période dont les résultats doivent servir de base à l’impôt diminuée des suppléments d’apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l’exploitant ou par les associés. L’actif net s’entend de l’excédent des valeurs d’actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés » : dès lors que la perception, par un entrepreneur, d’une indemnité pour préjudice moral emporte nécessairement pour conséquence l’augmentation de ses valeurs d’actif – eu égard à l’accroissement de trésorerie qui en résulte, s’agissant d’une indemnité versée en numéraire – son montant doit nécessairement participer à la détermination du bénéfice net imposable. 7 - La contradiction entre ces deux textes a été tranchée par le Conseil d’État dans un arrêt relativement ancien, aux termes duquel l’indemnité accordée par le tribunal correctionnel à un commerçant reconnu non coupable dans le cadre d’une action en contrefaçon, ayant pour objet la réparation du préjudice moral qui lui a été causé, est étrangère aux résultats de l’exploitation et ne saurait, même pour partie, entrer dans le calcul du bénéfice imposable, d’où il s’ensuit que les indemnités compensant un préjudice moral et perçues par un commerçant ne sont pas prises en compte pour la détermination du résultat imposable10 : ce principe, qui a été repris par l’administration fiscale dans sa doctrine11, et qui s’inscrit dans la logique de fiscalisation des indemnités pourrait paraître apriori suranné s’il n’avait été confirmé par un arrêt plus récent, aux termes duquel la Haute Juridiction a admis que les indemnités versées à un contribuable pour réparer une diminution de ses valeurs d’actif, une dépense qu’il a exposée ou une perte de recettes, dès lors que leur versement a été effectué non pour concourir à l’équilibre de l’exploitation, mais en vertu d’une obligation de réparation incombant à la partie versante, ne constituent des recettes concourant à la formation du bénéfice imposable que si la perte ou la charge qu’elles ont pour objet de compenser est elle-même de la nature de celles qui sont déductibles pour la détermination des bénéfices imposables12. Dans ces conditions, l’indemnité pour préjudice moral versé à un commerçant particulier doit échapper à l’imposition du bénéfice puisqu’elle ne vient compenser aucune perte de revenu ou d’élément du patrimoine professionnel. 2° Préjudice moral et imposition des bénéfices non commerciaux 8 - L’imposition des indemnités compensant le préjudice moral subi par une personne physique non commerçante doit nécessairement procéder des prescriptions de l’article 93, 1 du CGI, aux termes desquelles « le bénéfice à retenir dans les bases de l’impôt sur le revenu est constitué par l’excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l’exercice de la profession », dispositif qui n’est pas sans rappeler celui énoncé par l’article 38,1 s’agissant des bénéfices industriels et commerciaux et qui – dans la mesure où participent de telles recettes l’ensemble des sommes perçues en contrepartie du service rendu au client 13 – devrait, mutatis mutandis, conduire à l’exclusion de ces indemnités du champ d’application de l’impôt sur les bénéfices. La jurisprudence s’est orientée en ce sens de longue date, considérant ainsi : ‰qu’une indemnité ayant eu pour objet de compenser une perte en capital qui ne s’était pas elle-même accompagnée d’une perte de revenus participait d’un gain en capital non imposable à l’impôt sur le revenu14 ; ‰qu’une indemnité versée en réparation du préjudice matériel et moral résultant, notamment, d’une action injustifiée n’était imposable qu’à concurrence de sa fraction correspondant à la perte temporaire de recettes professionnelles, excluant ainsi par conséquent la quote-part d’indemnité correspondant au préjudice moral 15 ; ‰que les dommages-intérêts alloués par un tribunal à un contribuable exerçant une profession libérale pour atteinte à son honorabilité personnelle n’ont pas, bien qu’ils concernent à la fois la personne de l’intéressé et l’exercice de sa profession, le caractère d’un revenu mais d’un capital et ne sont pas passibles, dès lors, de l’impôt sur le revenu16 ; ‰que constitue une recette professionnelle imposable l’indemnité versée pour la réparation des troubles subis par un avocat dans l’exercice de sa profession, dès lors qu’ils n’ont pas entraîné une atteinte à sa réputation professionnelle ou à son honorabilité qui aurait pu être constitutive d’un préjudice moral 17. Il s’ensuit que les indemnités versées à un professionnel non commercial en réparation d’un préjudice moral échappent à l’impôt sur les bénéfices non commerciaux. 3° Préjudice moral et imposition des traitements et salaires 9 - Le droit fiscal est peu disert s’agissant des indemnités pour préjudice moral versées à un salarié – et ce, quelle que soit la nature de son emploi, pourvu cependant que sa rémunération soit imposable dans la cédule des traitements et salaires – mais l’analyse de la fiscalité applicable à ce type d’indemnité implique de distinguer selon qu’elles sont versées en cours ou en fin de contrat. 10 - Indemnités versées en cours de contrat.–Il ressort des articles 79 et 80 du CGI que les indemnités pour préjudice moral perçues par un salarié échappent à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires, sauf lorsque leur montant excède un million d’euros, d’une part et lorsqu’elles sont fixées par décision de justice, d’autre part. Il ressort donc de cette disposition qu’échappent à l’impôt sur le revenu, dans la catégorie des traitements et salaires : 10. CE, 16 févr. 1944 : RO 461. – CE, 19 juin 1974 : Dr. fisc. 1974, n° 31, comm. 977. 11. BOI-BIC-PDSTK-10-30-20, 2 févr. 2016, § 220. 12. CE, plén., 12 mars 1982, n° 17074 : RJF 4/82, n° 334. 13. CE, 24 janv. 1973, n° 81875. – CE, 29 juin 1977, n° 1606. – CE, 11 juin 1980, n° 11510 : BOI-BNC-BASE-20-20, 9 févr. 2022, § 10. 14. CE, 9e ss-sect., 7 janv. 1966, n° 64047 : Dupont, p. 129 ; BOI-BNC-CHAMP10-10-20-30, 2 févr. 2016, § 90. 15. CE,7e et8e ss-sect., 19 juin 1974, n° 92092 : Dupont 1974, p. 359 ; BOI-BNCCHAMP-10-10-20-30, 2 mars 2016, § 80. 16. CE, 5 juill. 1944, n° 69320 : RO p. 157 ; BOI-BNC-CHAMP-10-10-20-30, 2 mars 2016, § 100. 17. CAA Marseille, 23 oct. 2000, n° 99-194, Lecuyer : RJF 12/01, n° 1527. – CE, na, 9e ss-sect., 29 oct. 2001, n° 229714 : RJF 4/02, n° 283. 20 LA REVUE FISCALE DU PATRIMOINE N° 6, JUIN 2024
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