La Revues Fiscale du Patrimoine

En 2012, une opération d’apport-cession – réinvestissement (LBO secondaire). –En 2012, monsieur E.N. créé la SC Sunflower (étape 4). Le 25 juin 2012, monsieur E.N. apporte dans cette société nouvellement constituée, la totalité des titres qu’il détient dans la SAS Tournesol (étape 5). Préalablement à cet apport une quote-part des titres apportés a été donnée à son épouse et à ses 3 enfants. L’opération d’apport entraîne l’application du sursis d’impôt de l’article 150-0 B ter du CGI (l’apport étant préalable au 14 novembre 2012, le régime du report de l’impôt sur le revenu de l’article 150-0 B ter du CGI n’était pas encore applicable). Le 27 juin 2012, soit 2 jours après l’apport, la SC Sunflower cède les titres qu’elle détient dans la SAS Tournesol à un tiers repreneur du groupe Prezioso (étape 6). Une partie du prix de cession est distribuée à monsieur E.N., via le versement d’un dividende, tandis que près des 2/3 du prix de cession sont réinvestis par la SC Sunflower dans la société de reprise du groupe Prezioso (LBO secondaire). Proposition de rectification de l’Administration. – Dans le cadre de la proposition de rectification suivant la procédure d’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de monsieur E.N., l’administration fiscale a estimé que la vente du groupe Prezioso était accompagnée d’un mécanisme d’intéressement consistant à lui rétrocéder une partie du gain de cession. Ce mécanisme d’intéressement passait par la minoration du prix d’acquisition des actions de préférence. L’administration fiscale a décidé que le montant de l’intéressement résultant de la minoration du prix d’acquisition des actions de préférence devait être imposé dans la catégorie des traitements et salaires en tant qu’avantage en argent constitutif d’un complément de rémunération soit 46M³ correspondant pour monsieur E.N. à sa part du gain net de cession des titres de la SAS Tournesol, apportés 2 jours avant leur cession au repreneur pour une même valeur. L’administration fiscale relève que le pacte d’associé stipulait des modalités de rachat des titres garantissant au titulaire un gain proportionnel à son rang de manager.L’Administration a considéré que le gain correspondait à la rémunération d’un investissement non aléatoire et sans risque, réalisé à raison des fonctions salariales exercées par le contribuable. Elle a requalifié le gain issu de la cession des actions de préférences de la SAS Tournesol Capital en un complément de rémunération taxable en tant que salaire. Le tribunal administratif de Paris en première instance(TAParis, 5 janv. 2022, n° 2009524/1-1, C), puis la cour administrative d’appel de Paris rappellent les attendus des décisions rendues en 2021 par le Conseil d’État en formation plénière (CE, 13 juill. 2021, n° 428506, 435452 et 437498 : JurisData n° 2021-011431) : ‰la différence entre le prix d’acquisition des titres et leur valeur réelle est un avantage qui, lorsqu’il trouve essentiellement sa source dans l’exercice par l’intéressé de ses fonctions de dirigeant ou salarié a le caractère d’un avantage salarial imposable au titre de l’année d’acquisition en tant que salaire ; ‰le gain net de cession de valeur mobilière est imposable selon le régime des plus-value mobilières s’il est acquis en raison de la qualité d’investisseur du cédant. À l’inverse, si ce gain est essentiellement acquis en contrepartie des fonctions de dirigeant ou salarié du cédant, il constitue un revenu imposable en tant que salaire. Ce faisant le Conseil d’État a dégagé des principes d’imposition des gains de management package issus d’option d’achat d’actions et de bons de souscription d’actions. Ces principes ont été depuis confirmés s’agissant des gains de cession d’option d’achat ou de vente de titres dans une décision plus récente du Conseil d’État, datée du 5 juin 2023 (CE, 5 juin 2023, n° 467546 : RFP 2023, act. 86). En l’espèce le fait que la source de l’avantage du dirigeant était liée à ses fonctions de dirigeant n’était pas discuté. L’administration fiscale avançait alors deux faits générateurs de l’impôt. Devant le tribunal administratif et la cour administrative d’appel, l’Administration défend la requalification de la plus-value de cession (étape 6) en salaire : cet argument n’est pas retenu puisque : ‰c’est la SC Sunflower qui a procédé à la cession. Cette dernière ne peut pas, par nature, être salariée ; ‰la cour administrative d’appel précise que monsieur E.N. ne peut pas être regardé comme ayant réalisé un gain de cession puisque c’est bien la SC Sunflower qui a encaissé le prix de cession, avant (i) d’en distribuer une partie en dividendes, taxés comme tels, et (ii) d’en réinvestir l’autre partie. Devant la CAA, l’Administration ajoute un moyen en arguant de la requalification de la plus-value d’apport (étape 5) en salaire : la cour administrative d’appel de Paris réfute cet argument, en jugeant que le montant de la plus-value d’apport ne peut pas non plus être requalifié de complément de rémunération taxable en tant que salaire puisque, à la date de l’apport, les titres apportés n’ont produit aucun gain pour monsieur E.N. La plus-value d’échange bénéficie donc bien du sursis d’imposition. 26 LA REVUE FISCALE DU PATRIMOINE N° 6, JUIN 2024

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