sont alors imposables. En application du principe du lien direct, qui gouverne l’assujettissement de toute somme à la TVA, les indemnités de rupture de contrat sont soumises à la TVA dès lors qu’elles constituent la contrepartie d’une prestation de services individualisable3, condition qui exclut du champ d’application de la taxe les indemnités qui se bornent à réparer le préjudice procédant du seul fait de la rupture prématurée du contrat 4 : l’administration fiscale a tiré les conséquences de cette jurisprudence et posé pour principe que désormais, pour être imposées à la TVA, les indemnités doivent correspondre à des sommes qui constituent la contrepartie d’une prestation de services individualisée rendue à celui qui la verse ; à l’inverse, une indemnité qui a pour objet exclusif de réparer un préjudice commercial, fût-il courant, n’a pas à être soumise à cet impôt dès lors qu’elle ne constitue pas la contrepartie d’une prestation de services, outre le fait que le versement d’indemnités ne permet pas, à lui seul, de conclure au caractère taxable de cette somme5. Sont ainsi imposables à la TVA les indemnités perçues en contrepartie d’une obligation de ne pas faire ou de tolérer un acte ou une situation, dès lors qu’elles constituent en réalité la contrepartie d’un service rendu, les indemnités versées dans le cadre de la résiliation d’un contrat, lorsqu’elles constituent la rémunération d’un commencement d’exécution, ainsi que les dépôts de garantie conservés en cas de désistement du promettant ; en revanche, les indemnités reçues par un assujetti et correspondant exclusivement à la réparation d’un préjudice ou d’un dommage ne constituent pas la contrepartie d’une prestation de services et, partant, sont exclues du champ de la TVA6 : tel doit être ainsi le cas des indemnités compensant un préjudice moral. 4 - Impôt direct. – C’est dans le cadre des impôts directs que se niche essentiellement la problématique de la fiscalité du préjudice moral. L’examen de la fiscalité des indemnités permet de définir, en droit fiscal, l’indemnité comme étant une somme destinée à compenser la perte d’un gain ou d’une valeur comprise dans le patrimoine du contribuable, peu important que cette perte soit d’origine contractuelle ou extracontractuelle. L’imposition des indemnités perçues par l’entreprise obéit, quant à elle, à une logique unique, fondée sur la notion de préjudice fiscalement quantifiable : si le revenu ou le bien perdu par l’entreprise participe de la détermination du bénéfice imposable, sa perte conduira à une diminution de l’actif net de l’entreprise, de telle sorte que l’indemnité versée en compensation de cette perte viendra compenser une perte fiscalement quantifiable puisqu’elle rétablira l’actif net de l’entreprise à la valeur qui eût été la sienne si ce revenu ou ce bien n’avait pas été perdu ; la jurisprudence a ainsi posé pour principe que les indemnités versées à un contribuable pour réparer une diminution de ses valeurs d’actif, une dépense qu’il a exposée ou une perte de recettes, dès lors que leur versement a été effectué non pour concourir à l’équilibre de l’exploitation, mais en vertu d’une obligation de réparation incombant à la partie versante, ne constituent des recettes concourant à la formation du bénéfice imposable que si la perte ou la charge qu’elles ont pour objet de compenser est elle-même de la nature de celles qui sont déductibles pour la détermination des bénéfices imposables7. Ainsi donc, au droit privé, qui considère l’indemnité comme revêtant une double nature à la fois compensatrice et réparatrice, le droit fiscal oppose une selon laquelle l’indemnité participe d’une nature exclusivement compensatrice. L’examen de la fiscalité des indemnités et dommagesintérêts, autant que de la fiscalité des professionnels et des particuliers, doit nous conduire à distinguer les indemnités et dommages-intérêts compensant le préjudice moral subi par une personne physique, de ceux compensant le préjudice moral subi par une personne morale, mais il convient de relever, au préalable, qu’à défaut d’exclusion particulière, ces solutions trouvent à s’appliquer quelle que soit la source de l’indemnité pour préjudice moral que celle-ci procède d’une décision judiciaire, d’une convention privée, voire d’une sentence arbitrale8. 1. Compensation du préjudice moral d’une personne physique 5 - L’état de droit sur l’appréhension fiscale du préjudice moral, tel qu’il procède des solutions jurisprudentielles et de l’application littérale de la loi fiscale conduit au constat que les indemnités perçues en compensation d’un préjudice moral échappent, par elles-mêmes, à l’impôt. A. - L’état du droit sur l’appréhension fiscale du préjudice moral 1° Préjudice moral et imposition des bénéfices industriels et commerciaux 6 - L’imposition des indemnités compensant le préjudice moral subi par un commerçant personne physique doit nécessairement procéder des prescriptions de l’article 38, 1 du CGI, aux termes desquelles « le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d’après les résultats d’ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises », étant précisé que les opérations réalisées peuvent concerner l’objet même de l’entreprise ou n’avoir aucun lien direct avec son activité9 : dans la mesure, toutefois, où le préjudice moral ne sera pas la conséquence d’une opération réalisée, mais au contraire subie par l’entreprise, l’interprétation stricte et littérale de ce texte doit conduire à l’exclusion de ces indemnités de la détermination du bénéfice imposable. Mais on ne saurait non plus faire abstraction des dispositions de l’article 38, 2 du même code, qui énoncent que « le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de la 3. CE, 30 juill. 2003 : RJF 11/03, n° 1232. 4. CE, 23 oct. 1998 : RJF 12/98, n° 1406. – CE, 15 déc. 2000, Sté Polyclad Europe : RJF 3/01, n° 293. 5. BOI-TVA-BASE-10-10-10, 11 mai 2022, § 260. 6. BOI-TVA-BASE-10-10-30, 12 sept. 2012, § 130. 7. CE, plén., 12 mars 1982, n° 17074 : RJF 4/82, n° 334. 8. Même si cette dernière source peut, dans certains cas, appeler des remarques particulières : V. n° 11. 9. BOI-BIC-BASE-10-10, 3 févr. 2016, § 40 et 50. ÉTUDES LA REVUE FISCALE DU PATRIMOINE N° 6, JUIN 2024 19
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