquitter de leur dette. Ils produisaient à l’appui de leurs allégations diverses attestations notariées faisant notamment état de 5 biens immobiliers d’une valeur totale de plus d’un million d’euros. La cour d’appel s’était cependant fondée, pour rejeter la demande des parties, sur les contradictions relevées entre les imprimés Cerfa déclaratifs d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) mentionnant une seule des cinq SCI en tant que bien professionnels et les écritures des contribuables qui mentionnaient l’existence de quatre autres SCI, sans pour autant fournir les comptes et les rapports annuels de ces sociétés. Ces derniers soutenaient donc qu’en retenant que la valorisation alléguée de ce patrimoine ne reposait sur aucun élément probant, sans examiner les éléments de preuve régulièrement versés aux débats, la cour d’appel avait violé l’article 455 du Code de procédure civile. Réponse de la Cour. –La Cour va répondre favorablement à ce moyen en censurant l’arrêt de la cour d’appel pour défaut de motivation, considérant qu’elle aurait dû« même sommairement » étudier les attestations notariées ainsi que les statuts des SCI et les actes d’acquisition présentés par les parties. Si l’action paulienne n’est que rarement mise en œuvre par l’administration fiscale, elle figure néanmoins en bonne place parmi les actions en reconstitution et surveillance du patrimoine des débiteurs au même titre que l’action en déclaration de simulation ou l’action oblique (BOI-REC-SOLID-30-10, § 1 et s.). Régie initialeJURISPRUDENCE COMMENTÉE 36 LA REVUE FISCALE DU PATRIMOINE N° 6, JUIN 2024
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