dans ses déclarations, sans que le contribuable puisse faire valoir que cette situation n’était qu’apparente et donc ne correspondait pas à sa situation réelle. Déclinaison fiscale de l’adage « Nemo auditur propriam turpitudinem allegans », la théorie de l’apparence permet à l’administration fiscale d’opposer au contribuable les conséquences du régime fiscal pour lequel il a opté, sans que ce contribuable puisse ultérieurement soutenir qu’il ne remplissait pas les conditions auxquelles le bénéfice de ce régime est subordonné. L’opposabilité ne se conçoit qu’en présence d’un choix optionnel exercé par le contribuable. Dans une décision Tasset, le Conseil d’État a énoncé un principe général selon lequel « l’administration fiscale est en droit d’opposer au contribuable les conséquences du régime fiscal pour lequel il a opté, sans que ce contribuable puisse utilement se prévaloir, ultérieurement, de ce qu’il ne remplissait pas les conditions auxquelles le bénéfice de ce régime est subordonné, ce qui aurait permis à l’administration de le remettre en cause dès les premiers effets de l’option » (CE, 30 juill. 2010, n° 317425 : JurisData n° 2010-014537 ; Dr. fisc. 2010, n° 50, comm. 593 ; RFP 2010, étude 13. – Alors que toute défaillance constitue un fait générateur d’imposition : CE, 16 mars 2009, n° 304749. – Confirmation de la décision Tasset : CE, 5 nov. 2014, n° 367371 : JurisData n° 2014033949 ; Dr. fisc. 2015, n° 12, comm. 221 ; Dr. sociétés 2015, comm. 61). Dans cette affaire Tasset, l’administration entendait opposer à un contribuable l’option pour le report d’imposition d’une plus-value formalisée dans sa déclaration de revenus, avant que celui-ci soutienne qu’il avait irrégulièrement exercé cette option. Dans ses conclusions suivies, le rapporteur public Pierre Collin se fondait clairement la solution proposée sur la décision Lemarchand précitée. À compter cette décision Tasset, des auteurs ont espéré que cette solution demeure isolée et ont émis des réserves sur sa justification par le recours à la théorie de l’apparence qui n’est utilisée, en principe, que pour faire obstacle à l’invocation par le contribuable d’actes occultes (ex. : recours à une convention de prête-nom)(J.-L. Pierre, Les conséquences pour le contribuable d’une option irrégulièrement exercée ou l’allongement de fait du délai de reprise par le recours à la théorie de l’apparence : Dr. fisc. 2010, n° 50, comm. 593). Or, les décisions précitées en matière d’options irrégulières ne font état d’aucune dissimulation et d’aucune situation qui serait ignorée de l’administration. En outre, le rapporteur public dans l’affaire Le Saint’é a émis la même critique et invitait à ne plus avoir recours à la théorie de l’apparence qui a reçu « une portée un peu plus large » dans la décision Tasset (citée dans les conclusions contraires du rapporteur public) Les auteurs réservés sur la décision Tasset ont suggéré que cette solution s’ancrerait davantage dans l’adage du droit romain« Tu patere legem quam ipse fecisti »(« Souffre la loi que tu as faite toi-même »). Les obligations déclaratives ont pour objet de permettre à l’administration fiscale de liquider l’impôt et, corrélativement, d’exercer son contrôle sur la foi des déclarations souscrites par les contribuables. Il est donc souhaitable qu’une option pour un régime choisie par un contribuable ne joue pas en défaveur de l’administration et ne permette pas au contribuable, par un effet d’aubaine, de se soustraire à l’impôt. Néanmoins, le principe d’opposabilité au contribuable des options irrégulières interroge quant à sa portée : ce principe a-t-il vocation à s’appliquer, outre les manquements aux conditions de forme (à savoir les modalités déclaratives), aux conditions de fond ? Il serait préférable que le principe exprimé dans la décision Tasset (au demeurant, non repris dans la décision commentée) se cantonne aux seules conditions formelles à l’exclusion des conditions de fond (O. Debat, À propos de l’arrêt Tasset – Pourquoi avoir posé un principe général d’opposabilité par l’Administration des options irrégulières ? : RFP 2010, étude 13). CE, 5 févr. 2024, n° 470324, Sté Climatech Services : Lebon T. (...) Considérant cequi suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’à l’issue d’une vérification de comptabilité de la société Climatech Services, société à responsabilité limitée dont l’associé unique est une personne physique, l’administration fiscale a procédé à des rehaussements de bénéfices passibles de l’impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016 et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 août 2017. La société Climatech Services se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 9 novembre 2022 de la cour administrative d’appel de Paris qui a annulé les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Paris du 12 octobre 2021 et remis à sa charge les suppléments d’impôt sur les sociétés en litige dont la décharge avait été prononcée par le tribunal. 2. En premier lieu, en vertu du 4° de l’article 8 du code général des impôts, l’associé unique d’une société à responsabilité limitée, lorsque cet associé est une personne physique, est assujetti à l’impôt sur le revenu pour les bénéfices sociaux qu’il en retire, à moins d’une option de la société en faveur de son assujettissement à l’impôt sur les sociétés. Aux termes du 3 de l’article 206 du même code : « Sont soumis à l’impôt sur les sociétés s’ils optent pour leur assujettissement à cet impôt dans les conditions prévues à l’article 239 : (...) e. Les sociétés à responsabilité limitée dont l’associé unique est une personne physique ; (...) ». Aux termes de l’article 239 du même code : « 1. Les sociétés et groupements mentionnés au 3 de l’article 206 peuvent opter, dans des conditions qui sont fixées par arrêté ministériel, pour le régime applicable aux sociétés de capitaux. (...) / L’option doit être notifiée avant la fin du troisième mois de l’exercice au titre duquel l’entreprise souhaite être soumise pour la première fois à l’impôt sur les sociétés. (...) Dans tous les cas, l’option exercée est irrévocable ». Aux termes de l’article 22 de l’annexe IV au code général des impôts, alors en vigueur et repris en substance à l’article 350 F de l’annexe III à cecode : « La notification de l’option prévue à l’article 239 du code général des impôts est adressée au service des impôts du lieu du principal établissement de la société ou du groupement qui souhaite exercer cette option. / La notification indique la désignation de la société ou du groupement et l’adresse du siège social, les nom, prénoms et adresse de chacun des associés, membres ou participants, ainsi que la répartition du capital social ou des droits entre ces derniers. Elle est signée dans les conditions prévues par les statuts ou, à défaut, par tous les associés, membres ou participants. Il en est délivré récépissé (...) ». 3. Pour exercer valablement leur option pour l’imposition selon le régime propre aux sociétés de capitaux prévue au 3 de l’article 206 du code général des impôts, les sociétés de personnes doivent soit notifier cette option au service des impôts du lieu de leur principal établissement, conformément aux prescriptions de l’article 239 du même code et de l’article 22 de l’annexe IV à cecode, soit cocher la case prévue à cet effet sur le formulaire remis au centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce dont elles dépendent à l’occasion de la déclaration de leur création ou de leur modification, manifestant ainsi sans ambiguïté l’exercice de leur option. 34 LA REVUE FISCALE DU PATRIMOINE N° 6, JUIN 2024
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