Legs et Donations 2023

çaise organisait le morcellement des successions internationales en prévoyant deux règles de conflits de lois en fonction de la nature des biens compris dans la succession. La succession mobilière était régie par la loi du dernier domicile du défunt3. Si le défunt était domicilié en France au moment de son décès, la loi française successorale s’appliquait à l’ensemble de ses biens meubles quel que soit le lieu de leur situation. Les successions immobilières quant à elles étaient soumises à la lex rei sitae4. Ainsi c’était le lieu de situation de l’immeuble qui déterminait la loi applicable à la succession immobilière. Par conséquent, il y avait autant de successions à régler qu’il y avait de lois applicables. Il y avait donc autant de réserves différentes qu’il y avait de masses successorales en fonction des lois applicables. Le caractère scissionniste de la règle rendait périlleux le recours à une donation-partage portant sur des immeubles situés dans plusieurs pays5. Comme il a été relevé le morcellement conduisait « à calculer la réserve et la quotité disponible sur chaque masse de biens soumise à une loi différente, sans pouvoir effectuer de compensation d’une masse à une autre, donc sans pouvoir prendre en compte les attributions qui ont été faites dans les autres masses »6. 4 - Le moment d’appréciation de la validité d’une libéralité-partage. – Une autre difficulté et non des moindres, concernait le moment d’appréciation de la validité d’une libéralité-partage. En effet, la loi successorale s’apprécie au moment du décès du défunt, or, au moment de la donation ou du testament, le dernier domicile du donateur n’était pas connu. Si ce dernier changeait de domicile avant son décès, il modifiait la loi successorale au moins pour la partie mobilière, pouvant ainsi remettre en cause le règlement anticipé prévu par une libéralité-partage si la nouvelle loi successorale prohibait ce type de disposition7. 5 - Plan. – En ce sens, le règlement européen n° 650/2012 apporte des solutions. Nous verrons donc la validité des libéralités-partages (1), puis les effets des libéralités-partages (2). 1. La validité des libéralités-partages 6 - Une question de qualification. – La validité de la libéralité-partage dépend de la qualification (A) qu’elle peut recevoir en application du règlement européen n° 650/2012 qui distingue les dispositions à cause de mort autres que les pactes successoraux (B) et les pactes successoraux (C). Il faut noter que le règlement distingue entre la recevabilité et validité de ces dispositions. Comme il a été relevé, la recevabilité, qui est comprise dans le sens de l’admissibilité, n’est qu’un aspect particulier de la validité au fond8. On ne la distinguera donc que lorsque le texte applicable le prévoit. 3 Cass. civ., 19 juin 1939, Labedan, B. Ancel et Y. Lequette. Grands arrêts de la jurisprudence française de droit international privé : Dalloz, 5e éd., 2006, arrêt n° 18. 4 Cass. civ., 14 mars 1837, Stewart, B. Ancelet et Y. Lequette. Grands arrêts de la jurisprudence française de droit international privé, Grands arrêts de la jurisprudence française de droit international privé : Dalloz, 5e éd., 2006, arrêt n° 3. 5 A. Guichard, La donation-partage en droit international privé : de l’ABC à l’art d’articuler : AJ famille 2022, p. 31 et s. 6 P. Callé, Les donations-partages en droit international privé : Defrénois 2014, n° 07, p. 399. 7 . A. Guichard, La donation-partage en droit international privé : de l’ABC à l’art d’articuler : AJ famille 2022, p. 31 et s., préc. 8 A. Bonomi et P. Wauthelet, Le droit européen des successions : Bruylant, 2e éd., 2020, art. 24, n° 9, p. 411. 9 A. Bonomi et P. Wauthelet, « Le droit européen des successions », Le droit européen des successions : Bruylant, 2e éd., 2020, art. 24, n° 4, p. 407-408. 10 P. Callé, Règlement Successions : notion de pacte successoral : CJUE, 9 sept. 2021, aff. C-277/20 ; Defrénois 2022, n° 04, p. 37. A - La qualification des libéralités-partage 7 - Qualifications possibles. – Le règlement européen n° 650/2012 distingue les dispositions à cause de mort autres que les pactes successoraux (art. 24) et les pactes successoraux (art. 25). Cette distinction entraîne l’application de règles différentes quant à leur validité au fond et en la forme. Selon le règlement, le pacte successoral est défini à l’article 3-b comme « un accord, y compris un accord résultant de testaments mutuels, qui confère, modifie ou retire, avec ou sans contre-prestation, des droits dans la succession future d’une ou de plusieurs personnes parties au pacte ». Les dispositions à cause de mort quant à elles sont définies à l’article 3-d comme un « testament, un testament conjonctif ou un pacte successoral ». Il faut donc comprendre que les dispositions à cause de mort comprennent les pactes successoraux sauf lorsque ceux-ci sont expressément exclus par le texte applicable. Or, l’article 24 s’applique aux dispositions à cause de mort autres que les pactes successoraux et concerne donc essentiellement les testaments9 alors que l’article 25 ne s’applique qu’aux pactes successoraux. 8 - Le rôle déterminant de l’accord de volontés. – Ainsi, ce qui va permettre de qualifier une libéralité-partage dépend de l’existence d’un accord de volontés qui relève du pacte successoral ou de la manifestation d’une seule volonté, qui relève de la disposition à cause de mort autres que les pactes successoraux. La Cour de justice de l’Union européenne a eu l’occasion de préciser la notion de pacte successoral qui s’entend comme un accord qui confère des droits dans la succession future d’une personne10. REMARQUE  Relève indubitablement d’une disposition à cause de mort hors pacte successoral le testament-partage et d’un pacte successoral la donation-partage. B - La validité des dispositions à cause de mort autres que les pactes successoraux 9 - Validité au fond. – Selon l’article 24, la validité au fond d’une disposition à cause de mort autre qu’un pacte successoral, et donc d’un testament partage, est régie par la loi qui, en vertu du règlement, aurait été applicable à la succession de la personne ayant pris la disposition si elle était décédée le jour de l’établissement de la disposition. C’est donc la loi successorale anticipée qui s’applique. En principe, la succession est soumise à la loi de la dernière résidence habituelle du défunt (art. 21). Donc le testament-partage sera soumis à la loi de la résidence habituelle du testateur au moment de la rédaction du testament. Ainsi un testament-partage portant sur un bien immobilier situé en France alors que le testateur réside à l’étranger sera soumis à la loi étrangère de sa résidence. - 49 - LE GUIDE DES ASSOCIATIONS & FONDATIONS 2023 ÉTUDE FAMILLE

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